Par Périne HUGUET - Architecte du projet
Le siège du Parc National de la Guadeloupe a été conçu selon une démarche de qualité environnementale caribéenne au sens large ayant pour but de conduire à la réalisation d’un projet architectural dont l’impact sur l’environnement local, régional et planétaire est minimal et dont l’impact sur le confort et la santé de ses occupants est optimal.
Cette réalisation a eu le 1er prix France et le 2éme prix international des Green Buildings Solutions Awards 2016 dans la catégorie Energie & Climats Chauds.
Ce bâtiment de référence en Guadeloupe est emblématique d’une recherche du confort et de minimisation des impacts environnementaux à moindre coût global. Il a été conçu dans une démarche de Qualité Environnementale du Bâtiment (QEB) en milieu tropical, qui s’appuie fortement sur une conception bioclimatique du projet architectural.
Le Parc National peut s’appuyer sur ce lieu symbole pour valoriser auprès du public ses missions, ses principes et ses préoccupations. Il joue pleinement son rôle de destination reconnue, revendiquée par la population et les partenaires de l’établissement.
C’est un équipement sain, « transmetteur » de connaissance, de respect, d’échanges entre les êtres, entre les préoccupations de chacun autour de la nature, entre les espaces intérieurs et les jardins.
Démarche développement durable du maître d'ouvrage
Une démarche d’aménagement urbain et de construction qui s’inscrit dans une logique de développement durable permet de répondre à cette double urgence de maîtrise des impacts environnementaux des bâtiments au niveau local, régional et planétaire d’une part et de réalisation d’espaces de vie plus confortables et plus sains d’autre part. Et c'est tout particulièrement l'implantation et l'orientation des bâtiments sur le site qui définissent la qualité de cette réponse, puisqu'elles apportent, sans surcoût, des solutions satisfaisantes à cette problématique :
- Une minimisation des terrassements, et consécutivement une limitation des nuisances, des pollutions, des perturbations du milieu naturel et des coûts induits.
- Le bâtiment se pose ainsi légèrement sur le terrain en suivant sa topographie.
- Aucune évacuation du site n’a été nécessaire, tous les déblais ont été réutilisés.
- Le contournement de l’ensemble des arbres et la préservation de leur système racinaire grâce à des fondations limitant les fouilles.
- L’imperméabilisation minimale du terrain par la mise en place de plus de 500 m² de toitures végétalisées avec les végétaux prélevés sur le site, la création d’un parking constitué d’un complexe terre/pierre (ou gazon/gravier) et de voies de circulation voiture matérialisées par seulement 2 bandes de roulement en béton séparées par une zone stabilisé végétalisée.
- Une minimisation des apports solaires directs sur les façades, une optimisation du potentiel de ventilation naturelle et une exploitation maximale du gisement de lumière naturelle, trois problématiques qui ont un impact direct sur le confort des utilisateurs et les consommations d'énergie.
- La création d'ambiances et de vues de qualité, d'un dialogue harmonieux avec l'environnement naturel, la limitation des nuisances vis à vis du voisinage et du site.
Le siège du Parc National de la Guadeloupe vient ainsi « se poser » avec respect du site sur les courbes de niveau du terrain entre les arbres existants préservés. Les quelques terrassements nécessaires sont traités en déblais-remblais équilibrés.
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Points forts architecturaux :
- L’intégration douce du bâtiment dans et sur le site d’accueil.
- La préservation de la diversité des ambiances et des arbres remarquables du site.
- L’ouverture et la transparence du bâtiment comme un attrait vers la connaissance de la nature.
- La qualité des espaces intérieurs favorisant les relations, les échanges et la convivialité dans un lieu de travail agréable, confortable et généreux.
- La transition architecturale entre ce lieu à la limite de la ville et la zone naturelle du Parc et de la soufrière.
- Un fonctionnement fluide et lisible pour tous, dès l’entrée du Siège.
- Une exemplarité dans la maîtrise de la consommation énergétique et la préservation des ressources naturelles.
Gestion des besoins électriques
Le bâtiment ne nécessite aucun système de chauffage ou de climatisation. Les besoins en électricité sont couverts par un générateur solaire photovoltaïque.
Le dimensionnement a été fait de manière à couvrir l’ensemble des besoins électriques en bilan annuel. Considérant l’adéquation des besoins du site avec la production solaire, le générateur ne comporte pas de stockage d’énergie. Les intervenants ont décidé de mettre en œuvre sur le site du PNG un générateur photovoltaïque fonctionnant en autoconsommation, avec injection du surplus d’énergie sur le réseau. Enfin, le choix a été fait d’utiliser des micro-onduleurs, technologie prometteuse offrant de multiples avantages dans un bâtiment tertiaire classé ERP : sécurité, garantie 25 ans des onduleurs, productible optimisé. La production d’eau chaude est, elle, assurée par un chauffe-eau solaire installé en toiture.
