Par Cédric FONTAINE – Dirigeant fondateur de Fontaine Ingénierie
Le plan PARISPLUIE est un plan ambitieux de réduction des volumes d’eau de pluie rejetés sur le réseau d’assainissement mis en place par les autorités de la capitale. Son objectif est, pour chaque construction neuve ou rénovation lourde, de « conserver » sur la parcelle, à chaque intempérie, les premiers millimètres d’eau de pluie tombés sur le bâtiment et les surfaces périphériques (jardins, allées, ...) - nous parlons d’abattement d'une lame d'eau.
Si la ville de Paris est une des pionnières dans la politique de gestion des eaux de pluie, d'autres collectivités sont aussi force de proposition et d'innovation.
Pour cette raison, la présentation jointe est susceptible d’intéresser chaque professionnel de la construction sur l'ensemble du territoire.
Gestion urbaine des eaux de pluies et économies de ressources
Le plan Parispluie pour protéger notre environnement
Un zonage précis des zones de pluie
La ville de Paris a publié une carte précise des différentes zones d'abattement.
Une dérogation en mode dégradé
Lorsque, pour des raisons techniques, il n'est pas possible de respecter cette demande en "mode seuil", les autorités proposent de travailler en dérogatoire dit "mode pourcentage" qui consiste à retenir les eaux de pluie issues non pas de la totalité de la toiture mais d'un pourcentage (variable selon la zone d'abattement) de celle-ci. En contrepartie de la réduction de cette surface, la pluie de référence sera de 16 mm.
Ce mode pourcentage permet une meilleure efficacité en cas de pluie intense (>16 mm) mais a un impact moindre en cas de pluie mesurée (<16 mm). Sur une année, le mode pourcentage sera moins performant que le mode normal.
Concrètement, un exemple
Pour un immeuble construit sur une parcelle de 850 m² en zone d'abattement renforcé, il est nécessaire d'abattre chaque jour pluvieux un volume de 850 m² * 12 mm soit un volume de 10,2 m³. En mode dégradé le volume à retenir sur la parcelle est de 850 m² * 80% * 16 mm soit 10,88 m³.
Les effets, limites et contraintes du plan ParisPluie
Réduisons les eaux de pluie renvoyées sur le réseau d'assainissement
Les effets du plan ParisPluie
La mise en place du plan ParisPluie permet une réduction forte du volume des eaux de pluie renvoyées sur le réseau d'assainissement.
La réduction - en zone d’abattement normal - est de 70% des volumes annuels en mode normal (cette réduction est de 50% en mode dégradé) ce qui entraîne :
→ Une diminution des volumes d'eau rejetés sur la station d'épuration d'Achères ce qui réduit la dilution des eaux usées à traiter et améliore le rendement de cette STEP.
→ Une réduction du risque de saturation des égouts et donc une diminution des effets de "lessivage" de la station d'épuration ainsi qu'une limitation du risque de débordements des eaux pluviales dans la Seine. Dans les deux cas de figure, la qualité du fleuve s'en trouve améliorée.
Les limites du plan ParisPluie
Le plan mis en place a aujourd'hui pour ambition de réduire les rejets d'eaux pluviales mais n'a pas pour vocation de réduire la consommation d'eau potable via une utilisation de l'eau de pluie. L'impact sur la ressource est quasi nul.
Les contraintes du plan ParisPluie
Abattre les eaux de pluie engendre des contraintes techniques et économiques pour les promoteurs et constructeurs. Le manque d’espaces verts disponibles en milieu urbain dense rend l'abattement "naturel" complexe et oblige à l'installation d'ouvrages complémentaires de type :
→ Toitures végétalisées
→ Jardin de pluie
→ Unité de récupération des eaux de pluie
L'impact positif de la récupération des eaux de pluie
Après plusieurs études de cas, nous constatons que la mise en place d'une unité de récupération des eaux de pluie peut s'avérer être la meilleure solution au regard des attentes de la ville de Paris.
