Par Alain MAUGARD, président de QUALIBAT le 04 Juillet 2019
Réduire de 50% ou 20% nos consommations, ce n’est pas la même transition énergétique
L’autre variable qui va jouer dans la transition énergétique est celle des énergies renouvelables, avec à contrario la diminution des énergies non renouvelables.
Alors on voit bien que le fait de diminuer la consommation d’énergie avec en plus l’augmentation de la part des énergies renouvelables n’impacte pas de la même manière la décroissance du nucléaire selon que l’on se donne comme option dans la Transition Energétique de diminuer la consommation d’énergie de 50% ou de 20% à l’horizon 2050. C’est donc un rapport de force important avec les pro-nucléaires qui se joue car il est certain que si la demande se réduit fortement et si les énergies renouvelables sont en croissance, alors le nucléaire n’est plus autant majeur et peut devenir la variable d’ajustement. Les écologistes ont bien sûr défendu l’option transition énergétique avec consommation divisée par 2. Ce sont deux écoles différentes qui s’opposent ; dans le 1er cas (-20%), il n’y a pas de souci à se faire, l’énergie nucléaire est toujours là nécessaire pour répondre aux besoins de consommation et donc dans ce cas on ne change pas grand-chose. Alors que dans la solution où les consommations vont être diminuées par deux, là les choses vont plus loin puisqu’il s’agit d’un changement de société, puisqu’on se dirige vers la société de type 2000 W. Ce n’est pas la même transition énergétique, l’individu n’est plus addict à une production centralisée d’énergie, mais demeure impliqué dans des solutions plurielles, collectives et territoriales.
Quant à la part et le type d’énergies renouvelables, les pistes sont nombreuses, et la France est déjà partie dans de multiples directions telles que la géothermie, l’éolien,… et le solaire (thermique et photovoltaïque), le bois énergie, le biogaz et les réseaux de chaleur, …, avec l’idée de donner de plus en plus de pouvoir « local » aux villes pour maîtriser la distribution d’énergie par le biais de régies.
Les tendances sur le prix des énergies renouvelables vont toujours dans le bon sens et sont à la baisse. Il y a la particularité du photovoltaïque en crise mais qui a été le résultat d’une croissance trop forte. De même, il y a eu également le développement incontrôlé des pompes à chaleur.
Notons qu’il y a une différence importante entre le bois-biomasse, le solaire et l’éolien ; les trois énergies étant renouvelables. La biomasse étant en quantité limitée et, de plus, en compétition avec d’autres utilisations (meubles, construction, produits agricoles). En comparaison le solaire ainsi que l’éolien sont en proportion illimitée. De plus, le photon capté sur mon toit ne prive pas mon voisin de la même énergie. Nous avons donc à disposition un cocktail d’énergies renouvelables avec certaines qui sont intermittentes et à volonté, et des énergies renouvelables à quantité limitée comme le bois mais qui sont stockables, ce qui présente un avantage important.
La parité entre énergies renouvelables et nucléaire est pour très bientôt
Ce qui est passé un peu inaperçu est la parité des énergies renouvelables intégrant de nouveaux paramètres. Car, en effet, pour les énergies renouvelables il faut compter sur leur intermittence par rapport à l’électricité d’origine nucléaire. La parité doit s’analyser en tenant compte du coût du stockage de ces énergies renouvelables si l’on veut les comparer au nucléaire. Les énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien étant intermittentes, le coût du stockage et de dimensionnement de réseaux pour assurer le foisonnement, doit être intégré. En parallèle, le nucléaire également doit intégrer désormais le renouvellement des centrales ; ainsi les centrales nucléaires (EPR) de nouvelle génération ne proposent plus une énergie à 30 centimes qui tient compte de centrales largement amorties, mais une énergie trois à quatre fois plus chère compte tenu des niveaux de sécurité imposés à l’EPR. Alors nous pouvons dire que la parité (croisement des courbes) risque de se produire en France(*) à la même date que prévue soit d’ici 2 à 5 ans et au maximum une petite dizaine d’années, car l’énergie nucléaire d’un côté, et les énergies renouvelables de l’autre ont été chargées pour les unes du coût de l’intermittence pour l’autre de la sécurité lors du renouvellement (montée des courbes avec une date d’intersection identique).
Pour allier intermittences et particularités des différentes énergies, nous pouvons compter sur les Smart Grids; l’ingénierie et les techniques des Smart Grids se développent à toute vitesse et cela constitue un nouveau secteur industriel. L’Allemagne a dans ce domaine une longueur d’avance. L’Europe pourrait se positionner à l’avant dans la compétition mondiale. Oui le phénomène Smart Grids est bien lancé à toutes les échelles : îlot, quartier, ville, et entre états européens. Nous en sommes actuellement à traiter du problème redoutable du financement.
Tout se met en place pour que les citoyens, à l’échelle du territoire de la ville, aient la possibilité et l’envie de produire leur propre énergie. Les photons sont là à disposition, le bois énergie est là, à proximité, alors pourquoi ne pas se prendre en main dans un réseau social territorial ?
Dans le débat sur la transition énergétique, on a oublié de dire que nous allons aussi vers un changement d’économie et un changement industriel. C’est la première fois que le bâtiment est au cœur d’une nouvelle politique industrielle. Sachons relever le défi.
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(*) Il faut noter que pour le Sud de l’Italie et l’Allemagne, elle est acquise compte tenu des prix de l’électricité plus élevés.
Alain Maugard
Je serai plus nuancé sur l'énergie bois. Les ressources sont disponibles en France et en Europe. Nous sommes sur des circuits courts. C'est de plus une énergie stockable à bilan carbone quasi neutre. Elle doit être gérée effectivement pour le bien publiq et non pour l'intérêt de quelques uns. Je suis d'accord que des excès dans les EnR peuvent conduire a des impasses. Contrairement au pétrole et au gaz, le bois peut conduire a une industrie qui peut être à la portée de PME et de coopératives de taille adaptée à des circuits courts. A intégrer nécessairement dans notre prochain mixte énergétique avec bien entendu les règles d'intérêt général à son développement