Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 03 Février 2023
Les chiffres des activités du génie climatique 2022 dévoilés par le syndicat Uniclima début Février montrent l’impact considérable de la réglementation RE2020 sur la production des équipements de confort thermique dans le logement. Le retournement du marché des chaudières à gaz et l’envolée des ventes de pompes à chaleur.
Voilà ce que l’on retiendra des statistiques 2022 du syndicat des industriels du génie climatique Uniclima.
Question subsidiaire : verra-t-on les courbes se croiser l’an prochain. Les paris sont lancés. S’il reste historiquement le marché le plus important, le segment des chaudières à gaz subit un violent retournement en 2022 : 443 000 unités vendues soit une baisse de 30% par rapport à l’an passé et de 13% par rapport à 2020 – dont on ne rappelle plus le contexte.
Et le gagnant 2022 est … la pompe à chaleur
La RE2020 booste les Pompes à Chaleur
Évidemment, électrification des usages oblige, face à lui se dresse maintenant le marché des pompes à chaleur air-eau. Ce segment caracole désormais à 346 313 unités, soit 30% de plus que l’an passé et deux fois plus que dans les années 2019-2020 où le volume atteignait 175 à 176 000 pièces.
L’augmentation des pompes à chaleur air-eau tient à la très forte croissance des équipements pour l’individuel neuf qui compte pour pratiquement la moitié du marché
Le détail des ventes est par ailleurs tout à fait conforme à ce que la réglementation sur la construction neuve – sous RE2020 – pouvait promettre : les ventes de pompes à chaleur air-eau basse température – celles qui produisent une eau de chauffage d’au maximum 55°C – ont augmentées de 70%.
Signe des faibles besoins des nouvelles constructions, les pompes à chaleur de petites puissances connaissent les plus fortes progressions : +49% pour les 6 – 10 kW et +21% pour les moins de 6 kW. Les PAC de 10 – 20 kW qui forment plus de la moitié des ventes ne sont pas en reste (+24%), mais ces générateurs sont plutôt destinés à la rénovation et à la substitution de chaudières gaz ou fioul.
À noter aussi que la géothermie poursuit sa lente remontée entamée en 2019. Les professionnels de ce secteur se démènent actuellement pour développer leurs arguments de performance, et on pourrait d’ici peu oublier la mauvaise passe de la décennie écoulée. Par ailleurs, les chaudières hybrides, malgré tous les efforts de communication des énergéticiens et industriels, ne semblent pas faire recette face au rouleau compresseur de la pompe à chaleur.
ECS : la palette des moyens de production s’étend
Certes, on se chauffe, mais il faut produire son eau chaude sanitaire. L’année écoulée indique là encore de nouveaux comportements.
En premier lieu, le recours au chauffe-eau thermodynamique s’impose : ses ventes sont en croissance forte et régulière depuis leur apparition fin des années 2000 : il s’en est vendu 163 125 unités en 2022, 8% de plus qu’en 2021 et 40% de plus qu’en 2019.
Le second moyen est certainement le recours aux pompes à chaleur haute température, souvent à double service (chauffage et ECS) qui se maintiennent à 149 000 unités. Enfin, soulignons la confirmation du retour du solaire thermique sur les toits, tant en collectif (+7% ; 22 900 m²) qu’en individuel (+45% ; 46 500 m², parmi lesquels 15 700 m² en systèmes solaires combinés – SSC – en évolution de 37%). La surface totale installée atteint 69 400 m², soit 29% de mieux qu’en 2021.
En revanche, grosse déception du côté de la biomasse. Les ventes de chaudières étaient attendues aux alentours de 50 000 pièces, et le bilan indique seulement 42 000 unités. C’est 24% de mieux qu’en 2021, mais ce secteur surfait sur une réelle dynamique depuis quelques années et disposait d’un capital sympathie et d’une image positive liée au développement de technologies intéressantes (condensation, régulation, intégration du solaire thermique).
La mauvaise gestion de sa communication sur l’envolée des prix du granulé à partir du printemps dernier semble lui avoir beaucoup coûté.
La climatisation marque le pas ?
Que se passe-t-il du côté des PAC air-air ?
