Par Alain MAUGARD, président de QUALIBAT le 04 Juillet 2019
Nous avons  caractérisé dans les grandes lignes le bâtiment à énergie positive : un BEPOS  avec prise en compte des usages supplémentaires, de l’énergie grise, et de l’éco  mobilité avec une capacité de stockage donc d’autonomie, … Comment tirer parti  économiquement d’un tel avantage ? Tel est l’objet de cette chronique.
Vous avez dit compteurs intelligents ?
Nous en sommes au BEPOS caractérisé ainsi : prise en  compte des usages supplémentaires, prise en compte de l’énergie grise, prise en  compte du transport.
  Avant d’aller plus loin il faut se recentrer sur le BEPOS  consommateur et producteur d’énergie, c’est-à-dire à tout moment je peux  autoconsommer l’énergie que je produis, ou la stocker ou bien la renvoyer dans  le réseau. Ceci étant valable pour l’électricité comme pour la chaleur. Cette  situation très flexible est absolument nécessaire pour permettre une  optimisation énergétique individuelle et   collective.
  Le problème de l’intermittence des productions et des  usages est essentiel. Première idée, il faut diminuer l’intermittence des  consommations, car les pointes de consommation sont très difficiles à gérer. On  se rappelle de ces annonces médiatiques par exemple pour des zones en bout de  réseau, où il était nécessaire de réduire sa consommation en période de pointe  hivernale. En parallèle nous savons également que pendant ces mêmes périodes de  pointe, si vous ne consommez pas vous avez des conditions préférentielles sur  le coût de l’électricité, et faites de sérieuses économies financières, exemple  les fameuses heures effacement EJP.
  Ainsi nous arrivons  au constat suivant c’est que faire payer l’énergie en l’occurrence l’électricité au même prix, pour des heures différentes de la journée, des jours différents  de l’année, pour des zones différentes, …, est une hérésie économique et  écologique. L’idée que les tarifs doivent être variables est une idée d’avenir  qui doit être mis en œuvre le plus tôt possible.  Ainsi, l’utilisateur pourra être un intermittent  de l’énergie.
  Le prix de rachat de l’électricité produite doit être  variable également. L’électricité peut-elle être raisonnablement rachetée plus  chère que le coût de production du mix énergétique ? Le prix de revient de  l’électricité centralisée est variable selon les modes de production  (hydroélectricité nucléaire, centrale thermique, dans un ordre croissant). Dès  lors, pourquoi racheter au même prix l’électricité photovoltaïque si elle se  substitue à une centrale nucléaire ou une centrale thermique.  Le prix de l’énergie doit donc être modulé  aussi bien à la vente qu’à l’achat, avec des tarifs très diversifiés.
  Cela devient possible à condition d’avoir des compteurs  intelligents. Ainsi nous constatons que la précision de mesure des compteurs,  la finesse des tarifs affichés et la rapidité de leur déploiement deviennent primordiales.  Plus vite nous aurons des compteurs intelligents, plus vite nous pourrons  mettre en œuvre une tarification adaptée de l’énergie. Incontestablement à l’avenir,  c’est ce dont nous aurons besoin.
  De là  s’enclenche un potentiel de développement industriel. Car si je mets en place très  rapidement des compteurs et des tarifs intelligents, des solutions  industrielles innovantes vont voir le jour dès maintenant et se perfectionner  par la suite.
  Ainsi on pourra imaginer les scénarios suivants :  supposons que je sois en période de pointe où l’électricité coûte très chère,  si je consomme peu ou si je ne consomme pas (période d’effacement),  je peux faire des économies remarquables. Si  je décide de ne pas consommer du tout sur le réseau il faut me situer dans une  position d’autosuffisance grâce à des capacités de stockage très importantes. Ainsi  le niveau d’autonomie dont peut disposer le  BEPOS doit être optimisé et valorisé.
  Actuellement ce n’est pas le cas. Je n’ai pas intérêt à  stocker de l’énergie puisque je peux la vendre en permanence à un prix plus  élevé que mon prix d’achat. En revanche si elle était variablement valorisée, j’aurais  tout intérêt à investir dans ma propre autonomie qui devient intéressante sur  le plan économique. Ainsi je pourrais par exemple attendre, si je dispose d’une  autonomie en énergie, de revendre mon énergie lorsque celle-ci aura le tarif le  plus cher.
