La filière bois « Pellet » dans la tenaille énergétique

Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 20 Juillet 2022

Si le prix du granulé de bois se maintient parmi les plus faibles de toutes les énergies disponibles, le succès du combustible, notamment avec le développement du marché des poêles, crée une tension durable pour des raisons d’adaptation industrielle de la filière.

L’envolée de l’équipement des ménages en foyers alimentés en granulés depuis le début des années 2010 est bien connue du monde des thermiciens. D’à peine 100 000 pièces en 2008-2009, le parc de chaudières et poêles atteint un peu plus de 1,7 millions d’installations ces premiers mois de 2022, selon les dernières statistiques d’Observ’ER.

En 2021, les ventes de poêles à granulés ont atteint 174 000 unités – +43,2% en un an –, et les ventes de chaudières à granulés près de 32 000 – + 120% en un an. Les projections de ventes pour 2022 seraient de l’ordre de 225 000 poêles et de 50 000 chaudières.


granulé bois


Une consommation décorrélée de la production de pellets

Ces progressions et projections tiennent à l’évolution réglementaire, notamment les annonces d’interdiction du renouvellement des chaudières au fioul. Pour les quelques 4 millions de possesseurs de ces générateurs, la chaudière automatique à pellets est une alternative intéressante à la pompe à chaleur en raison du prix bas et stable du combustible. En outre, les aides publiques pour le remplacement des chaudières dans le cadre de MaPrimRénov maintiennent un fort effet de levier.

Cependant, les derniers mois écoulés ont vu ce panorama se modifier très fortement.
Alors qu’au cours des années précédentes l’offre de combustible progressait quasiment au même rythme que la production de granulés de bois, l’année 2021 a enregistré la désynchronisation complète entre les deux courbes : face à une consommation de 2,4 Mt de granulé, l’offre locale est restée à 1,8 Mt. Le solde a été trouvé dans les 300 000 t de stocks accumulés après les hivers doux 2014 et 2020 et dans les 400 000 t annuellement importés.

De fait, la stabilité des prix que connaissait ce marché depuis le début des années 2000 est bousculée. Depuis mi-2021, les statistiques présentées par le ministère de la Transition écologique (la base ex-Pégase) montrent une envolée des montants.

granulé prix


granulé prix tonne


Les prix moyens de granulés de bois de 260-280 €/t d’il y a quelques années laissent la place à l’affichage de 340 €/t au printemps dernier. Outre la tension sur le combustible, les difficultés se doublent de l’évolution du prix du diesel nécessaire à l’approvisionnement par camion, de l’électricité pour la production des granulés et du papier pour l’ensachage.

Dans sa communication à la presse adressée mi-Juillet, l’association professionnelle Propellet veut tempérer cet état des lieux. « Le granulé augmente moins que les autres énergies et il n’aura finalement jamais été aussi compétitif » peut-on y lire.

Le problème spécifique de la production est aussi abordé : « La filière du chauffage au granulé de bois […] possède une vision à long terme. […] Grâce à l’extension de certaines lignes de production et la construction de nouvelles usines de granulation, la filière prévoit 1 million de tonnes supplémentaires réparties entre 2021 et 2024 et un doublement de la capacité de production d’ici 2028. » Une mesure indispensable, car à cette échéance, le niveau de consommation anticipée serait de 5 Mt. Le Syndicat National des Producteurs de Granulés de Bois (SNPGB) esquisse une hausse de capacité de 300 000 t en 2022, contre 100 000 à 150 000 t/an les années précédentes.

Par ailleurs, Propellet assure que les importations, de l’ordre de 16% de la consommation (390 000 t), pourraient être augmentées. Il faut noter que, jusqu’en 2021, les pays européens consommateurs de pellets complétaient leurs besoins domestiques et industriels avec 2,9 Mt importées majoritairement de Russie, Biélorussie et Ukraine.


Nouvelles ressources et sobriété d’usage à venir

Les professionnels du granulé veulent franchir l’obstacle en usant de deux outils complémentaires. Le premier est celui de la ressource. Depuis quelques années, des travaux sont menés pour incorporer une part de feuillus dans la sciure de résineux nécessaire à la production de granulés. Les résultats obtenus sont encourageants et Propellet milite pour cette évolution de produit. Le gisement peut être puisé dans la forêt française composée aux deux tiers de chênes et autres feuillus.

Le second outil tient plus classiquement de la responsabilité collective, notamment de la notion popularisée par négaWatt il y a déjà 20 ans et proprement ignorée ou moquée jusqu’à il y a peu : la sobriété.

Les professionnels du pellet demandent aux usagers de baisser leur chauffage de 2 °C au cours de l’hiver prochain, d’entretenir régulièrement leur générateur et de s’interdire de surstocker pour éviter de déstabiliser l’approvisionnement.

Dans son communiqué, Propellet en garde encore un peu sous le pied. Ainsi, l’association ne propose pas la livraison de granulés à la norme A2, de moindre qualité que le Prémium quasi uniquement utilisé, mais moins cher et plus abondant sur le marché.


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