Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 15 Septembre 2022
Les fédérations professionnelles de la construction, Capeb et FFB, viennent de tenir leur conférence de presse annuelle pour présenter des perspectives pour le moins délicates.
Les Assises du BTP du 22 Septembre prochain sont très attendues pour présenter les nombreuses demandes aux ministères de l’Économie et des Finances et de la Transition écologique.
Le secteur du bâtiment se trouve littéralement face au mur de la récession économique attendue pour l’an prochain. Et, d’assises du bâtiment - fin Septembre - en vague de publicité télévisuelle - début Octobre - la Fédération Française du Bâtiment (FFB) présente le profil d’une filière très préoccupée.
Construction neuve, le marasme attendu en 2023
Les leaders des fédérations professionnelles, Capeb comme FFB, s’interrogent sur l’ordre mécanique des événements qui conduisent à une telle appréhension des mois à venir.
Est-ce le « zéro artificialisation nette », la hausse des intérêts d’emprunts, la difficulté pour les accédants – primo ou non – à décrocher un crédit, la hausse générale et brutale des prix des matériaux ou les impacts encore mal reconnus et analysés de la RE2020 comme notamment les surcoûts d’au moins 10% des chantiers ? Ce serait en fait tout cela à la fois.
Est-ce pour conjurer la peur ? Olivier Salleron, Président de la FFB, s’est même interrogé à haute voix en conférence de presse mensuelle en se demandant à quel effondrement de l’activité de la construction on aurait assisté si le « tout bois » proposé par Barbara Pompili en Novembre 2020 lors de sa présentation de la RE2020, n’avait été rattrapé au vol.
La construction neuve en berne
Déjà, la FFB revoit ses prévisions calculées fin 2021, avant le déclenchement de la guerre Russie-Ukraine. De 4,3%, elle ramène la croissance de l’activité bâtiment à +3,8%.
Si l’activité de la construction neuve varie peu – +6,3% au lieu de +6,2% – en revanche, la fédération observe une fragilisation de l’activité logement – +4,8% aujourd’hui contre une estimation de +7,8% fin 2021 – et un maintien du niveau d’activité par une forte augmentation du non-résidentiel – +8,5% au lieu de +4,7%.
La situation du logement neuf tient essentiellement à la baisse sensible des mises en chantier de -3,2%. Si la maison individuelle maintient l’activité avec une croissance de +6,6%, cela serait principalement dû à l’engorgement des permis de construire sous RT2012 déposés en Décembre dernier. Mais de l’avis de la FFB, cette manne serait tarie avant la fin de l’année. Pour sa part, la Capeb évoque frontalement un ralentissement d’activité au cours du second semestre de l’année.
Pour sa part, les chantiers de bâtiments collectifs plongent de -10,9%. Les organisations professionnelles s’inquiètent aussi du repli des autorisations de constructions de logements : -11,8% au second trimestre 2022.
Ces inquiétudes redoublent à la lecture de l’écroulement des ventes, qu’il s’agisse de l’individuel diffus (-26,7%) ou de la promotion immobilière (-14,6%). Les seuls chiffres aux signes positifs sont fournis par la famille des travaux d’entretien, notamment ceux de la rénovation énergétique des logements qui affichent une progression de 1,9% à trimestres comparables 2021-2022, voire +5% depuis 2019.
Une crise des matériaux de construction très vive
Indice des prix de matériaux de construction
Autre sujet de préoccupation : la poursuite de la hausse des matériaux de construction – acier, zinc, aluminium, tuile, verre et plastiques … – et « l’hystérie sur les marchés du gaz et de l’électricité ». De fin 2020 à Juin 2022, l’index « tous corps d’état » BT 01 est passé de 113,6 à 127,2, soit une évolution de 12%. Et la FFB s’attend à ce que l’inflation se poursuive.
Dans la dernière conférence de presse mensuelle, le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon, soulignait aussi les augmentations de coûts des matériaux pour tous les corps d’état, principalement en menuiserie et serrurerie gros consommateurs d’acier, PVC, et verre.
Les entrepreneurs négocient cette période par toutes sortes de moyens. Trois quarts d’entre-elles évoquent des difficultés nouvelles et opèrent des modifications de plannings, réduisent les durées de validité des devis en raison de la forte variabilité des prix, réorganisent les équipes pour pallier les manques de recrutement, recherchent de nouveaux fournisseurs …
Les attentes des Assises du BTP : le Conseil national de la construction et plus encore
Pour sortir du marasme, Capeb et FFB attendent beaucoup des assises du BTP organisées ce 22 Septembre par Bercy.
Les organisations ont développé les sujets prioritaires qui seront débattus dans les différents groupes de travail. Notamment, travailler à maintenir l’équilibre économique des chantiers, avec en particulier la mise sur pied d’un observatoire des matériaux, encadrer la sous-traitance en cascade … Mais encore simplifier les procédures en maintenant le plafond de 100 000 € pour la négociation de marchés publics de gré à gré, en harmonisant les dossiers de demande de certificats d’économie d’énergie et celui de MaPrimRénov’, relèver les obligations d’économie d’énergie pour la nouvelle période de recueil de certificats par les obligés …
La FFB demande à donner plus de visibilité aux professionnels du bâtiment en planifiant les aides sur cinq ans. Elle revendique aussi haut et fort la création d’un Conseil national de la construction qui aurait vocation à mieux coordonner la filière et améliorer la concertation avec le gouvernement. Les premières annonces sont attendues pour la fin Septembre et animeront les discussions sur le prochain salon du Mondial du Bâtiment.
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.