Alors que la canicule de 2003 avait eu un puissant effet de levier sur ce marché, l’année 2022, marquée par plusieurs grosses chaleurs, se caractérise par un recul de 8% : 772 324 unités extérieures contre 837 629 en 2021. Uniclima parle d’effet de stocks chez les différents industriels ainsi que du transfert des achats vers les systèmes air-eau. Ne serait-ce pas l’effet de l’information sur les îlots de chaleur ? N’est-ce pas lié au choix de nouvelles solutions passives – les brise-soleil … ou plus prosaïquement à l’augmentation de l’électricité ? À suivre.
Pour ce qui concerne la climatisation tertiaire, on ressent aussi les effets du changement de prescription sur les enveloppes et les solutions thermiques : c’est le calme plat …
Seuls les vendeurs d’unités de DRV (climatiseur à Débit de Réfrigérant Variable) tirent leur épingle du jeu avec une croissance de 9% (35 167 unités extérieures contre 32 311 en 2021). Mais, compte-tenu du faible niveau de 2020, n’est-ce pas un effet de rattrapage des chantiers non approvisionnés pendant le Covid ? Le marché des gros climatiseurs tertiaires (ceux de plus de 17,5 kW) est étal (+2% avec 4 227 ventes), celui des rooftop aussi (+1% avec 1 979 unités), et les ventes de chillers reculent de 12% (5 445 unités contre 6 191 en 2021).
Seul changement remarquable : la bascule vers des fluides à plus bas GWP (potentiel de réchauffement du climat).
Ventilation : le rebond très artificiel du double-flux
Entamé en 2021, le marché de la ventilation double flux poursuit son évolution. S’il faut rester modeste – le nombre de centrales vendues en logement individuel sont vingt fois inférieurs à celui des simple flux, on remarque cependant qu’après des décennies de développement, les croissances sont pratiquement de 40 à 50% par an. Les simples flux … refluent de -5,8%.
Faut-il y voir les prémices d’une tendance à plus long terme ?
Pas forcément puisque cela tient aux aides spécifiques dans le cadre des rénovations aidées par MaPrimeRénov depuis 2020. Le bilan global de la ventilation en résidentiel n’est guère brillant puisqu’il suit fortement le marché de la construction neuve : il s’établit à -4,2%. Le tertiaire connaît aussi un recul de 9,2%, dont -10% sur le simple flux.
À la faveur de l’aide MaPrimRénov, les ventes de ventilations double flux ont été doublées depuis deux ans
Perspectives 2023 de la filière CVC
Les quelques changements notables rencontrés par la filière génie climatique en 2022 devraient être encore amplifiés au cours des prochaines années. Les raisons ?
Le renforcement de la RE2020 en résidentiel collectif qui devrait propulser le développement – déjà commencé – des pompes à chaleur de grandes puissances pour un usage strictement thermodynamique ou en relève de chaudière ; à noter que la rénovation en résidentiel collectif sera aussi demandeuse de ce type de solutions.
Par ailleurs, les industriels surveillent les évolutions des débats européens sur les fluides frigorigènes. La réglementation F-Gas applicable depuis 2014, qui a pour but de réduire de près de 80% l’usage des réfrigérants, doit être révisée. Uniclima relaie le message soulignant que cette réduction ne permettra pas de répondre à la croissance du marché des équipements thermodynamiques, certains fluides massivement employés dans les pompes à chaleur déjà en service étant appelés au bannissement.
En outre, les molécules perfluorées, de type per-polyfluoalkylées ou PFAS, depuis longtemps utilisées pour des propriétés de résistance aux fortes chaleurs dans toutes sortes d’usages, sont dans le collimateur de la Commission européenne. Or, elles sont présentes dans les dernières générations de réfrigérants, ceux présentant justement les niveaux de GWP les plus bas : les HFO, hydrofluoro-oléfines.
Faire et refaire …
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.
Merci Bernard pour cet article très complet et passionnant.
Je m'étonne en revanche du biais de cet article sur les double flux... au-delà des aides, il y a aussi une prise de conscience du public de l'importance de la qualité d'air intérieur et du fait que la double flux contribue au confort d'été.
Oui, moi j'espère qu'il s'agit d'une tendance de fond !