Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 08 Décembre 2023
Les mois d’inflation écoulés révèlent une population française mise à rude épreuve. L’Insee indique que beaucoup a été fait pour réduire la pauvreté. La lecture du rapport social annuel de la France dresse un portrait précis.
Quel est le bilan d’une année de soutien économique et financier des ménages ?
C’est l’une des nombreuses questions auxquelles l’édition 2023 de « France, Portrait social » de l’Insee apporte des réponses.
Ce travail sur l’ensemble des domaines de prédilection du statisticien national – démographie, niveau et qualité de vie, travail, scolarité – a de quoi faire le bonheur des responsables marketing et autres développeurs d’opportunités.
Mais cette dernière livraison brosse, malgré une présentation des efforts récents considérables pour soutenir les ménages, une situation relativement morose de la situation économique du pays ainsi qu’un état passablement dégradé de celle des ménages.
Son propos est chantourné quand d’autres publications statistiques d’organismes privés (ACDefi, Xerfi, …) dessinent plus crûment une année 2023 – et des prévisions pour 2024 – sous des traits plus pessimistes. Le bâtiment attend les indications des économistes des fédérations professionnelles, annoncées pour la mi-décembre, pour balayer quelques incertitudes.
D’importants écarts de niveaux de vie
L’information est systématiquement citée dans le portrait social annuel de la France, mais toujours bonne à rappeler : les écarts de niveaux de vie sont, globalement, de l’ordre de 1 à 3, indique l’Insee.
— Celui d’un ménage constitué d’inactifs est environ de 15 000 € par an ; celui d’un ménage monoactif (où seul un conjoint travaille) d’employé ou ouvrier est de 16 000 €/an.
30% de ces ménages sont dans une situation de pauvreté monétaire ; 30% ne peuvent pas épargner. Leur patrimoine est faible : 5 000 € pour les ménages inactifs, 14 000 € pour les ménages monoactifs d’employés ou d’ouvriers.
— Le niveau de vie des ménages de cadres atteint 42 000 € par an ; à noter que 6% sont sans capacité d’épargne. Ces ménages disposent d’un patrimoine de 400 000 à 470 000 €.
À l’écart de niveau de vie s’ajoute aussi un écart de patrimoine d’un facteur 35.
Parmi les catégories relevées par l’Insee, celle des ménages d’indépendants se distingue.
Leur niveau de vie est de l’ordre de 18 000 €/an – pratiquement celui d’un ménage dit « à dominante ouvrière » – mais avec un patrimoine d’en moyenne 257 000 €, c’est-à-dire celui d’un ménage intermédiaire avec un revenu annuel de 28 000 €/an. Le patrimoine de ces indépendants est à 40% composé de leur équipement professionnel. Cette catégorie montre aussi une situation de pauvreté monétaire et, pour un quart d’entre eux, une pauvreté monétaire et des difficultés matérielles.
Sauvés par les prestations sociales
L’année 2022 a été marqué par une forte inflation ; 5,3% en moyenne, la plus forte depuis le milieu des années 80. L’Insee calcule que cette augmentation des biens et services s’établit en moyenne à 1 320 € de dépenses supplémentaires par personne par an.
60% de cette augmentation est attribuée à l’énergie (chauffage, électricité et carburant) et à l’alimentation. Si, en valeur, elle touche à un niveau moindre les plus modestes (la perte est de 780 € pour les personnes du premier décile) elle impacte leurs revenus de -7,4%. Pour les 10% les plus aisés, la perte est de 2 250 €, mais la perte de niveau de vie est de -3,6 %.
Face à cela, de nombreuses mesures sociales et fiscales ont été formulées pour parer à cette inflation. Il faut rappeler les primes de rentrée, la revalorisation des prestations et minimas sociaux, une indemnité inflation, les chèques énergie, la poursuite du dégrèvement de la taxe d’habitation. Soit quelque 4,6 Mds€ de mesures exceptionnelles ajoutés à celles existantes pour un total de 8,37 Mds€ adressés à 23,3 millions de ménages. Ce qui s’est traduit par un effet moyen de 320 € par ménages, dont 200 € liés aux mesures nouvelles.
Là où le bât blesse, c’est sur la répartition des aides : quand le 1ᵉʳ décile de la population voit son niveau de vie amélioré de +320 € (+3,3% d’amélioration de revenus), le dernier (les 10% aux plus hauts revenus) a reçu 280 € (+0,4%) tandis que les classes moyennes – du 4ᵉ au 8ᵉ décile – ont reçu en moyenne 100 € (70 €, +0,3% pour les ménages du 6ᵉ décile). L’Insee indique cependant que cette redistribution a joué son rôle d’amortisseur de l’inflation auprès des trois déciles les plus modestes.
Pour autant, ces aides n’ont pas compensé l’inflation. Pour les trois déciles les plus modestes, elles absorbent 40% de la perte de niveau de vie. En revanche, pour les 10% les plus aisés, l’effet conjugué de l’évolution des revenus du patrimoine et des salaires a permis de couvrir largement les dépenses additionnelles dues à l’inflation : 110%.
Une attente en matière de bien-être. Une année charnière ?
Bousculée par les séquences de crise sanitaire et de forte inflation, les ménages semblent dans une position d’attente en matière de bien-être. La satisfaction dans la vie est à l’indice 6,6 sur 10, et l’appréciation de l’avenir est qualité de sombre. L’évaluation de la vie sans les prochaines années est à 6/10, et la vie en France pour la prochaine génération est à 4/10.
L’Insee rappelle aussi des données sur la mobilité sociale qui remontent à 2015, mais qui indiquent clairement le coup de frein enregistré depuis la fin des années 70 : les déclassements sociaux se sont accrus et la transmission des inégalités entre génération est importante. La situation est cependant plus favorable pour les femmes ; elles connaissent une mobilité ascendante régulière, alors qu’elle se réduit pour les hommes.
Lecture recommandée
France, portrait social - Insee Références - Édition 2023
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À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.