Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 04 Juillet 2019
1 - Les formules « bâtiment durable » ou « quartier durable » sont évidemment des raccourcis
Ce sont les modes de vie qui sont, ou ne sont pas, durables, le cadre matériel étant plus ou moins favorable à l’adoption du bon mode de vie. Le logement le plus performant ne donnera pas sa véritable mesure s’il est occupé par une famille insouciante, laissant couler l’eau du robinet, ouvrant les fenêtres après avoir poussé à fond le chauffage, etc ... De même, le bilan d’une maison individuelle avec un jardin ne sera pas le même selon que ledit jardin est une pelouse anglaise verdie à grand effort d’azote et d’arrosages sous le soleil, ou qu’il est devenu un potager bio, avec compost, séchage du linge, et végétation sauvage offrant le gîte et le couvert aux oiseaux et aux insectes.
L’observation a été faite maintes fois sur des bâtiments HQE, BBC, etc ... et des écoquartiers, …
Selon que les premiers occupants sont accompagnés ou non par les promoteurs de l’opération, les résultats mesurés (consommation d’eau, d’énergie notamment) sont bien différents. Le « hard » sans le « Soft » est toujours décevant. Heureusement, il y a un rattrapage possible, comme ce fut le cas sur l’écoquartier de Bonne à Grenoble qui eut recours à une animation spécifique pour que les habitants tirent vraiment profit de la qualité des logements.
2 - Peut-on transposer cette observation au parc existant ?
L’enjeu est considérable, car le renouvellement est lent, et le bâtiment continuera longtemps à figurer en tête du triste palmarès des consommateurs d’énergie et des producteurs de gaz à effet de serre. Accélérer le rythme des rénovations pose de nombreux problèmes, de capacités techniques, de compétences, de financement et de motivation des habitants. Mais ces derniers utilisent-ils toutes les ressources de leurs logements ? Sans attendre la solution technique, y-aurait-il une voie à suivre du côté du comportement ? Les campagnes « familles à énergie positive1 » montrent qu’il y a des marges, que l’on peut gagner de l’argent et réduire son impact en faisant attention. Leur impact est malgré tout limité, le nombre de familles concernées étant dérisoire par rapport aux enjeux. Elles montrent juste que c’est possible, et dans tous les milieux sociaux. Dans le même ordre d’idées, la mission de Service Civique « Les Médiaterre2 » a été créée par Unis-Cité pour aider les familles à adopter des gestes éco-citoyens et réduire leurs factures énergétiques.
1
www.familles-a-energie-positive.fr
2
www.uniscite.fr
3 - Nous savons par ailleurs qu’il y a un tas d’améliorations « à coût négatif », …
Investissement remboursé dans l’année, qui relève notamment de la régulation, comme les limiteurs de pression pour l’eau ou des détecteurs de présence, ou de la performance de petits matériels, par exemple pour l’éclairage, ou encore de la lutte contre les fuites d’eau. Des petits progrès qui, cumulés, peuvent produire des résultats intéressants pour l’usager comme pour la collectivité, mais dont la diffusion est lente, et qui doivent entrer dans la culture des habitants. C’est là qu’il y a un levier.
4 - Comment améliorer très vite le bilan environnemental du bâtiment dans le parc existant ?
En agissant sur la manière d’occuper les bâtiments, avec une « culture d’habiter ». C’est ce qui a été fait sur le point précis des déchets ménagers. Le tri n’était pas dans les habitudes, mais il est entré dans les mœurs. De manière souvent imparfaite, et il y a encore des progrès à faire, mais combien de fois n’avions-nous pas entendu qu’en France, ça ne marchera jamais ? Les « ambassadeurs du tri » constituent un exemple de ce qui est possible pour créer de nouvelles habitudes à grande échelle, mais il y a de nombreuses professions qui pourraient être mobilisées, comme les gardiens d’immeubles, les travailleurs sociaux, les agents municipaux, les syndics de copropriété, etc. Des acteurs spécifiques, donc, comme les « Médiaterre » d’Unis-Cité, et des acteurs qui peuvent intervenir dans l’exercice de leurs activités.
C’est évidemment un effort. De nouveaux personnels, ou des tâches supplémentaires pour des personnels déjà très sollicités, ça ne s’improvise pas. C’est une politique d’accompagnement qu’il faut mettre sur pied, avec une stratégie, des financements et des troupes sur le terrain. C’est l’accent mis sur le fonctionnement plutôt que sur l’investissement, ce qui va peut-être à contre-courant des tendances d’aujourd’hui. Mais c’est une manière d’aller plus vite, et c’est un investissement d’ordre culturel, qui donne ses fruits tout de suite et pour longtemps. Un accompagnement qui favorisera la diffusion des petits progrès techniques évoqués ci-dessus, et qui permettra de profiter pleinement des bienfaits de la rénovation le jour où elle se présentera.
A défaut de « hard », le recours au « soft » ne doit pas être négligé. Nettement moins onéreux, il permet d’obtenir des résultats rapides, et si l’effort est continu, durables. Il s’adapte à différents enjeux, et peut évoluer en fonction des besoins. Une source d’économies pour les usagers comme pour les propriétaires et la collectivité, de réduction des émissions de CO², de consommation d’eau, etc ... et aussi d’amélioration immédiate des conditions de vie. Il doit être possible d’adopter un mode de vie durable dans un bâtiment qui ne l’est pas.
A quand les ambassadeurs du « bien habiter » ?
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...