Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 04 Juillet 2019
Pas de bon projet sans bonne maîtrise d’ouvrage, c’est bien connu. Et ce n’est pas facile d’être un bon maître d’ouvrage. Mettez à part les maîtres d’ouvrage professionnels, les grands bailleurs sociaux ou non, les plus faciles à mobiliser, et vous trouverez les particuliers et les copropriétés.
Pour atteindre les 500 000 logements rénovés par an, ce sont eux - les particuliers et les copropriétés - qu’il faut convaincre, ce sont eux qui seront les maîtres d’ouvrage de la rénovation. Une gageure pour la plupart d’entre eux, que les aides financières ne suffiront pas à éclairer dans cette fonction.
Copropriété : Rénovation de façade et embarquement de l’isolation par l’extérieur !
1 - Etre maître d’ouvrage ne s’improvise pas
Il y a du travail pour aider ces maîtres d’ouvrage occasionnels. On l’observe aujourd’hui : Les nombreux travaux commandés par des particuliers sont souvent insuffisants ou inappropriés. Des travaux décidés à la suite d’un démarchage commercial, pour les fenêtres ou les chaudières par exemple, ou à l’occasion d’autres travaux, ravalement, toiture, chauffage, etc. Une approche partielle tant sur l’élément touché par la rénovation que sur le besoin à satisfaire. Le métier de maître d’ouvrage ne s’improvise pas, surtout s’il s’agit de transformations profondes, comme celles nécessaires pour sortir de la catégorie G (ou F), celle des passoires thermiques.
Pour mener à bien une rénovation, qui ne sera pas que thermique, il faut en premier lieu déterminer la bonne demande, celle qui correspond à ses besoins et à ses envies. Prendre du recul par rapport aux réponses toutes faites, « vues à la télévision », pour mieux comprendre son logement, son fonctionnement, la manière dont on y vit et dont y vivra demain, et formuler des souhaits cohérents.
Traduire ensuite ces souhaits en cahier des charges, plus ou moins formalisé, pour rechercher des solutions compatibles avec son budget.
S’assurer enfin que les travaux ont été bien faits et répondent à la commande, avec les garanties d’usage.
Pas facile pour un particulier sans expérience de maîtriser cet enchainement de phases. D’autant plus qu’il est de plus souvent conseillé par les entreprises qui font les travaux, lesquelles orientent le choix vers les solutions qu’elles maîtrisent le mieux, y compris financièrement, mais qui ne sont pas forcément les plus adaptées à la situation. Le recours à un architecte reste exceptionnel.
Les aides techniques dont les propriétaires particuliers bénéficient sont peu disponibles. Les points info énergie de l’ADEME ne vont pas sur place et ne traitent que de l’énergie, les associations spécialisées n’ont pas les moyens d’intervenir à la bonne échelle, Qualitel propose des diagnostics pour les immeubles, mais les copropriétés sont dures à convaincre de leur intérêt.
La toute récente PPE* prévoit des diagnostics financés à 100% pour les ménages modestes propriétaires de « passoires énergétiques », diagnostics qui seront obligatoires pour louer ou vendre. Une mesure nécessaire (à condition que les diagnostiqueurs soient compétents), mais loin d’être suffisante pour assurer une bonne maîtrise d’ouvrage. Le diagnostic n’est qu’un élément du dossier, il doit être élargi à d’autres dimensions, acoustique, ventilation, confort d’été, accessibilité, etc …, il doit être inscrit dans un contexte précis.
2 - La pratique qui semble la mieux adaptée est celle que l’ANAH
Dans ses opérations groupées d'amélioration de l'habitat, OPAH, l'Agence Nationale de l'Amélioration de l'Habitat s'appuie sur une ingénierie de montage de projets qui permet d'ouvrir un dialogue personnalisé avec chaque propriétaire. La rénovation du parc de logements des particuliers a besoin de démarches de ce type.
Tous les dispositifs d’aide financière resteront en friche ou seront mal utilisés sans injection de compétence auprès des propriétaires. Ceux-ci en ont besoin, les travaux seront « sur mesure », plus satisfaisants, et les coûts seront maîtrisés. Il faut imaginer une forme d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, adaptée à la variété de situations, de la maison individuelle à l’appartement, de la zone rurale à la « ZUP » en passant par le centre ancien. Une présence auprès des propriétaires pour que les aides, techniques et financières, soient bien utilisées dans chaque opération, pour pousser les entreprises à mettre en œuvre les meilleures pratiques, pour donner aux propriétaires occupants et/ou à leurs locataires les bons conseils pour l’usage de leur logement et sa bonne maintenance. L’après-travaux ne doit pas être négligé, tant garantir les résultats que pour faire un bon usage d’un logement transformé.
3 - Les hussards noirs de la rénovation
Ce sont les « hussards noirs » de la rénovation qui pourront valoriser le patrimoine existant, renforcer ses performances, notamment énergétiques, l’inscrire dans une évolution et un contexte territorial, et améliorer durablement les conditions de vie des habitants.
Toute politique aussi ambitieuse que la rénovation de millions de logements en quelques années a besoin d’une « force de vente » sur le terrain, pour que l’offre de changement soit reprise, expliquée et adoptée là où elle doit l’être. La PPE, telle qu’on la connait aujourd’hui, ne désigne pas les acteurs à mobiliser pour accompagner les mesures proposées, si judicieuses soient-elles. Il faut susciter et organiser cette force de vente, la former si nécessaire, la financer et animer le réseau. Et on peut parier qu’elle fera faire des économies, tant aux propriétaires qu’à la puissance publique, en calibrant les opérations au juste besoin, en orientant vers les choix techniques les plus performants, et en maîtrisant le prix des interventions. Le développement durable, c’est gagnant-gagnant !
*PPE = Programmation Pluriannuelle de l'Energie » : document stratégique de pilotage de la transition énergétique en France
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...