Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 03 Juillet 2020
En ajoutant l’adjectif thermique, la convention citoyenne pour le climat est passée à côté du problème. C’est souvent ce qui arrive quand on lance une réflexion avec des œillères. L’exclusion d’éléments du paysage dont il faudrait tenir compte.
La rénovation thermique des bâtiments est en effet une priorité, mais elle peut être aussi une occasion à saisir pour d’autres priorités. Le confinement en a d’ailleurs été un révélateur, que les citoyens n’ont manifestement pas perçu.
Confort global, thermique mais pas que
Pour les logements c’est la qualité globale qui importe
C’est la qualité « globale », pour reprendre le mot, qui est le sujet. Notre parc immobilier ne correspond pas aux besoins. Les enquêtes de satisfaction sur le logement donnent un jugement assez favorable, mais ce jugement est faussé par le contexte de pénurie. Beaucoup sont contents d’avoir un logement, ils ne vont pas faire la fine bouche. Mais nous savons que ces logements sont trop petits, déplorables au plan acoustique, mal connectés aux réseaux numériques, qu’ils n’ont pas été entretenu depuis des années, qu’ils ne sont pas, dans de nombreux cas, adaptés au handicap et notamment à la vieillesse, et d’une manière générale qu’ils ne correspondent pas aux exigences de la vie d’aujourd’hui. C’est vrai aussi bien dans les villes et les banlieues, que dans les campagnes qui voient les centre-bourgs se dépeupler au profit d’extensions mal conçues.
Ce problème est lourd de conséquences, et dans des domaines bien éloignés de la thermique. « vivre dans un logement dégradé nuit à l’image que l’on a de soi-même » nous dit le CREDOC ([1]) qui précise que « l’habitation ne répond pas seulement à la fonction de se loger, c’est un marqueur social qui étaye les représentations que l’on a de sa position sociale ».
Donner une nouvelle jeunesse au logement pour le moral des occupants
Engager des travaux lourds pour une rénovation thermique globale avec des actions sur l’ensemble du bâtiment, est une occasion de donner à un logement une nouvelle jeunesse et d’améliorer le moral des Français, en même temps que de lutter contre la précarité énergétique et l’effet de serre. C’est une mise à niveau générale qu’il faut viser. A défaut, l’ambition sociale de cette mesure est largement amputée, ou bien nous courons le risque de voir l’efficacité thermique mise en danger par de nouveaux travaux, que les habitants pourraient engager de leur propre chef pour embellir leur cadre de vie.
Cette approche spécialisée présente un autre inconvénient, dont la rénovation thermique est la victime. C’est que celle-ci n’est pas populaire, au point qu’il faut la rendre obligatoire. Dans les enquêtes, tout le monde répond volontiers que l’effet de serre est un problème essentiel, mais dans les faits, personne ne bouge. Les incitations ne suffisent pas plus que la conscience « citoyenne ». Donner envie de rénovation tous azimuts, en faire une priorité pour les « ménages », serait un accélérateur déterminant pour la rénovation thermique, qui serait ainsi « embarquée » dans un projet plus enthousiasmant. Contrairement à ce que les spécialistes de l’énergie pensent, la thermique a tout à perdre à jouer solo. Elle se portera bien mieux intégrée à une démarche « globale » de qualité, elle trouvera plus facilement des candidats et des budgets, à comparer à la solution retenue par les « citoyens », l’obligation.
Une rénovation thermique sans rénovation générale est un gâchis
Un mot sur les bâtiments tertiaires les bureaux, qu’il convient aussi de rénover.
La crise sanitaire a introduit un paramètre nouveau, et le négliger serait une faute manifeste. Comment engager des travaux lourds de rénovation sans prendre en compte le télétravail et les organisations qui en découlent ? Là encore une rénovation thermique sans rénovation générale serait un gâchis.
Isoler la question thermique de celle, bien plus générale, de l’adéquation de nos parcs immobiliers, logement et bureaux, aux exigences du siècle, c’est s’enfermer dans une vision étroite au lieu d’entrer dans la complexité de la vie. Une approche linéaire au lieu d’une approche système, tenant compte des impacts positifs et négatifs de toute décision sectorielle.
A la suite des travaux des « citoyens », la balle est dans le camp du gouvernement. Il est encore temps de corriger la copie.
[1] L’étude « Consommation et mode de vie » 2015 du CREDOC (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) approfondit notamment la question des effets de la crise du logement sur la société française.
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...
Certes mais la convention citoyenne pour le climat s'intéressait au .... climat !
On est bien d'accord que tant qu'à faire des rénovations globales, il faut une approche générale sur le confort et je fais confiance au bon sens des maîtres d'ouvrage et maîtres d’œuvres pour l’intégrer.
Je dirais même qu'actuellement la plupart des rénovations globale se font pour le confort en oubliant de placer le bâtiment sur une trajectoire thermique vertueuse et c'est bien là qu'il faut donner un signal fort, car on ne fait pas de rénovation globale tous les ans !
C'est ce que rappellent très justement les citoyens dans le cadre qu'on leur a donné.