Les conditions de la réussite :
Plusieurs facteurs ont une forte influence sur l'efficacité de la mise en place d'une unité de récupération des eaux de pluie :
→ La présence limitée d'espaces verts (cas fréquent à Paris) qui rend complexe la mise en place d'ouvrage d'abattement. La présence d'eaux résiduaires fortement polluées (ex : les eaux récupérées sur des terrasses accessibles au public ou des balcons qui peuvent être contaminées par des produits de nettoyage) ne peuvent être dirigées vers des jardins de pluie ou des ouvrages d’infiltration au risque de polluer les sols. Dans ce cas, il est nécessaire de travailler en mode d'abattement dégradé ce qui réduit l'efficacité des ouvrages.
→ Un ratio récolte / consommation favorable. Pour qu'une installation de récupération des eaux de pluie permettent d'abattre au maximum les eaux de pluie récupérées sur la parcelle, il est nécessaire que la consommation potentielle de cette eau de pluie soit au moins égale à la récolte. C'est le cas de nombreux bâtiments parisiens qui ont une emprise au sol réduite au regard du nombre d'occupants (immeubles tertiaires, établissements scolaires, ...).
Les résultats des études réalisées :
Nous constatons dans de nombreux cas que la mise en place d'une unité de récupération des eaux de pluie permet une réduction du volume d’eau rejeté plus importante que les exigences du plan Paris pluie.
Cas d'école
Données techniques :
Prenons le cas d'une parcelle de 950 m² sur laquelle est construit un immeuble de bureaux de 850 m² au sol en R+8. Un espace paysager de 100 m² en pleine terre équipera la surface disponible restante.
Sur cet immeuble est construit une terrasse accessible aux employés d'une surface de 80 m².
L'immeuble est occupé par 238 salariés (1 salarié / 25 m² du R+2 au R+8). Le RDC et le R+1 sont consacrés à l’accueil, aux locaux techniques et aux salles de réunion. Nous considérons que le taux d'occupation de cet immeuble est de 80%.
Analyse :
Mise en place du plan Parispluie :
La présence d'une terrasse accessible au public nécessite de travailler en mode dégradé. Pour répondre au plan Paripluie, il sera nécessaire de végétalisée une partie de la toiture (450 m² environ) avec un substrat de 20 cm minimum. A défaut de pouvoir végétaliser ces 450 m², la surface de végétalisation peut être réduite à 250 m² avec l'ajout d'un ouvrage d’infiltration ou jardin de pluie dans l'espace vert jouxtant le bâtiment.
Dans ces conditions, le volume d'eau abattu annuellement sera de 360 m³ sur un volume de pluie de 705 m³ soit un abattement soit 51%.
Mise en place d'une récupération des eaux de pluie :
La mise en place d'une unité de récupération des eaux de pluie permet de capter les eaux de pluie sur 770 m² de toiture (les eaux de la terrasse accessible ne sont pas récupérées). Ces eaux récupérées peuvent alimenter les sanitaires des salariés ainsi que l'arrosage des espaces verts. Chaque volume d'eau de pluie collecté et utilisé est un volume abattu selon le plan Parispluie. Dans ce cas, le volume abattu dépend du volume de la citerne de récupération des eaux de pluie (plus celle-ci est importante, plus le volume d'eau stocké en cas d'épisode pluvieux est important).
Aucune végétalisation, ni ouvrage d'infiltration supplémentaire n'est à prévoir dès lors que le volume abattu est supérieur aux exigences des autorités. Dans le cas présent, l'installation d'un volume de stockage de 20 m³ qui permet un abattement des eaux de 62% (contre 51% exigé en mode dégradé) soit au-delà des attentes du plan Parispluie.
Ce graphique présente l'abattement en fonction du volume de la citerne de récupération des eaux de pluie (courbe bleu) par rapport à la mise en place d'ouvrage de rétention sur site (droite rouge).
Remarque :
Dans certains cas (immeuble tertiaire de grande hauteur, il est possible de ne pas rejeter la moindre goutte d’eau de pluie au réseau d'assainissement.
Les bénéfices d'une récupération des eaux de pluie dans le cadre du plan ParisPluie
Écologique
La mise en place d’une unité de récupération des eaux de pluie peut réduire le volume des eaux de pluie rejetée au réseau au-delà des exigences du plan Parispluie. L'effet bénéfique est décuplé lors des périodes estivales soumises à un régime de précipitations rares mais intenses. Dans ce cas, les cuves de récupération qui sont vides permettent de récolter bien plus que les 8 premiers millimètres (entre 20 et 30 mm). L’effet de lessivage de la station d’épuration par les eaux de pluie en est réduit d’autant ainsi que les risques d'inondations.
