L’environnement, une machine à faire des économies

Le coût de l’environnement est souvent mis en avant pour le dénigrer. L’environnement coute cher, est-il dit et redit, et pose un vrai problème en période de crise économique et de déficit budgétaire chronique.

La transition énergétique vient se rajouter à ces dépenses, des dizaines milliards € par an selon un rapport récent de France Stratégie (¹). L’environnement serait ainsi un gouffre financier, consenti sous la pression des écolos. Eux-mêmes n’hésitent pas à parler de ces dépenses, et en demandent toujours plus. L’administration n’est pas en reste.  Le ministère en charge de l’environnement publie régulièrement des notes (²) sur les dépenses engagées pour protéger l’environnement. 60 milliards en 2021, dernière année dont les données ont pu être réunies aujourd’hui.

À long terme, au niveau mondial, le coût économique de l’inaction excède de loin celui de l’action

¹ « Les incidences économiques de l’action pour le climat », rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, mai 2023.
² « Dépenses de protection de l’environnement en France - Synthèse des connaissances en 2023 » (30/11/2023), complétée par « La dépense pour les actions transversales de protection de l’environnement en 2021 » (12/08/2024).

Comme dans tout bilan, avec les recettes et les dépenses

Il faudrait mettre en regard les bénéfices de cet argent dépensé. Il s’agit souvent d’un service rendu à la population ou aux entreprises, parfois pour gérer leurs besoins et parfois pour leur améliorer le cadre de vie. La gestion des déchets, par exemple, est le premier poste de dépenses, près de 20 milliards, ou le traitement des eaux usées, 14 milliards. Combien coûterait l’absence de ces services ?  Le calcul a été fait dans d’autres domaines.
La dépense pour la qualité de l’air, de l’ordre de 8 milliards, et celle consacrée au bruit, 2,4 milliards, sont à rapprocher des coûts de la pollution atmosphérique et du bruit, respectivement 100 et 147 milliards d’euros chaque année (³). Les dépenses engagées pour réduire une nuisance sont infiniment plus légères que le coût de la nuisance elle-même. C’est d’ailleurs par ce constat que s’ouvre le rapport sur les effets économiques du réchauffement climatique : « À long terme, au niveau mondial, le coût économique de l’inaction excède de loin celui de l’action ». Le concept de « coût évité » est manifestement absent de nombreuses analyses qui ne prennent en compte que les dépenses.

L’environnement est partout

Une des difficultés du décompte des dépenses au titre de l’environnement est que l’environnement est partout, dans toutes les activités humaines qui prélèvent des ressources naturelles, impactent le lieu de leur installation, produisent des déchets ou d’autres effets, positifs ou négatifs, sur leur environnement. L’agriculture en est un bon exemple, elle qui exploite la terre agricole et nous fournit des aliments dont la qualité conditionne notre santé. La mobilité, en est une autre illustration, besoin d’infrastructures, d’espaces dédiés, d’énergie, effets sur le paysage, l’écoulement des eaux et la biodiversité.

Prenons l’exemple du bâtiment, gros consommateur d’énergie (pour la construction et pour le fonctionnement), d’espaces, et cadre de nos activités personnelles ou professionnelles. Le choix de l’emplacement et de l’orientation d’une construction impacte le paysage, le microclimat, le régime des eaux, avec des effets pour les utilisateurs et pour la collectivité en général. Le bâtiment et ses occupants consomment et rejettent, et doit être conçu pour faciliter au maximum la gestion de ces flux.

La santé dépend largement de la qualité d’un bâtiment. Choix des matériaux et pollution de l’air intérieur, renouvellement d’air, confort thermique et acoustique, lumière naturelle, vues sur l’extérieur, ergonomie, tous ces paramètres influent sur notre qualité de vie, laquelle se déroule aujourd’hui pour l’essentiel dans des locaux, entre le logement, le bureau ou l’atelier. Environnement et bâtiment sont très liés, et il doit être bien difficile d’attribuer une dépense, ou un bénéfice, à l’un ou l’autre. Le plombier qui chasse les fuites d’eau et installe des mousseurs ou autres systèmes d’économie intervient-il au titre de l’environnement ou du logement ?

(³) Selon le rapport de la Commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air au Sénat publié le 15 juillet 2015, et un rapport de L'Ademe et le Conseil national du bruit (CNB) publié en octobre 2021.

La rénovation thermique est à l’ordre du jour. Motivée par des considérations climatiques, elle est aussi porteuse de bien d’autres améliorations de confort, de santé et d’économies, si elle est menée globalement. Les bénéfices sont sociétaux autant que climatiques.

La lutte contre la précarité énergétique a un coût, mais elle produit aussi de larges bénéfices financiers en termes de santé, de résultats scolaires des enfants, de baisse de l’absentéisme des parents, et d’insertion sociale. Abordée exclusivement sous l’angle énergétique, le risque est grand de passer à côté de plusieurs « co-bénéfices » qui font de l’intervention une opération très rentable. C’est ce caractère transversal de l’environnement qui rend difficile l’évaluation de son potentiel économique. Le cloisonnement des décisions, des évaluations et des financements est un obstacle à des opérations qui seraient largement bénéficiaires dans une approche globale.

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À propos de l'auteur

Dominique Bidou

Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...

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