Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 20 Février 2020
Les chiffres du syndicat Uniclima tombés le 4 Février dernier indiquent un retournement remarquable : les ventes d’appareils de chauffage à énergies fossiles diminuent alors que les pompes à chaleur et les chaudières bois sont en forte croissance. Même le solaire thermique reprend un peu de poil de la bête dans l’individuel.
Pompe à chaleur connectée
L’année 2019 sera à marquer d’une pierre blanche, noire ou bleu électrique
Après une croissance régulière de ce marché, les chaudières à condensation gaz et fioul ont entamé une sensible baisse de leurs ventes : 515 000 unités contre 544 000 en 2018, soit -5,3 %. Le décompte des industriels souligne même une décrue de plus de 10% pour les chaudières de plus de 70 kW, celles installées dans les locaux techniques des immeubles de logements collectifs.
Certes, les fournisseurs expliquent que ce retournement tient à trois causes : la faiblesse de la construction des logements neufs, les attaques contre le fioul et la baisse des aides à l’achat de chaudières gaz à condensation. Mais les chiffres livrés sur les pompes à chaleur livrent un profil de marché qui s’est retourné en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Un soutien des pompes à chaleur très efficace
« Le marché des pompes à chaleur hydrauliques s’est plutôt bien comporté cette année … », indique, très diplomatiquement, le dossier de presse d’Uniclima. En réalité, les ventes des Pac air-eau ont fait un saut de 83% ! Elles sont passées de 96 024 en 2018 à 176 220 en 2019 : la différence est nettement supérieure aux quelques 60 000 chaudières perdues dans le même temps. La bonne santé des solutions thermodynamiques est telle que même la géothermie, pratiquement en état de mort cérébrale depuis des années, se relève et affiche +9% (2 582 unités en 2019 contre 2 375 unités en 2018). Les pompes à chaleur, rappelle Uniclima, sont les équipements qui bénéficient le plus d’aides à l’achat. Par ailleurs, le lancement des opérations « pompes à chaleur à 1 € », fin 2018, se révèle à travers ces chiffres. Autre indication, le marché des pompes à chaleur air-air multisplit et réversibles accélère d’année en année pour atteindre +27 %, avec 728 433 unités en 2019 contre 572 096 en 2018. En 2018, la progression avait été de 18%, et en 2017, de 8%. Les industriels soulignent que ce marché est tiré par les installations de taille domestique, de moins de 17,5 kW et généralement destinées aux locaux tertiaires et résidentiels. En clair, il faut lire dans ces données l’impact des canicules de l’été dernier …
Enfin, deux autres séries de chiffres indiquent l’engouement pour cette solution technique dans le résidentiel : les ventes de chauffe-eau thermodynamiques augmentent de 13% (116 929 pièces en 2019 contre 103 331 en 2018) et les chaudières hybrides – pompes à chaleur et chaudière gaz sous une même enveloppe – ont atteint un volume de 4 500 unités, soit 50% de mieux en un an. Ce produit, qu’on donnait mort-né il y a quelque temps, trouve sa niche de marché.
Pour des raisons toutes différentes, le tertiaire adopte aussi massivement les solutions thermodynamiques, en particulier les unités à détente directe à débit de réfrigérant variable (DRV). En moins de 10 ans, ce marché de produits sophistiqués a doublé, passant de 15 000 groupes en 2012-2013 à 30 469 l’an passé.
Les Energies Renouvelables se redressent
Les chiffres 2019 d’Uniclima reflètent ainsi l’état d’esprit et la prise de conscience récente au sujet du climat, des discours sur les énergies carbonées et les énergies renouvelables. Ainsi, les ventes de chaudières biomasse se sont envolées de 60%, pour atteindre 17 000 unités contre 10 900 en 2018. Ce marché est en bonne voie pour retrouver son niveau de plus de 20 000 pièces qu’il tenait au milieu des années 2000. Les clients choisissent des modèles à chargement automatique (+90%), généralement à pellets, signe que l’énergie bois doit s’affranchir de la corvée pour s’imposer commercialement ; celles à chargement manuel reculent de 30%.
Autre indice d’intérêt pour les EnR : la stabilisation du solaire thermique, et même un léger regain dans l’individuel. Ce marché s’est effondré en 10 ans – il se vendait plus de 300 000 m² de capteurs en 2008, et ce volume s’établit à 42 500 m² en 2019, avec une baisse de 15% sur la dernière année. Mais les fournisseurs ont constaté deux tout petits événements statistiques qu’il faut souligner : les ventes de chauffe-eau solaires individuels ont augmenté de 2% (4 500 contre 4 400 en 2018) et les systèmes solaires combinés, les SSC, chauffage plus production d’eau chaude – pour ceux qui ne se souviendraient plus – se sont offerts un +9% : 370 installations contre 340. Le drame : depuis 2012, les constructeurs de logements collectifs ont pratiquement abandonné cette solution. Promoteurs et bailleurs sociaux n’ont consommé que 23 900 m² de panneaux en 2019 contre 30 000 en 2018 (-20%). Pour autant, les industriels d’Uniclima disent espérer une reprise de ce marché en 2020.
Quelles opportunités pour le gaz ?
Ce passage des énergies fossiles aux solutions thermodynamiques est-il durable. S’il est soutenu financièrement, il semble cependant qu’il risque peu de se retourner. Car, on l’a vu début Janvier, les pouvoirs publics ont choisi de privilégier l’électricité en abaissant son poids carbone (79 g/kWh) et le coefficient de conversion entre énergie primaire et énergie finale (2,3). Ce qui va améliorer, tant au niveau énergétique que des émissions de carbone, les pompes à chaleur, au risque même de les placer en concurrence frontale avec le chauffage électrique. En outre, depuis Novembre dernier, les ministères de la transition énergétique et celui chargé de la ville et du logement ont créé une grande incertitude autour des critères à retenir pour établir la future Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020). Cependant le message est clair : il faut diminuer l’impact carbone des bâtiments.
Le regard est donc orienté vers les solutions non émettrices de CO2. Sans compter que les industriels de la chaudière n’ont plus de technologies à diffuser massivement pour donner le change : la pompe à chaleur à absorption à gaz n’a pas trouvé son marché, et une technologie telle Boostheat, une pompe à chaleur à brûleur gaz, imaginée sous la RT 2005 et tout juste industrialisée alors que la RT 2020 sortira dans quelques mois, risque de rester un bel objet exotique.
Ainsi, même si les responsables d’Uniclima se lamentent de ne toujours pas avoir sous la main le moteur de calcul du projet de RE 2020, impossible d’ignorer le cours des choses.
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.