Suite au recours grandissant des épurateurs d’air intérieur, proposés pour l’élimination de bioaérosols dans le contexte de pandémie de COVID et présentés comme une solution d’assainissement de l’air intérieur, l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) a conduit une étude pour mesurer les performances de 3 technologies, parmi les plus répandues sur le marché. Les tests réalisés en laboratoire ont porté sur l’évaluation de l’efficacité des appareils vis-à-vis des aérosols inertes sur le plan biologique et des polluants gazeux susceptibles d’être émis dans l’air.
Ils mettent en évidence des résultats contrastés et révèlent notamment une émission d’ozone importante pour l’un d’entre eux.
Cette étude a été menée par Denis BÉMER et Fabien GÉRARDIN du département Ingénierie des procédés de l’INRS
Epurateur d’air installé dans une salle de réunion de bureaux – source INRS
Résumé de l’étude « épurateurs d’air intérieur et performances contrastées »
Dans le cas des locaux de travail à pollution non spécifique ne disposant pas de ventilation mécanique, où le renouvellement de l’air est uniquement assuré par l’ouverture de fenêtres, les épurateurs d’air dits « autonomes » peuvent constituer un moyen complémentaire d’amélioration de la qualité de l’air. Dans le contexte actuel de pandémie liée au virus Sars-CoV-2, ces appareils trouvent de très nombreuses applications, mais suscitent également autant d’interrogations quant à leurs performances. C’est pour cela que l’INRS s’est équipé en 2022 d’une cabine d’essai permettant l’étude de ces épurateurs vis-à-vis des particules aéroportées (aérosols), dont les aérosols biologiques (bioaérosols).
Dans un premier temps, des appareils exploitant trois principes d’épuration ont été testés vis-à-vis de particules (non biologiques) de chlorure de sodium : un épurateur à filtre HEPA, un appareil associant filtration / photocatalyse / plasma froid, et un ioniseur. Les mesures ont permis de déterminer le débit d’air épuré des appareils et ont mis en évidence l’émission d’ozone et d’oxydes d’azote par le dispositif (filtration/photocatalyse / plasma froid). Cette méthode d’évaluation, établie préalablement pour des aérosols inertes, sera adaptée et déclinée pour les aérosols biologiques, ainsi que pour les composés organiques volatils (COV).
Qualité de l’air intérieur des locaux tertiaires
Les immeubles de bureaux (locaux de travail et recevant du public) sont, relativement au temps passé sur place, le second lieu après l’habitat. Ils sont essentiellement fréquentés par les personnes travaillant dans le secteur tertiaire, mais aussi par des travailleurs d’autres secteurs d’activité (intervenants extérieurs : ménage, gardiennage, maintenance…).
À ce jour, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) évalue à environ 20 millions le nombre de travail- leurs salariés et indépendants qui occupent un emploi dans le secteur tertiaire, soit 74 % de la population active. La qualité de l’air à l’intérieur (QAI) des locaux tertiaires est donc un paramètre important à prendre en compte, d’autant plus en période de pandémie virale. Différentes sources d’émission peuvent être à l’origine de la présence des contaminants de l’air intérieur : des sources propres au bâti, à son environnement extérieur, à ses équipements, à son entretien ou à l’activité de ses occupants. La qualité de l'air intérieur est ainsi conditionnée par la pollution en provenance de sources multiples intérieures et de l’air extérieur, telle que détaillée dans une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) publiée en 2019
Les polluants de l’air intérieur sont présents sous forme gazeuse et particulaire (aérosols). Parmi les polluants gazeux, on retrouve classiquement l’ozone, les oxydes d’azote, le monoxyde de carbone et les composés organiques volatils (COV). L’Anses a ciblé douze polluants gazeux d’intérêt présents dans l’air intérieur : formaldéhyde, monoxyde de carbone, benzène, toluène, naphtalène, trichloroéthylène, tétra- chloroéthylène, acide cyanhydrique, dioxyde d’azote, acroléine, acétaldéhyde et éthylbenzène
En ce qui concerne les aérosols, on distingue ceux formés à partir des particules d’origine biologique (bioaérosols) de ceux constitués d’autres particules en suspension, sans origine biologique. Les bioaérosols sont constitués de l’ensemble des micro-organismes et des vecteurs particulaires d’origine biologique. Ils sont omniprésents et très divers ; ils sont composés de bactéries (dont certaines produisent des endotoxines), de virus, de moisissures (dont certaines produisent des mycotoxines), d‘allergènes provenant d’animaux, d’insectes ou des pollens. Outre le risque infectieux, certains de ces composés peuvent également induire des risques immuno-allergiques et toxiniques.
