Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 30 Octobre 2021
Les débats actuels sur l’énergie sont l’occasion de le redire : en bâtiment, la moitié de l’énergie est consommée sous forme de chaleur. D’où l’intérêt de recourir aux solutions renouvelables efficaces que sont la biomasse et le solaire. Malgré la volonté politique affichée, la croissance suit une courbe très molle.
Les références sont dans toutes les têtes et posent le cap : la part des énergies renouvelables devait, selon le plan national d’action en faveur des énergies renouvelables, atteindre 33% de la consommation de chaleur en 2020. Les chiffres collectés par les acteurs de cette filière (CIBE, Fedene, SER, Uniclima, avec l’Ademe) confirment la tendance très lente mesurée depuis plus d’une décennie. Cette part n’est que de 22,3%, soit un total de 152 696 GWh sur 668 712 GWh, avec un bond de 12 000 GWh l’an passé.
Ce bilan sur les EnR appelle plusieurs constats
Tout d’abord, la marche pour atteindre les objectifs politiques fixés est extrêmement haute. Le décalage avec l’objectif cité est de 10%, et il faut rappeler que cette filière n’en était qu’à 10% en 2009. Avec un gain de seulement 8% en douze ans, on voit mal comment atteindre les 38% en 2028 qui avaient été visés par la loi de transition énergétique de mi-2015.
Le chauffage au bois domestique confirme sa première place avec pratiquement la moitié de cette fourniture (75 700 GWh). Le détail des chiffres sur cette production recèle de bonnes et de mauvaises nouvelles. Parmi les mauvaises, il faut reconnaître que le parc n’est pas technologiquement au top niveau. Deux tiers des équipements sont composés de foyers fermés et de poêles à bûches, c’est-à-dire des systèmes ponctuels, pour une seule pièce. En clair, on produit de la chaleur, mais il n’est pas sûr que l’on produise du confort pour l’ensemble du logement. Et autre point noir : on relève 11% de foyers ouverts ! Les chiffres de la filière leur attribuent 4 500 GWh/an (3% de la chaleur consommée), sans préciser la part destinée aux oiseaux …
Au chapitre de bonnes nouvelles, il faut retenir la présence dans ces statistiques des chaudières à bûches et à granulés – respectivement 5% et 2% – ainsi que des poêles à granulés. Ces équipements récents se distinguent par leur rendement élevé et leur possibilité de maîtrise des consommations de bois et des températures produites.
Ce secteur de la biomasse est surtout rendu très visible par l’importance prise par les chaufferies bois depuis le milieu des années 2000, puis après la création du Fonds Chaleur. Plus de 7 000 générateurs sont aujourd’hui en exploitation, majoritairement d’une puissance de 50 à 300 kW. Et selon un rapport récent de la Cour des Comptes, la filière devrait être incitée à développer des équipements en tête de petits réseaux de chaleur pour verdir la fourniture d’énergie.
Les systèmes de pompes à chaleur se démarquent
Au milieu de ce bilan, surfant sur leur statut d’EnR, les systèmes de pompes à chaleur se démarquent avec 22% de la chaleur consommée (33 660 GWh) produite par quelque 8,5 millions de pompes à chaleur. Sur ce total, tous secteurs confondus (maisons individuelles, collectif et tertiaire), on compte trois quarts de Pac air-air (6 349 230 unités), 16% de Pac air-eau (1 369 580 unités) et 9% de chauffe-eaux thermodynamiques (781 540 unités). Avec l’application de la réglementation environnementale RE2020 au 1ᵉʳ Janvier 2022, cette solution devrait connaître un engouement.
À noter qu’en 2020, les ventes avaient atteint un sommet avec un volume de 1,131 190 unités. Les Pac air-eau (177 200 unités) avaient connu une grande stabilité alors que les versions air-air progressaient de 13%. La reprise de la construction au sortir de 2020 redonne, au cours des deux premiers quadrimestres, un élan magistral à ces marchés : + 65% pour les air-eau (il devrait donc s’en vendre près de 240 000 en 2021), + 6% pour les air-air. La faveur pour la thermodynamique est telle que la géothermie individuelle, qui avait atteint son niveau le plus faible entre 2015 et 2020 avec seulement 3 000 installations annuelles, semble entamer une remontada.
Outre ces technologies, les solutions solaires, les unités d’incinération ou la géothermie profonde figurent parmi les solutions désormais marginales. Toutes réunies, elles produisent 13% de la chaleur consommée. Les chauffe-eaux solaires, mal en point depuis le milieu des années 2000, semblent pour autant s’être calés sur un palier, à environ 140 000 m² par an, notamment depuis le plan national « Place au soleil » initié en 2018. Le parc installé au cours des 20 dernières années n’est d’ailleurs pas négligeable : métropole et départements-régions d’outre-mer, il est de plus de 2,3 millions de m².
Pour terminer, il faut souligner la place désormais prise par le biogaz dans ce schéma.
Les 1 085 installations, dont 836 de méthanisation, contribuent à hauteur de 4 500 GWh à la production thermique renouvelable. Et les projets pour les prochaines années dans ce secteur sont très importants. À l’heure où l’on ne cause que d’électrification des usages et d’abandon du gaz, il est sans doute bon de rappeler que, très discrètement, cette énergie connaît un véritable développement.
Pour en savoir plus & Source : Panorama de la chaleur renouvelable et de récupération - Edition 2021
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.