Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 14 Novembre 2019
Comme pour les casses automobiles, le réemploi des composants du bâtiment pour un meilleur bilan carbone
La règle dite « des 3R »
Cette règle est bien connue pour lutter contre les diverses formes de gaspillage de ressources. Réduction, réemploi, recyclage.
Ne pas consommer ce dont nous n’avons pas besoin, réemployer les produits usagés autant qu’il est possible, parfois en changeant leur destination (on parle alors de réutilisation, un autre R) et les recycler in fine. Prenons l’exemple d’une bouteille d’eau (en verre). Le mieux est de s’en passer en se servant au robinet. S’il faut une bouteille, elle peut servir plusieurs fois, c’est le réemploi, et à la fin elle casse et on recycle les débris pour refaire du calcin et à nouveau du verre.
On oublie souvent une solution intermédiaire entre réemploi et recyclage, une solution bien connue dans certains secteurs. De nombreux matériels sont des assemblages de plusieurs pièces, qui en sont les « composants ». On parle aussi de pièces détachées, qui peuvent trouver une seconde ou troisième vie quand le matériel initial est défaillant. Le réemploi de ces composants est une manière de récupérer de la matière, et de faire des économies de ressources et d’argent. Pratique ancienne mais pas suffisamment utilisée, elle a connu une nouvelle dynamique depuis le 1er Avril 2019. C’est la date d’entrée en vigueur d’un arrêté du 8 Octobre 2018 « relatif à l’information du consommateur sur les prix et conditions de vente de pièces issues de l’économie circulaire dans le cadre des prestations d’entretien ou de réparation des véhicules automobiles ». Les casses automobiles, qui n’ont pas toujours une bonne réputation côté environnement, peuvent ainsi apporter leur concours à la lutte contre le gaspillage.
Réemploi des composants dans le domaine du bâtiment
Il est un domaine où les composants sont nombreux, et où il est beaucoup attendu du recyclage, c’est le bâtiment. Les déchets de chantier sont considérables, et on entend trop souvent parler de décharges sauvages dans les bois. Depuis quelques années, on parle de « déconstruction », qui consiste à démonter les vieux bâtiments pour séparer les matériaux les uns des autres, étape incontournable du recyclage. La tradition de récupération des métaux est ancienne, elle trouve une nouvelle forme et s’étend à tous les produits.
De nombreux composants pourraient être récupérés, rénovés et réutilisés. Il y a bien sûr les tuiles, reprises moultes fois sur le même toit à chaque réfection, un classique pour un composant élémentaire. Il peut s’agir de portes et de fenêtres, mais aussi de faux plafonds, de meubles et d’équipements de salle de bain, de panneaux isolants. Le réemploi ne sera pas direct, il faut souvent reconditionner le produit, le repeindre, lui redonner un air de jeunesse, mais c’est moins coûteux et plus « friendly » pour la planète que l’utilisation de ressources nouvelles, venant parfois de bien loin.
La difficulté pour le bâtiment est que chaque objet est du sur-mesure, contrairement aux produits industriels fabriqués en grand nombre et à l’identique. Là encore, il faut créer des intermédiaires qui assureront les adaptations nécessaires, et la compatibilité avec les exigences sanitaires, énergétiques, esthétiques. Ils existent depuis longtemps pour les produits anciens, qui font l’objet d’un marché de l’occasion. Ils commencent à se créer pour des produits plus courants. Plusieurs plateformes virtuelles ou matérielles se sont créées ces dernières années pour mettre en relation l’offre et la demande, et ce n’est qu’un début. Déconstruction et réemploi de composants relèvent de la même logique et se développent ensemble.
Cette approche concerne au premier chef, paradoxalement, les bâtiments neufs
Le recyclage et le réemploi des éléments qui les composent dépendent fortement de leur conception.
L’écoconception est l’avenir de la construction, comme du design en général. Les bâtiments qui s’adapteront à des futurs inédits, qui pourront changer d’affectation, qui offriront le cadre à des modes de vie que nous ne pouvons pas imaginer, et qui accepteront qu’on leur emprunte des composants.
L’empreinte écologique et le bilan carbone seront d’autant plus favorables que la durée de vie réelle du bâtiment sera longue. L’adaptabilité, la possibilité de démontage partiel ou total avec récupération des composants deviennent alors des exigences essentielles pour la construction du XXIe siècle.
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...