Les particules non biologiques proviennent des activités soit « internes » (activité humaine, machines), soit « externes » (pollution environnementale) à la situation de travail. Les particules fines définies par les PM2.5 (matière particulaire de diamètre aérodynamique < 2,5 µm) et ultrafines (particules de dia- mètre < 0,1 µm ou PUF) sont particulièrement suivies, car responsables de différentes pathologies, dont les maladies cardiovasculaires
Assainissement de l’air intérieur
Pour les locaux de travail à pollution non spécifique, comme les bureaux, les locaux de restauration, de commerce, etc., offrant plus de 15 m3 par occupant, l’article R. 4222-5 du Code du travail autorise le renouvellement de l’air intérieur uniquement par la ventilation naturelle, obtenue par l’ouverture de fenêtres ou autres ouvrants donnant sur l’extérieur. Mais le recours à la seule ventilation naturelle pose différents problèmes, comme la consommation énergétique en période hivernale, l’inconfort thermique, et l’introduction non maîtrisée d’air extérieur, qui peut être de mauvaise qualité (pollution atmosphérique). Dans ce cas, le recours aux épurateurs d’air peut être une solution d’amélioration de la qualité de l’air ; ils peuvent également être préconisés en complément de la ventilation mécanique.
Ces épurateurs, qui ne nécessitent en général aucun raccordement autre qu’électrique, peuvent être mis en œuvre rapidement dans la plupart des situations et permettent de réduire plus ou moins rapidement les concentrations en particules de l’air. Ces dispositifs autonomes d’assainissement de l’air intérieur sont présents sur le marché national depuis de nombreuses années. Destinés à l’origine au traitement des COV et des aérosols non biologiques, ils ont récemment été proposés pour l’élimination de bioaérosols. En effet, dans le contexte de pandémie liée au virus Sars-CoV-2, ces appareils trouvent de très nombreuses applications, mais leurs performances suscitent également des interrogations.
L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a réalisé en 2017 un état de l’art sur les différentes techniques d’épuration de l’air. Ces travaux mettent en évidence la nécessité de s’intéresser :
- Aux émissions primaires de composés, intentionnelles ou non, liées au fonctionnement du dispositif (par exemple : ozone émis par les ozonateurs, mais également par les plasmas froids) ;
- À la formation de sous-produits liée à la dégradation incomplète des polluants (par exemple : formation de formaldéhyde du fait d’une dégradation incomplète de l’éthanol par photocatalyse) ;
- À la formation de polluants secondaires liée aux interactions entre les substances générées par l’épurateur et les polluants présents dans les environnements intérieurs (par exemple : formation de particules secondaires du fait de réactions entre de l’ozone émis par un épurateur à plasma et des terpènes présents dans l’air intérieur) ;
- Aux émissions secondaires liées aux interactions physiques, chimiques ou biologiques entre les polluants piégés dans l’épurateur et des polluants de l’air intérieur (par exemple : réactions de polluants de l’air intérieur avec de l’ozone piégé dans le filtre à charbon actif).
Figure 1 - Techniques d’épuration mises en œuvre dans les épurateurs.
Un recensement récent des épurateurs disponibles sur le marché a mis en évidence une arrivée massive de nouveaux systèmes, notamment depuis le début de la crise sanitaire. La plupart de ces appareils sont destinés au traitement des (bio)aérosols et des COV. Leur fonctionnement repose sur des techniques séparatives et/ou d’oxydation (Cf. Figure 1) et la majorité d’entre eux associe plusieurs techniques.
L’INRS s’est doté en 2022 d’une cabine, afin d’étudier les performances des épurateurs d’air. Des essais ont été conduits à partir de trois appareils du commerce utilisant trois des techniques les plus employées actuellement pour l’épuration de l’air intérieur : la filtration des particules, la filtration combinée à la photocatalyse et plasma froid, et l’ionisation. Ces essais ont porté uniquement sur la mesure de leurs performances vis-à-vis des aérosols inertes sur le plan biologique et des polluants gazeux susceptibles.
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Tableau 1 : Caractéristiques des épurateurs d’air étudiés.
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