Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 23 Octobre 2019
Le recyclage consiste à faire d’un déchet une ressource
Les vieux sont de précieuses ressources
On y a de plus en plus recours pour les déchets de chantier, mais on l’oublie souvent pour les ressources humaines. Il est bien cruel de parler des vieux comme des déchets, mais il est clair qu’ils constituent une ressource largement sous utilisée. Un gâchis pour la société, qui se prive de compétences, et pour les vieux qui souhaitent continuer de participer à la vie sociale. Le vieillissement de la population apparait souvent comme un handicap. Il l’est assurément si l’on considère les vieux comme une charge. Tout change si on les considère comme une ressource.
Le débat qui s’ouvre sur les retraites est une approche essentiellement comptable, d’équilibre financier. Une vision très partielle de la question de fond, celle du vieillissement de la population. Un phénomène inéluctable. Il est la conséquence de la nécessité de stabiliser la population mondiale, devoir auquel les pays les plus développés, et les plus consommateurs de ressources, ne peuvent se soustraire.
Les vieux sont-ils si inactifs ?
L’approche traditionnelle de la question se fonde sur l’hypothèse que les vieux sont « inactifs ». Le rapport du nombre d’actifs à celui des « inactifs » est sans cesse mis en avant, comme si les inactifs ne produisaient rien, n’apportaient rien à la société. Une erreur qui fausse tous les raisonnements et empêche de progresser vers une solution juste et opérationnelle. Les vieux seraient un « poids » pour la société, et notamment l’économie. Le bonheur de vivre plus vieux provoque alors le malheur.
A l’encontre de cette assertion, implicite dans les raisonnements habituels et les débats entre « partenaires sociaux », une première famille d’arguments est souvent avancée. Les vieux sont des consommateurs, et leur consommation fait tourner l’économie. Il ne s’agit pas que de « silver économy ». La moitié des voitures neuves, par exemple, est achetée par les retraités. La retraite est une manière de distribuer un pouvoir d’achat, au-delà d’un « salaire différé » ou de la récompense d’une vie de labeur. Argument qui vaut aussi à l’échelle locale : de nombreux territoires vivent d’une économie « résidentielle », constituée essentiellement de la satisfaction des besoins des « résidents », commerces et services de proximité, notamment publics, santé, etc. Le pouvoir d’achat des retraités permet à de nombreuses villes ou villages de bénéficier d’un apport important d’argent, nécessaires pour assurer l’existence de ces services. Les vieux au service de la consommation et de l’aménagement du territoire, voilà une première remise en question du « poids » des vieux dans notre économie.
Les vieux, une ressource qui produit de la richesse
Les vieux sont et ont de sérieuses ressources
Il faut en ajouter une seconde au moins aussi importante. Les vieux produisent de la richesse. Ils ne sont pas de simples assistés, comme certains semblent le penser. Leur défaut est que cette production n’est pas « marchande » dans la plupart des cas, elle n’apparait pas dans les comptes. Ne négligeons pas pour autant l’activité marchande des vieux, qui existe fort heureusement et qui pourrait se développer si elle était reconnue au lieu d’être perçue comme une concurrence à l’activité des « actifs » officiels. Des modalités de production à adapter à l’âge et au métier, bien évidemment, comme cela se fait souvent aujourd’hui, mais sans reconnaissance ni adaptation du statut et des charges à la situation réelle des intéressés. Nul doute qu’une réelle prise en considération de cette activité permettrait son développement pour le plus grand bonheur de la société et des vieux concernés, heureux de jouer encore un rôle, au plus grand profit de leur santé et de leurs relations sociales, en plus de leur pouvoir d’achat.
Les vieux, une source de ressources considérable
Il y a bien d’autres manières de se rendre utile, hors domaine marchand, et les vieux le savent bien. Il y a là une source de richesse considérable, ainsi que d’économies financières. Pour ne prendre qu’un exemple, les restos du cœur sont animés très largement par des retraités. Combien coûterait la prise en charge de leurs « clients », si elle devait être assurée par des services sociaux officiels ? Une question à élargir à l’ensemble des associations caritatives, mais aussi culturelles, sportives, environnementales, etc, où le bénévolat des retraités apporte aux permanents salariés un secours décisif. Les vieux apportent aussi une contribution forte à leur famille, qui n’entre pas dans les comptes. Soutien à leurs très vieux parents, soutien à leurs enfants en « base arrière », pour s’occuper de leurs petits-enfants en cas de besoin, pour les accompagner dans des démarches professionnelles ou extra-professionnelles. Un apport considérable à l’économie et à la vie sociale.
Poursuivons le raisonnement à la vie politique, au plus près des populations, dans les communes. Combien de retraités parmi les 500 000 élus locaux de France, dont la plupart sont quasi ou totalement bénévoles ? Combien de fonctionnaires faudrait-il pour assurer cette permanence sur le territoire, ce lien social, ce repère dont beaucoup ont besoin pour se situer ?
Disons-le clairement, les vieux sont un réservoir de compétence, de savoir-faire et d’expérience qu’aucune société ne peut se permettre de négliger. Il faut juste adapter notre organisation à l’irruption de ces nouveaux vieux, encore actifs et pleins de potentiels de toutes natures, qui représentent environ un français sur cinq aujourd’hui, et bien plus demain. Tel est le défi à relever dans nos sociétés modernes, il va bien au-delà des approches comptables et des marchandages sur le calcul des retraites. Soyons parmi les premiers pays qui proposeront ce nouveau mode d’organisation, adapté au monde demain, avec des vieux qui seront une ressource et non une charge. Une véritable avancée vers une société « durable ».
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...
Bravo pour cette vision de la société qui est exacte de bout en bout
Que d'énergie déployée non comptabilisée et qui pourtant met de l'huile dans les rouages