Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 10 Mai 2022
Notre santé est largement conditionnée par des facteurs environnementaux. Plus des deux-tiers des maladies non transmissibles en dépendent, qu’il s’agisse de maladies cardiovasculaires ou métaboliques, de cancers ou encore de problèmes respiratoires chroniques. L’habitat y tient une place considérable.
Le logement, et plus largement le bâtiment, doivent intégrer aussi la santé des occupants en priorité
Habitat et santé publique, même combat !
Logement, lieux de travail et de loisirs, espaces publics de proximité, contribuent pour une bonne part à l’ensemble des expositions auxquelles nos organismes, nos corps, sont soumis. Le terme d’exposome recouvre ce champ de recherche médicale, apparu il y a une quinzaine d’années pour comprendre les effets de l’ensemble des facteurs environnementaux qui se cumulent en nous tout au long de notre vie : ce que nous respirons, ce que nous ingérons, les radiations, le bruit, le paysage, les influences multiples auxquelles nous sommes exposés, ont des effets, bons ou mauvais, sur notre santé physique et mentale, ils se combinent entre eux et produisent des cocktails qui laissent encore la science démunie.
L’habitat est au cœur du sujet, qu’il s’agisse des emplacements, de la conception et l’organisation des locaux, des modes de vie auquel il invite, des matériaux utilisés, des modalités et des pratiques d’entretien et de maintenance. Habitat et santé publique, même combat !
L’habitat, un auxiliaire de santé publique ?
Diverses organisations et de nombreux travaux sont consacrés aux logements et institutions adaptés à différentes pathologies, comme les « appartements de coordination thérapeutique ». La loi fixe des exigences pour l’accessibilité des handicapés, une attention récente se porte sur les effets du vieillissement. Il s’agit alors de faire face à des problèmes, dans une position à dominante défensive, pour réduire ou éviter les problèmes de santé (au sens de l’OMS) de populations fragiles.
Pourquoi ne pas aller plus loin, et concevoir un habitat qui, en plus de sa fonction première d’accueil et de lieu de vie, devienne un auxiliaire de santé publique ? Le mouvement hygiéniste du siècle dernier apporte une première réponse, mais il s’agit essentiellement de lutter contre les maladies infectieuses. C’est une première étape, toujours principalement défensive. Comment être « offensif », pour favoriser une bonne santé et non seulement éviter les maladies ? Comment enrichir le volet hygiéniste, d’inspiration technicienne, d’une dimension sensible, affective, qui permettrait d’obtenir une large adhésion des habitants ?
Au plan mental, la lutte contre la solitude demande un aménagement favorable aux rencontres, magasins de proximité, espaces publics, bancs, etc, ... La qualité du paysage urbain, le calme ou l’animation selon les cas, le traitement de cheminements piétons, illustrent les marges de manœuvre côté aménagement extérieur. Celui-ci pourra susciter des mobilités actives. Faire du vélo fait faire des économies substantielles à la sécurité sociale. La réhabilitation de l’escalier dans les bureaux, où la tendance spontanée serait plutôt à l’ascenseur même pour un étage, est un exemple de mesure simple dans le tertiaire. C’est une ergonomie des cheminements externes et intérieurs qui nous pousse à « bouger », comme les publicités officielles nous y incitent.
Urbanisme climatique, qualité d’air, confort d’été et autres pistes
Un urbanisme « climatique » est une autre piste pour favoriser la santé. Des rues orientées en fonction des vents dominants, tant pour évacuer et disperser la pollution que pour offrir des microclimats agréables. Un plan permettant le plus possible l’accès au soleil, prévoyant une présence de l’eau, fontaine, berge d’une rivière, étang, etc, ... et d’une végétation source d’apaisement, pourvoyeuse d’ombre, favorable à la qualité de l’air, à l’accueil d’oiseaux (mais attention aux allergies et à ne pas freiner la dispersion des polluants).
Dans les bâtiments, les réglementations donnent des indications pour le volet santé. Il est évidemment souhaitable d’en faire plus, notamment pour le renouvellement d’air, la ventilation, incontournable pour bien se porter, mais aussi pour éviter la climatisation, qui n’est bonne ni pour la santé des humains ni pour la planète. La précarité énergétique est un problème social et sanitaire. Elle coûte cher en matière de santé, mais aussi d’absentéisme, de scolarisation, de situations familiales et sociales. Un coût qui a été estimé au Royaume Uni plus lourd que celui des travaux de réhabilitation. C’est aussi du côté des usages et des comportements que l’effort doit se porter, sur la manière d’habiter, liée essentiellement à des habitudes et des cultures. Un habitat sain en adéquation avec les modes de vie des occupants, et une sensibilisation de ces derniers, du hard et du soft.
Et toujours le double dividende pour être gagnant-gagnant
La recherche de co-bénéfices est consubstantielle au développement durable. Le double dividende.
Le logement, et plus largement l’habitat, peuvent intégrer aussi la santé. Une approche transversale, au-delà des cloisonnements qu’il a bien fallu poser pour faciliter l’action, mais qui ne doivent pas être étanches. Notre environnement quotidien, pour une grande part dans des locaux, détermine notre santé, et nos modes de vie, eux-mêmes en relation directe avec notre santé. La séparation des compétences a conduit les politiques de l’habitat à répondre à des exigences minimums, ne pas nuire.
La reconnaissance d’un objectif « santé » ambitieux intégré aux politiques de logement et d’urbanisme serait un grand pas sur la voie du développement durable.
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...