Par Jean-Pascal ROCHE - ingénieur énergéticien spécialisé dans les concepts HQE®.
Cette chronique technique montre la démarche de conception d’un réseau de chaleur bois énergie réalisé à l’échelle d’une commune moyenne (Embrun dans le 05).
Cette conception donne entièrement satisfaction d’un point de vue énergies renouvelables puisque les besoins en chauffage sont fournis en quasi-totalité (97 %) par le bois énergie et les besoins électriques sont fournis en totalité par le photovoltaïque.
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Le réseau de chaleur bois énergie Quartier La Gare a été réalisé sous maîtrise d'ouvrage de la commune d'Embrun dans le cadre de sa politique de valorisation de la ressource forestière locale, et de réduction des émissions de gaz a effet de serre.
C’est un projet qui a démarré avec une Etude de faisabilité en mars 2006, puis par une mission de maitrise d’œuvre qui a débuté en janvier 2008. Les travaux ont démarré en Octobre 2009 pour une mise en service de la chaufferie en Septembre 2010.
Le réseau de chaleur comprend :
- une chaufferie située à côté de la gare SNCF, surface : 206 m²
- un silo de stockage aérien attenant à la chaufferie comprenant 3 box de stockage, surface : 156 m²
Soit un volume de stockage de 300 m3
- un réseau de distribution en tubes acier pré-isolé Longueur totale des tuyauteries : 2 400 ml
- sous-station avec échangeur de chaleur et compteur calorimétrique dans chaque bâtiment : 16 bâtiments ont été raccordés en première tranche.
Stockage du combustible bois
Equipement chaufferie :
type foyer volcan
Marque MULLER
Puissance 1 600 kW
chaudière fioul appoint secours :
type chaudière acier triple parcours
Marque GUILLOT
Brûleurs CUENOD
Puissance : 2 500 kW
Extension possible :
Le local chaufferie a été conçu pour permettre la mise en place d'une deuxième chaudière bois afin de raccorder d'autres bâtiments. Les équipements du réseau primaire : tuyauteries et échangeur ont étdimensionnés pour permettre cette extension.
Chaudière bois |
Conduit de fumée |
Espace libre en chaufferie |
Pompes réseau de chaleur |
L'objectif du maître d'ouvrage est d'obtenir un taux de couverture bois le plus élevé possible, tout en conservant un fonctionnement satisfaisant de la chaudière bois en période de mi-saison.
La puissance totale des déperditions de l'ensemble des bâtiments raccordés au réseau est de 2 500 kW pour la température extérieure de base : -15°C
La puissance de la chaudière bois retenue est de 1 600 kW.
Une chaudière fioul de 2 500 kW permet d'assurer la pointe et le secours durant les périodes d'entretien de la chaudière bois
Sur la base des données de température heure par heure Météo France de la station d’Embrun, ce dimensionnement conduit à un taux de couverture bois de 90%
APPEL DE PUISSANCE
Le réseau alimente 16 bâtiments:
|
Chaque bâtiment est équipé d'une sous-station comprenant :
|
L'équilibrage est réalisé au moyen de vannes d'équilibrage dans chaque sous-station.
La première de saison de chauffe durant l’hiver 2010-2011 a été marquée par :
- Un début d’hiver rigoureux avec des DJU sur les mois d’Octobre/Novembre/Décembre de 1178 soit +10% par rapport aux valeurs moyennes.
- Des mois de Janvier, Février, Mars et Avril plus doux que la moyenne.
Sur l’ensemble de la saison de chauffe, les DJU ont été inférieures de 13.5% à la moyenne.
La consommation totale des 16 bâtiments a été de 2 202 MWh pour une estimation en phase étude de faisabilité de 2 287 MWh.
Le taux de couverture bois a été de 97% soit un taux supérieur à l’estimation initiale. Le recours au fioul est lié principalement aux interruptions de fonctionnement de la chaudière bois pour l’entretien et le nettoyage.
Ce taux de couverture supérieur aux estimations peut s’expliquer par :
- un foisonnement des appels de puissance lié à l’intermittence notamment sur les bâtiments scolaires et de commerce.
- l’inertie globale du système réseau et bâtiment qui permet d’absorber les pointes de puissance.
Rendements globaux sur la saison de chauffe :
- Le rendement global de production de la chaudière bois a été de : 85%
- Le rendement du réseau a été de 74%
Soit un rendement global entre l’entrée chaudière et la livraison bâtiment de 63%.
Un générateur d’électricité photovoltaïque a été installé sur la toiture du bâtiment abritant la chaufferie centrale. L’énergie électrique produite est injectée sur le réseau électrique Basse Tension d’ERDF.