Récupérer les eaux de pluie pour alimenter des sanitaires, des bouches d'arrosage ou le lavage des véhicules (Cf. article - que faire avec de l'eau de pluie) permet de réduire la consommation d’eau potable et de protéger la ressource. Au regard des changements climatiques et de l’augmentation du stress hydrique de nombreuses nappes phréatiques, il deviendra indispensable de réduire la consommation d’eau potable dans les années à venir via ce type de dispositif.
Économiques
→ Le coût d’investissement : la mise en place d’une unité de récupération des eaux de pluie nécessite des investissements légers au regard des coûts de construction d’un bâtiment. Ces investissements sont dans la majeure partie des cas moindres que la mise en place d'autres solutions techniques. Des solutions hybrides (eau de pluie + végétalisation partielle) peuvent être préconisées en fonction des contraintes techniques rencontrées sur chaque site.
→ Le retour sur investissement : la mise en place d’une récupération des eaux de pluie entraîne pour l’utilisateur final une diminution de son budget de fonctionnement. L’eau récupérée et réutilisée est une ressource gratuite. Chaque mètre cube d’eau de pluie consommé est un mètre cube d’eau potable non acheté. Cette économie permet une meilleure acceptabilité du maître d’ouvrage à la mise en place de solutions de gestion des eaux de pluie.
D’autres avantages non chiffrés peuvent être retenus
→ Avantages architecturaux : l’alternative à la mise en place de surfaces végétalisées peut limiter les contraintes imposées à l’architecte qui sera plus libre dans sa conception architecturale.
→ Entretien des espaces verts et des toitures végétalisées : stocker des eaux de pluie et les utiliser pour arroser les espaces verts permet en période d’arrêtés sécheresse de maintenir un arrosage minimum et de garantir l'efficacité de ces îlots de fraîcheur (Cf. article sur l’intérêt de récupérer les eaux de pluie même en cas d’arrêtés sécheresse).
Fait par Cédric FONTAINE – Dirigeant fondateur de Fontaine Ingénierie,
bureau d’études spécialisé dans la gestion des eaux pluviales et la valorisation des eaux de pluie
AUTRE CHRONIQUE DE CEDRIC FONTAINE
SOURCE ET LIEN
À PROPOS DE L'AUTEUR
Créateur d’entreprise et spécialiste de la gestion des eaux depuis 2005, j’ai depuis toujours la volonté d’innover et d’expérimenter pour offrir à mes partenaires des solutions techniques et économiques novatrices leur permettant de gagner en efficacité.
Pour mettre en application cette nouvelle vision de mon métier, j’ai créé la société Fontaine Ingénierie, spécialisée dans la réalisation d’études de faisabilité, d’études techniques, d’accompagnement et de formation. Novatrice dans son offre, Fontaine Ingénierie, s’adresse à la fois aux maîtres d’œuvre et d’ouvrage, aux distributeurs, aux installateurs et aux fabricants.
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Actuellement les rivières françaises rejettent plus de 70% des précipitations ce qui provoque des inondations, un assèchement mathématique du bassin et des canicules puisque la végétation n'aura pas suffisamment d'eau pour entretenir le cycle et évacuer la chaleur (les 2/3 de l'énergie solaire reçue par les sols sont évacués par l'évaporation de l'eau (chaleur latente) les sols secs stockent la chaleur au lieu de l'évacuer).
Dans un écosystème forestier 70% des pluies sont consacrés à l’évapotranspiration en ville, avec des surfaces minérales, on retrouve à peine 10% d'évaporation, d’où ce stockage de chaleur et les canicules l'été !
Pour climatiser écologiquement une ville il faut (si possible) que toutes les surfaces exposées au soleil soient végétales ou mouillées pour évacuer la chaleur. Paris dispose d'un réseau d'eau spécifique pour nettoyer les rues et arroser les espaces vert, il faut s'en servir l'été en pleine chaleur !