Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 05 Juin 2024
Les maladies dominantes, et elles le seront de plus en plus, sont d'origine environnementale
Milieu de vie, alimentation, rythme de vie, stress, solitude, etc. Nous supportons l'exposition cumulée au cours des années, à des éléments ou des évènements auxquels nos corps n'ont pas été habitués. La sélection naturelle n’a pas encore fait son œuvre, pour ne retenir que les organismes capables de cohabiter avec ces produits nouveaux, ces molécules qui inondent aujourd'hui nos environnements. Une exposition qui commence avant la naissance, dans l'utérus, et se prolonge jusqu'aux derniers jours.
Toutes les politiques apportent leurs contributions à ces multiples formes d'exposition
L'alimentation, composition et résidus indésirables, le logement qui organise notre cadre de vie, les transports source de bruit et de pollution diverses, l'industrie dans son activité de production et la diffusion de produits dont les effets ne sont pas toujours connus, le commerce qui en est le vecteur, etc. Une contribution qui peut être favorable, mais aussi représenter un coût pour les individus comme pour la collectivité.
Nous oublions souvent que si nous nous intéressons à l'environnement, c'est en grande partie parce que c'est notre cadre de vie à nous les humains, c'est l'air que nous respirons, l'eau que nous buvons ou celle dans laquelle nous nous baignons, et c'est dans la nature que nous trouvons le maximum de ressources pour notre santé, et bien sûr notre alimentation.
La récente crise agricole a montré la difficulté qu’il y a à faire le lien entre les conditions de production et les effets sur la santé, pourtant bien documentés. Le cloisonnement des comptes ne permet guère le rapprochement entre les gains espérés des mesures prises pour alléger les contraintes environnementales et le coût que ces reculs entraînent pour la santé des agriculteurs et les riverains des exploitations, pour les consommateurs de produits contenant des molécules indésirables.
Habitat et santé, voilà un autre volet de la « santé environnementale » tout aussi important
Un volet aux formes multiples et évolutives. Le confinement provoqué par la COVID, par exemple, a mis en évidence des questions d’organisation des logements pour que chacun y trouve les espaces nécessaires à sa santé mentale et physique. Nous connaissons depuis longtemps les effets du bruit sur la santé, bruit venant de l’extérieur, les transports en étant les premiers responsables, et celui de l’intérieur, provenant des équipements et des voisins.
La qualité de la construction, l’emplacement, la gestion des circulations sont autant de paramètres à considérer, avec des réglementations et des labels pour guider les opérateurs. Le renouvellement d’air a pris récemment une importance avec la prise de conscience des effets de la pollution atmosphérique sur la santé, avec le continuum entre air extérieur et intérieur.
La publication récente des travaux conjoints d’Airparif et de Bruitparif (1] montre pour l’Ile de France, qu’une bonne part de la population (dix millions d'habitants sur un total de 12,3 millions) est exposée simultanément à des « pollutions sonores et atmosphériques à des niveaux qui excèdent fortement les recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ».
Le logement lui-même peut réduire ces niveaux de nuisance, bien que les réponses techniques soient souvent contradictoires, le renouvellement d’air pouvant favoriser la pénétration des décibels. C’est au niveau de l’aménagement que les solutions les plus pertinentes se situent, avec les difficultés qu’il y a à les appliquer dans des tissus urbains existants. Le mieux est de maîtriser à la source les émissions de bruits et de particules ou tout autres éléments néfastes pour la santé, sans oublier que certains d’entre eux proviennent de l’intérieur : émanations de matériaux de construction (peintures notamment) et du mobilier, cuisson à la cuisine, fumée de tabac, etc, qu’il convient d’évacuer.
[1] https://www.bruitparif.fr/une-cartographie-croisee-du-bruit-et-de-la-pollution-de-l-air/
La santé est aujourd’hui fortement impactée par les dérèglements climatiques
C’est l’excès de chaleur qui est en cause, et qui le sera de plus en plus. La différence de température entre les centres urbains, très minéraux, et leurs périphéries plus végétalisées, sont considérables. Les politiques d’aménagement, notamment les documents d’urbanisme, ont cette nouvelle mission de réduire cet écart et de favoriser dans les habitations un rafraîchissement naturel.
La bonne santé ne se limite pas à la lutte contre les pollutions, elle est aussi issue des aménités du lieu. Lumière du jour dans les immeubles, vues dégagées, présence de la nature à proximité, possibilité de trouver près de chez soi des espaces de détente adaptés aux différents âges, courir derrière un ballon pour les uns, trouver un banc pour s’asseoir au cours de sa promenade pour les autres.
Le coût de la santé est l’objet de nombreux débats
Il est déterminé en grande partie par diverses politiques pour lesquelles la santé représente avant tout une contrainte. Des politiques qui ont souvent, pour faire face aux urgences et aux préoccupations immédiates, cherché à minimiser leurs effets sur la santé. Des gains immédiats sans doute, mais des coûts considérables par la suite, souvent diffus, payés par tout le monde sans que nous puissions identifier la part des mauvaises orientations qui ont provoqué ces dépenses.
Pensons « santé » dans nos projets, une source de bien-être et d’économies.
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...