  Un tel contexte me permet de disposer d’un BEPOS avec  autonomie qui devient rentable avec le simple jeu des flux d’énergie entrant et  sortant ; ceci  grâce aux tarifs  intelligents.
  Ce BEPOS peut s’assimiler à « une entreprise  énergétique » qui mène une politique d’achat et une politique de vente.  Comme l’entreprise, je cherche à vendre au plus cher et à acheter au moins  cher.
  En résumé, je peux disposer d’une maison BEPOS  bien isolée avec de l’inertie, et je peux  donc décider pendant une ou deux heures de pointe d’arrêter mon chauffage, de  me mettre en autosuffisance en déstockant. Je peux organiser mes consommations  pour maximiser mes capacités de vente de l’énergie lorsque les tarifs seront au  plus haut. A noter que c’est à ce moment-là que les comportements changeront  rapidement, car s’il y a un éclairage inutilement allumé il freinera ma  rentabilité, ainsi la sobriété énergétique me sera naturelle car conduisant à  des bénéfices.
Nous voyons d’ores  et déjà que le stockage est bien au centre de la problématique du BEPOS. Il donne  l’autonomie et l’autosuffisance, ainsi que la flexibilité économique des  échanges d’énergie. Bien évidemment il s’agit de stockage d’électricité, car  l’électricité est omniprésente dans la construction. Le concept du BEPOS devra  obligatoirement intégrer le stockage de l’électricité pour sa gestion.
Gérer le BEPOS changera nos modes de vie
Gouverner, manager  notre BEPOS nous conduit tout naturellement à modifier nos comportements, à  faire évoluer nos modes de vie ; car nous devenons responsables d’un  système économique d’énergie. Les risques « d’effet rebond » dont on  nous parle seront écartés ; en effet, si nous sommes seulement  consommateurs d’énergie et pas producteur, il y a le risque qu’occupant un  bâtiment performant énergétiquement, certains choisissent d’augmenter les  températures de chauffage, de gaspiller l’énergie et de ne pas  « empocher » les économies financières permises. Mais, si nous sommes  à la tête de notre BEPOS, le producteur d’énergie que nous sommes ne voudra pas  gaspiller sa production et pensera d’abord à faire chaque jour un bénéfice.
  Le même phénomène  se produira avec une autre denrée rare, l’eau, c’est-à-dire que si je suis autonome  en eau, je ne suis plus contraint à des restrictions à cause de telle ou telle  disposition administrative due à une sécheresse par exemple. Je pourrais être  ainsi libre de mes choix ; si je désire arroser mes fleurs en plein été je  le ferai en toute responsabilité car j’utiliserai une eau que j’ai moi-même  épargnée. Elle est à moi.
  De nouveaux modes  de vie apparaissent fondés sur une plus grande liberté de choix et une  augmentation de nos responsabilités : responsable et libre.
L’inertie relancée encore plus ! N’est-elle pas une solution de stockage ?
  On s’aperçoit  également d’une chose, c’est que la notion d’autonomie et de stockage, pour  répondre à des absences momentanées de consommation sur le réseau, relance  fortement l’utilité de l’inertie. Au-delà du confort d’été où l’inertie me  permet de garder la fraîcheur, j’aurais besoin d’inertie pour pouvoir, après  avoir coupé mon chauffage, bénéficier d’un chauffage restitué par le bâtiment.
  Tout ce mode de  fonctionnement à partir de l’autonomie et du comptage intelligent va ainsi  remettre en valeur l’inertie du bâtiment, mais également des « solutions  anciennes » sur les équipements techniques. Par exemple le chauffe-eau  électrique avec grand ballon, bien isolé, va devenir intéressant si j’ai une  production photovoltaïque que je veux stocker sous forme de chaleur.
  L’autonomie dont je  dispose doit résulter en premier de ma production que j’autoconsomme puis de  celle que je stocke pour me permettre des échanges économiques avec l’extérieur.  C’est le socle commun de tous les types de BEPOS.
Sont ainsi définis, à l’issue de ses précédentes  chroniques, les différents BEPOS. Différents en fonction des zones climatiques,  intégrant d’autres usages ainsi que l’énergie grise, intégrant l’éco mobilité  pour la maison individuelle, la notion de l’îlot pour l’immeuble collectif en  zone dense, …
  Face à cette perspective, quelle est la feuille de route  pour y arriver dans huit ans et que pouvons-nous faire dès à présent pour  lancer la machine industrie ?
   C’est ce que nous  verrons lors de la prochaine chronique !
Alain Maugard

 
                             
                     
                     
                     
                    