6.1) Les caractéristiques du générateur photovoltaïque
Les équipements en toiture
- toiture monopente (8,53° / 15%) orientée Sud Est (azimut -34°)
- 350 modules photovoltaïques polycristallins d’une puissance unitaire de 210 Wc soit une puissance totale de 73,5 kWc installée en toiture (modèle MPE210PS05 de SCHUCO)
- système d’intégration simplifié au bâti de type PV x light de SCHUCO sous avis technique CSTB.
- surface du générateur en toiture = 542 m²
Les équipements électriques
- parafoudres de type 1 sur les circuits DC et AC
- 6 onduleurs monophasés de 9kW monostring (Modèle 9000 TL de SMA)
- 3 onduleurs monophasés de 5 kW multistrings (Modèle 5000TL de SMA)
- 1 Tableau Général Basse Tension Photovoltaïque avec centrale de mesure électronique
Le suivi de l’installation
- système de surveillance et de suivi des performances avec :
- carte d’acquisition sur chaque onduleur
- sonde de température et d’ensoleillement en toiture
- centrale d’acquisition raccordée au réseau téléphonique
- publication des données sur site internet (Sunny Portal de SMA)
6.2) Le dimensionnement de l’installation photovoltaïque
Le dimensionnement et la conception du générateur a été réalisé par le BET Adret en prenant en compte les éléments principaux suivants
- le masque solaire lointain masque d’horizon avec prise en compte du relief environnant et des éléments voisins (bâtiments)
- la modélisation de l'unique masque solaire proche portant ombrage sur les modules du générateur: les conduits de fumée de la chaufferie
- la chute de tension sur les câbles DC et AC limités à 1%
Les calculs ont été réalisés avec le logiciel PVSYST et l’optimisation de l’architecture électrique (nombres et types d’onduleur) a été obtenue à la suite de plusieurs simulations pour étudier avec précision la localisation et le déplacement de l’ombre portée de conduits de fumées sur le champ photovoltaïque.
Une étude de faisabilité a été réalisée par le BET Adret en juin 2009 en prenant en compte ces différents éléments.
6.3) La productivité du générateur photovoltaïque
Le générateur a été mis en service en février 2011, le tableau suivant récapitule l’énergie électrique produite depuis cette période et la compare aux calculs prévisionnels
Mars 2011 | Avril 2011 | Mai 2011 | Juin 2011 | Juillet 2011 | Août 2011 | Septembre 2011 | Total | |
Production prévisionnelle (MWh) | 6,8 | 7,3 | 8,9 | 10 | 10,7 | 9,34 | 7,2 | 60,2 |
Production réelle (MWh) | 8,97 | 11,13 | 12,35 | 11,82 | 12,41 | 11,46 | 8,77 | 76,91 |
Ecart % | 32% | 52% | 38% | 18% | 16% | 22,7% | 21 ,8% | 27,7% |
On constate un écart en faveur de la production réelle qui s’explique par 2 facteurs principaux :
- les calculs prévisionnels ont été réalisés avec des modules PV d’une puissance unitaire de 205Wc alors que les modules finalement installés présentent une puissance de 210Wc.
- l’impact de l’ombre portée des conduits de fumées est, pour l’instant, moins important que dans les calculs prévisionnels car seuls les 2 conduits sont installés sur les 3 prévus (et simulés en ombres portés) lorsque l’extension du réseau de chaleur sera réalisée.
La productivité annuelle prévisionnelle du générateur était de 77,54MWh, compte tenu de l’écart constaté avec la production réelle sur les 7 premiers mois de fonctionnement (27,7%) la production annuelle sur la première année de fonctionnement avoisinera probablement les 99MWh.
Il est intéressant de mettre en regard ce dernier chiffre avec la consommation électrique réelle du site pour les usages chaufferie et réseaux secondaires sur sa première année de fonctionnement : 97,9MWh.
D’un point de vue consommation électrique, le bilan énergétique s’équilibre donc entre la production photovoltaïque et la consommation électrique pour les usagers de la chaufferie.
En résumé, une très belle réalisation à l’échelle d’une commune moyenne qui donne entièrement satisfaction d’un point de vue énergies renouvelables puisque les besoins en chauffage sont fournis en quasi-totalité (97%) par le bois énergie et les besoins électriques sont fournis en totalité par le photovoltaïque. |
Par Jean-Pascal ROCHE du Bet ADRET.
J.P. ROCHE est ingénieur énergéticien spécialisé dans les concepts HQE®. Il intervient sur le territoire national dans les programmes tertiaire et résidentiel en assistance à Maîtrise d'Ouvrage et maîtrise d'œuvre
www.adret.net
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Pour mieux apprecier le projet présenté il sera bon de savoir le prix de la realisation et le delai d`acquitement