Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 20 Avril 2023
L’actualité du secteur et l’état des lieux du contexte économique et financier ne permettent pas de dessiner une sortie de crise à court terme. La FFB envisage une récession de -4% d’ici 2025.
Chantier de construction de logements RE2020
Autant prévenir !
Parler du secteur du bâtiment devient une activité à haut risques psycho-pathologiques tant l’actualité et les perspectives accumulent les orientations statistiques négatives. Qu’ils proviennent de l’Insee, du service de la donnée et des études du ministère de la Transition Ecologique ou des organisations professionnelles, les chiffres de ces derniers mois constatent une crise profonde et une foule de signes pour signifier son ancrage dans la durée.
Lors de la prise de parole mensuelle de la Fédération Française du Bâtiment, mi-Avril, le bilan présenté à l’issue du premier trimestre constate une situation qui se développe depuis plus d’un an : les mises en chantier chutent de -6,4%, et les autorisations de projets recueillis depuis fin 2022 décrochent de -26,7%, majoritairement en constructions individuelles (-37,8%). L’état des lieux est déjà dégradé, et la FFB souligne pourtant qu’il pourrait l’être encore plus par la progression des annulations de permis de 2022-2023.
En outre, les projets des promoteurs immobiliers connaissent le même sort. Alors que les ventes s’établissaient à 130 000 unités entre 2016 et 2019, elles ont à peine dépassé 100 000 unités en 2022 (-16,2% des ventes entre 2021 et 2022).
Par ailleurs, le taux d’annulation des ventes est passé de 13 à 16% entre 2021 et 2022. Chez les constructeurs de maisons individuelles, révèle le commentaire de la FFB, on calcule en Février une baisse de ventes en diffus de 28,3%.
Les marchés porteurs décrochent aussi
Le bilan de l’activité communique généralement des informations plus positives sur les secteurs de la construction non-résidentielle et sur l’amélioration-entretien. Tous les deux marquent le pas.
Le non-résidentiel neuf accuse, sur un an, une quasi-stagnation (-1,4%). Mais les données des derniers mois soulignent une baisse de 14,5% des mises en chantier ; les autorisations sont toujours positives de 7,9%.
Pour ce qui est l’amélioration-entretien, la hausse annuelle de 2,1% permet simplement de revenir au niveau de 2019, et les chantiers de rénovation énergétique qui avaient bondi de pratiquement 10% de 2020 à 2021 (4% de 2019 à 2021 pour faire l’impasse sur l’année Covid) ne connaissent qu’une progression de 1,8% de 2021 à 2022.
La FFB le reconnaît : ce secteur très porté par la communication tous azimuts et des financements ne décolle pas d’un rythme annuel de 2% régulièrement enregistré. C’est peut-être aussi un retour de bâton après l’engouement suscité par la réorganisation des aides.
MaPrimRénov et les difficultés rencontrées par les particuliers pour bénéficier de leurs droits. Pour compléter son jugement à ce sujet – et si on a un peu de temps devant soi ... – il faut regarder les extraits des consultations des sénateurs sur la rénovation énergétique - Cliquez ici. Il y a dans ces échanges matière à explication de cette désaffection.
Un environnement économique très dur
Trois ans après les semaines de confinement de la population, le pays se retrouve dans une équation économique en réalité très défavorable aux projets de construction.
La conjugaison des sujets tels qu’inflation – de l’alimentation pour les ménages, des matériaux pour les entreprises de construction – difficulté d’accès au crédit – 40% de prêts pour le neuf en moins en un an, un taux d’épargne moyen de 2,71%, une durée d’emprunt désormais de plus de 20 ans … se traduit par une chute des intentions d’achat de logements.
Dans le même temps, on assiste au retour du comportement d’épargne : les niveaux sont 2,3% au-dessus de ceux d’avant-Covid. Dans l’esprit des gens, la baisse du chômage à un niveau de 7% est gommée par une remontée de la crainte de l’évolution du chômage.
À ce titre, la FFB pose d’ailleurs une perspective de baisse des effectifs dans ses rangs de l’ordre de 70 à 75 000 salariés d’ici 2025. Dans le même temps, les économistes de la FFB annoncent une chute d’activité de 4%, de 165,8 Mds€ en 2022 à 158,95 Mds€ en 2025.
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.