Optimisation de la ventilation naturelle
Après la protection solaire limitant les apports thermiques externes, le confort thermique dans l’ensemble du bâtiment, est créé par la ventilation des locaux qui permet :
- d’une part d’évacuer les charges internes qui auront préalablement été minimisés ;
- d’autre part, de créer une vitesse d’air sur l’occupant pouvant abaisser jusqu’à 4°C la température ressentie par celui-ci avec une vitesse d’air à l’intérieur du bâtiment et sur l’occupantde l’ordre de 1 m/s.
Une excellente capacité de ventilation naturelle des bâtiments est permise par la conception du plan masse qui expose au mieux le bâtiment au captage des vents dominants et qui comporte des espaces de circulation de grande hauteur avec des positions optimales des entrées-sorties de ventilation naturelle, et une modulabilité des ouvrants (ventilation par trames) conduisant à la possibilité de maîtrise des flux directionnels et des vitesses d’air.
En termes de dimensionnement, la porosité (taux de percement) de la façade sous le vent, aérauliquement moins efficace (brise thermique de jour) est portée à minima à des valeurs conformes à celles du cahier des charges Ecodom et permettront une circulation d’air homogène et un effet venturi.
Pour les périodes sans vent ou lorsque la vitesse de vent sera insuffisante pour assurer le confort thermique, celui-ci pourra être obtenu au moyen de brasseurs d’air plafonniers.
Ces brasseurs d’air créent une vitesse d’air de l’ordre de 0,5 m/s dans les pièces où ils sont installés et peuvent induire une amélioration du confort ressenti de l’ordre de 2°C.
Sur la 1ère année d’exploitation, le ratio de performance du générateur solaire est supérieur à la moyenne (+ 11 %) des installations monitorées en Guadeloupe.
Eau et qualité de l'air intérieur, santé et confort
La démarche d'éco-gestion sur l'eau potable a été identique, en termes méthodologiques, à la démarche conceptuelle globale adoptée par l'équipe pour la conception du projet et plus particulièrement pour la gestion des autres fluides notamment pour l'énergie :
- Sobriété dans l'usage de l'eau c'est à dire conception globale des installations et des espaces végétalisés (patio, toiture végétalisée, …) minimisant les besoins d'eau potable et incitation des usagers à un usage rationnel et raisonné de cette eau;
- Efficacité dans l'usage de l'eau c'est à dire conception des systèmes de distribution et de terminaux minimisant, pour un service donné, les consommations d'eau froide et d’eau chaude ;
- Conception rationnelle des réseaux d'eau intérieurs comportant des limiteurs de pression (3 bars maxi), une minimisation des bras morts et des longueurs d'antennes terminales, une optimisation globale des cheminements permettant :
- des économies d'eau par une réduction des débits (pression maîtrisée) ;
- des économies d’eau par une détection de présence pour chaque point de soutirage (exceptée la cuisine commune) ; - Conception de terminaux d'eau d'utilisation potables efficaces :
- Toilettes à double débit, robustes et faciles d'usage, avec signalétique intégrée à débit maxi 3/6 litres ;
- Terminaux de douche et de lavabos avec aérateurs à débit modulable avec maxi à 8 l/mn ;
- Minimisation des risques de légionellose par l’utilisation de robinetterie électronique avec ouverture automatique de 45 s après 24h de non utilisation empêchant ainsi le développement de bactéries. - Sélection d'espèces végétales arborescentes et arbustives locales aux très faibles besoins hydriques. Les espèces choisies sont toutes non allergènes.
Confort & santé :
Les grands axes du confort pour les utilisateurs des locaux sont :
- Une ventilation naturelle optimale mais à tout moment maîtrisable et assistée par des dispositifs à faible consommation d’énergie (brasseurs d’air plafonniers),
- Un éclairage naturel optimisé,
- Des espaces largement ouverts sur la nature préservée ou reconstituée,
- Des vues lointaines omniprésentes sur la mer, les monts caraïbes mais également les jardins arborés. Pour cela :
- Tous les corps de bâtiments ont 6 mètres de profondeur au maximum pour permettre la pénétration de la lumière naturelle de façon uniforme,
- Tous les bureaux ont une façade largement ouverte sur la lumière naturelle directe (façade nord ou sud) et un deuxième jour sur le patio ou les circulations éclairées,
- Tous les bureaux sont en ventilation traversante directe, - Les vents dominants sont drainés dans le « goulet » du patio créant un appel d’air propice à la ventilation qui permet de diffuser la fraîcheur créée par les plantations dans tous les bureaux.
