Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 29 Août 2022
À quelques semaines du lancement de la saison de chauffe, les pouvoirs publics et la filière électrique rassemble leurs initiatives.
Le ministère de la Transition énergétique et la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sont depuis plusieurs mois aux avant-postes pour tenter de juguler les multiples conséquences du dérapage des tarifs de l’électricité. Ce 25 août, une réunion a rassemblé le ministère de la Transition énergétique, la Commission de régulation de l’énergie et l’ensemble des acteurs du secteur de l’électricité – énergéticiens et responsables du transport d’énergie, fédérations professionnelles et industries grosses consommatrices dites électro-intensives – pour traiter des questions prioritaires relatives au prix de l’énergie et à la maîtrise des volumes proposés.
Il faut retenir que les prix de l’électricité ont été multipliés par 10 depuis 2019. À la lecture de la courbe des prix spot européens, le mégawattheure est passé de moins de 50 € en 2020 a plus de 700 € ce mois d’août.
Maîtriser le prix de l’énergie et les volumes proposés
Arenh : éviter l’effet d’aubaine
Le sujet du moment porte sur les difficultés de certains distributeurs du marché ouvert. Ce mois d’août, l’espagnol Iberdrola a adressé à ses 10 000 clients particuliers (2 % de son portefeuille) des courriers de rupture de contrats en raison de l’impossibilité de poursuivre la fourniture aux conditions prévues. D’autres acteurs sont en butte à des impasses – Leclerc Énergies s’est retiré du jeu il y a presque un an, Hydroption est en liquidation judiciaire depuis fin 2021, Mint Énergie et Ohm Énergies ont annoncé à leurs clients en contrats à prix fixe des augmentations de tarifs, l’italien Eni et Cdiscount ont interrompu la prise de nouveaux contrats –, mais il n’y aurait pas, actuellement, de fournisseurs en situation de faillite, même si les plus petits fournisseurs sont très exposés.
Beaucoup conseillent à leurs clients un retour au tarif réglementé de vente par EDF ; pour le moins, on les invite à consulter le site du médiateur de l’énergie et chercher un autre fournisseur.
En tête des sujets débattus figure celui de l’ARENH (accès régulé à l’énergie nucléaire historique) qui permet aux nouveaux distributeurs dits alternatifs de se partager 120 TWh/an au tarif 42 €/MWh – 20 % ont été rajoutés en février dernier au 100 TWh/an vendus depuis la loi Nome de 2010 ; ce volume représentait, avant les mises en maintenance de centrales nucléaires de 2021-2022, un quart de la production d’EDF.
Les pouvoirs publics appellent notamment les énergéticiens et distributeurs à la vigilance quant aux effets d’aubaine dont pourraient vouloir profiter certains. Une vigilance qui tourne même à la proposition de dénonciation par tous ceux qui soupçonneraient une exploitation litigieuse de cette manne. Les dérapages les plus flagrants, annonce le ministère de la Transition énergétique, pouvant conduire à des sanctions, la plus lourde étant l’exclusion de droits à l’Arenh.
Une des martingales est en effet éventée. On sait que la répartition du volume de l’Arenh entre les distributeurs alternatifs s’effectue sur la base du fichier clients des tous derniers mois. Une fois les parts acquises, un dégraissage à l’approche de l’automne et de l’hiver permettrait de servir ceux en compte avec le volume d’électricité obtenu à un prix défiant toute concurrence et en réduisant d’autant les achats au prix spot du marché européen… qui promet encore de belles augmentations dans les prochains moins. Avec à la clé, une meilleure maîtrise de la marge dans cette période très chaotique. À la suite de la réunion du 25 août, le ministère de la Transition énergétique a annoncé que la CRE resterait à l’écoute jusqu’au début de l’année 2023.
Le principe de sobriété énergétique appliqué aux particuliers comme aux entreprises
Lancer un appel d’offre sur l’effacement
Cette réunion a aussi été l’occasion de relancer le principe de sobriété, tant auprès des entreprises que des particuliers. Les professionnels qui connaîtraient des problèmes liés à la fourniture d’énergie pourront s’adresser à une cellule d’accompagnement qui rassemblera les services des ministères de la Transition énergétique et de l’Économie et des finances ainsi que de la Commission de régulation de l’énergie. Pour sa part, la CRE se rapprochera du Conseil des régulateurs européens de l’énergie (CREE) afin de revoir les mécanismes automatiques qui conduisent à des hausses de prix, notamment ceux liés aux incidents isolés dans un pays européen, pour en sorte qu’ils ne puissent plus s’appliquer.
Surtout, les pouvoirs publics comptent inscrire dans le volet « sobriété » des appels d’offres sur l’effacement des consommations. Mi-2021, RTE a lancé son appel d’offres aux professionnels ; le volume maximal à contractualiser était fixé à 7,94 TWh, dont 3,75 TWh pour les sites d’une puissance maximale de 1 MW. Un second appel d’offres d’effacement dit tarifaire, lancé cette année, propose aux particuliers et aux professionnels une fourniture incluant un déplacement de consommation.
Ces initiatives s’inscrivent, souligne le ministère de la transition énergétique, dans un plan plus global d’économie d’énergie qui fera l’objet des prochains débats parlementaires sur la programmation pluriannuelle de l’énergie.
En outre, la réforme du marché de l’électricité européen doit faire l’objet de discussion, ce 29 août, entre la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, le son homologue allemand, ministre de l’Économie, de l’Écologie et de la Protection du climat, Robert Habeck. Des propositions sur ce thème avaient déjà été formulées lors du Conseil des Ministres européens du 26 juillet dernier.
Pour ce qui concerne les aides qui se substitueront à l’actuel bouclier tarifaire proposé aux particuliers le ministère de la Transition énergétique indique simplement que les mesures seront avancées pour 2023 dans le cadre du projet de loi de finance débattu cet automne.
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.