Par Alain MAUGARD, président de QUALIBAT le 04 Juillet 2019
Comment baisser d’une manière drastique les coûts dans la construction ?
Comment arriver à un gap d’au moins 30% en gain de productivité ? Une des réponses majeures, nous l’avons vu dans les précédentes chroniques, c’est le travail collaboratif. Plus qu’un changement de méthode de travail, il correspond à un changement de paradigme dans les sciences du bâtiment.
Le travail collaboratif va ainsi apporter à chaque acteur un éclairage de la connaissance et des sciences du bâtiment. Car le bâtiment est désormais complexe de par ses réglementations et ses exigences. Le bâtiment est un tout qui fait système. Pour être optimisée et efficiente économiquement, l’approche du bâtiment est nécessairement globale et systémique.
Si le travail collaboratif est une méthode de travail, la vision architecturale et technique du bâtiment, elle, est systémique. Par conséquent, les acteurs du bâtiment, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entreprises, doivent de plus en plus apprendre à travailler ensemble en mode collaboratif. Cette intention ne sera efficiente que si chacun possède une connaissance transversale du système global qu’est le bâtiment. C’est-à-dire la connaissance et la méthode de travail qui permettront d’agir sur une optimisation aiguë des coûts de construction.
Le bâtiment est système
Dans le passé, l’approche systémique avait déjà impacté le CSTB qui était organisé par départements bien séparés : structure, sécurité incendie du bâtiment, thermique, acoustique, … Cependant quand sont arrivées plus particulièrement les problématiques de santé, de qualité d’air intérieur, de performance énergétique, d’impact environnemental, elles ont impacté d’une manière horizontale tous les départements. Par exemple la réduction des ponts thermiques sur les structures qui elles-mêmes devaient résister aux séismes. Nous nous sommes aperçus que les rupteurs dits de ponts thermiques n’étaient pas compatibles au séisme et ces problèmes dits horizontaux n’ont pu se résoudre qu’en mettant autour de la table les différents acteurs verticaux qu’étaient les spécialistes en structure, les experts en thermique, ... Cette approche globale et systémique a également interpellé les autres centres scientifiques équivalents au CSTB, comme le réseau Fraunhofer en Allemagne, le TNO pour les Pays Bas, le VTT pour la Finlande, le CSTC pour la Belgique, ... En particulier, ces derniers eu égard à leur moindre taille avaient déjà regroupé plus naturellement des départements comme thermique et acoustique. Ainsi les progrès et avancées du bâtiment de ces dernières années tant sur le plan de la sécurité, du confort et des performances se sont principalement situés sur des thématiques dites horizontales.
Nous en voulons pour preuve par exemple le Bepos. Le Bepos est un système global qui intègre l’architecture bioclimatique, l’enveloppe thermique, la production d’énergie, stockage, … Nous aurions pu commencer plus en amont par l’urbanisme (Bepos collectif, grid intelligent, éco-quartier, écomobilité). Également, pour preuve le domaine de la sécurité avec la sécurité incendie, sécurité électrique, la sécurité des ascenseurs, qui ont nécessité une approche globale et systémique.
Le bâtiment est un système vivant
Le bâtiment est un système vivant qui doit de plus en plus s’adapter. S’adapter aux occupants, aux modes de vies, aux changements même de la vie du bâtiment et de ses usagers. Prenons pour exemple, la prévention des risques pour des personnes âgées (sols antidérapants, domotique et assistance médicale, …), l’accessibilité des handicapés pour l’usage de leur habitation mais également de leur mobilité dans tous les bâtiments (lieux publics, …) et modes de transport,…
Le bâtiment est un système vivant intégré dans d’autres systèmes vivants qui forment son environnement ; on peut même élargir l’analyse à la conquête d’une biodiversité nouvelle que l’on pourrait qualifier « biodiversité urbaine ». Force est de constater que nous n’avons pas toujours eu une approche systémique jusqu’à présent. Parce que le bâtiment devient de plus en plus complexe, une science nouvelle est à ajouter aux sciences cloisonnées, et elle apparaîtra d’autant plus naturellement que l’on procédera à un travail collaboratif partagé avec tous les acteurs. Acquérir la connaissance même partielle du savoir de l’autre, outre l’engagement et la motivation supplémentaire, permet de développer de nouvelles compétences (ingénierie Bepos, ingénierie quartier, ingénierie environnementale urbaine, …). Et ce, sans nécessairement inventer de nouvelles fonctions qui nous feraient retomber dans des spécialités et des partitions.
La méthode du travail collaboratif devient ainsi une évidence économique pour le bâtiment d’aujourd’hui et de demain. Aussi, ce changement de méthode nécessitera une transformation des acteurs du bâtiment, c’est ce que nous verrons lors de la prochaine chronique.
Alain Maugard
Bonjour,
L'approche systémique preconisee concerne la conception, la construction et l'exploitation. L'exploitation doit intégrer les interactions entre le bâtiment et les usagers et on pénètre alors les sciences humaines. C'est donc un sujet très complexe qui suppose certes une démarche intellectuelle collaborative approfondie et qui va bien au-delà dans la mesure ou cette démarche doit elle même s'appuyer sur un retour d'expérience pertinent. Je regrette que cette approche systémique pour le bâtiment en general n'ait pas eu lieu plus tôt car on a les outils pour cela depuis très longtemps.
J'ai pris la liberté de vous faire ce commentaire car cette approche systémique existe déjà dans le nucléaire ou j'ai été inspecteur d'INB durant vingt années au sein de l'ASN avant de quitter l'administration pour créer ma société d'ingénierie NKHK a Hong Kong.
Bien cordialement. Christian ROBERT - NKHK Co Ltd