- Les espaces de rencontre conviviaux sont présents tout au long des circulations. Ces espaces sont ouvrables sur l’extérieur et le traitement de leur façade en claustra de bois brut permet une ventilation permanente tout en laissant pénétrer une lumière tamisée plus douce.
Claustras en bois provenant d'une filière locale
Du bois local a été utilisé pour tous les claustras grilles qui ferment le bâtiment. C’est une performance car la filière bois n’existe pas en Guadeloupe alors il a fallu utiliser le seul bois qui sort encore de la foret et qui sert pour faire des étais dans la construction. Pour cela, une convention avec l’ONF (Office National des Forêts) a été passée afin qu’ils désignent la parcelle pouvant être récoltée. Les troncs de jeunes arbres sont utilisés bruts. Le principe étant de les remplacer s’ils se dégradent. A l’heure actuelle, une des essences (le gommier blanc, la plus tendre) abrite de nombreux « vonvon » (Xylocopa mardax, gros bourdon) pour le plus grand plaisir du directeur qui voit ainsi la biodiversité envahir encore plus son bâtiment. Autre avantage, la lumière qui est créé à l'intérieur du bâtiment est tamisée, douce, comme un sous bois.
Le maître d'ouvrage était vraiment très heureux de ce produit car sa démarche environnementale avait souffert du fait de ne pouvoir utiliser ni du bois local, ni même du bois de Guyane (problème de coût). Cette solution est donc pleinement satisfaisante plaçant une nouvelle fois cette réalisation comme bâtiment remarquable..
Consommation énergétique et performance énergétique de l'enveloppe
Eco-matériaux :
- Recours à du bois certifié pour tous les usages ;
- Bâtiment sans usage de CFC ou de HCFC (exemple : isolants, fluides frigorigènes puisque qu'aucune climatisation, ...)
- Minimisation absolue de l’usage du PVC
Besoin en énergie primaire : 84,00 kWh EP/m²/an
Besoin en énergie primaire bâtiment standard : 344,00 kWh EP/m²/an
Méthode de calcul : RT Guadeloupe
CEEB : 0,00 kWh PE / €
Consommation d'énergie finale : 21,70 kWh EF/m²/an
Répartition de la consommation énergétique :
Eclairage intérieur : 25 %
Climatisation local serveur : 30 %
Ventilation : 11 %
Informatique : 23 %
La démarche d'optimisation énergétique reprend les principes Negawatt :
- Sobriété des besoins, grâce à la conception bioclimatique aboutie
- Performance des équipements, notamment les brasseurs d'air, les commandes par détecteurs de présence
- Recours aux EnR, avec le générateur solaire fonctionnant en autoconsommation qui a été dimensionné pour couvrir 100 % des besoins électriques.
UBat de l\'enveloppe : 0,60 W.m-2.K-1
Nous sommes sur un fonctionnement bioclimatique en zone tropicale en ambiance ouverte. Le facteur solaire caractérisant la qualité de l'enveloppe en climat tropical est inférieur à 0.03 en toiture.
Consommation réelle (énergie finale) /m²: 21.7 kWh EF/m²/an (2015)
Conclusion
En exploitant les ressources naturelles du site (climat,topographie) et en respectant scrupuleusement son environnement naturel (arbres remarquables préexistants, minimisation des déblais-remblais, inscription paysagère, orientation optimisée…) au service d’un fonctionnement en mode bioclimatique (c’est à dire sans recours à la climatisation), le bâtiment du siège du parc national de la Guadeloupe est aujourd’hui reconnu comme une référence en matière de QEB, dans le contexte tropical.
A noter que c’est aussi le premier bâtiment tertiaire de Guadeloupe en auto-consommation photovoltaïque.
LES ACTEURS DU PROJET |
LES CHIFFRES CLÉS |
Architectes |
Surface nette : 1 600 m² SHON |
Par Périne HUGUET
ATELIER 13
SOURCES
Périne HUGUET
ATELIER 13 - 9 tour MASSABIELLE - 97110 POINTE À PITRE
Laurent SEAUVE
EQUINOXE - Montplaisir - 97 115 SAINTE ROSE
Robert CELAIRE
1 Rue Mirabeau - 13 410 LAMBESC