Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 04 Juillet 2019
La question des violences à l’école revient à l’ordre du jour… Les facteurs sont multiples, et il serait bien présomptueux de proposer une solution définitive à ce problème, mais il existe des voies de progrès, qui pourraient l’atténuer, notamment la qualité des bâtiments scolaires.
Il n’est pas nécessaire d’adhérer au concept d’architecture émotionnelle popularisé dans les années 1950 par Mathias Goeritz pour comprendre que l’architecture influence les ambiances et les modes de vie. C’est particulièrement vrai dans les établissements accueillant des publics fragiles, déstabilisés ou inquiets, en sentiment d’insécurité, quelle qu’en soit la cause.
1 - Les lieux d’enseignements, de la crèche à l’université, font partie de ces établissements
Avec en plus une mission de socialisation dans un monde en perpétuelle évolution, et de plus en plus ouvert. Consciemment ou non, l’architecture traduit une conception éducative, présente dans l’esprit des commanditaires des constructions. Le gradient est large entre des visions très sécuritaires, ou l’important est la facilité à surveiller, et la vision sécurisante où les élèves peuvent trouver des lieux plus intimes qu’ils pourront s’approprier. L’examen des cahiers des charges d’établissements récents montre une grande variété, où les discours sécuritaires et pédagogiques se confrontent, chacun avec sa légitimité. La question de l’agressivité des élèves trouve un écho dans cette confrontation, avec quelques contradictions que chacun pourra imaginer : un établissement très sécuritaire ne risque-t-il pas de susciter plus d’agressivité, et un autre plus accueillant de laisser se développer des comportements délictueux ? Entre le panoptique quasiment carcéral et un ensemble de cellules autonomes, comment organiser les établissements pour obtenir à la fois plus de sécurité, plus de sérénité, une socialisation plus efficace et de meilleurs résultats scolaires ?
La réponse n’est évidemment pas exclusive, mais un facteur clé apparaît : la qualité de la vie dans les établissements, à laquelle contribuent grandement les locaux. Une qualité porteuse de sécurité pour toute la communauté scolaire, et une ambiance propice à un travail fructueux. L’échec scolaire est source d’agressivité, et la réussite d’apaisement. Un double dividende qui n’est pas donné d’avance, mais qu’il convient de rechercher dans l’organisation des locaux comme dans leur qualité technique.
Dès les premières opérations HQE dans les lycées, comme à Calais avec le lycée Léonard de Vinci, situé à proximité d’une zone sensible, la corrélation entre qualité des locaux, résultats scolaires et attitude des élèves avait été mise en évidence.
2 - Il n'y a pas de mystère. Au bureau comme à l'école, de bons locaux donnent de bons résultats
Un écart de productivité de 15% a été évalué entre des bureaux ordinaires et ceux qui sont bien éclairés, bien ventilés, bien traités du point de vue acoustique et thermique. La qualité des ambiances et de l'environnement au travail est un facteur de performance. On connait par ailleurs le souci des organismes sociaux d’offrir à leurs visiteurs des espaces de qualité, lumière, confort, lutte contre toute impression d’enfermement, pour éviter que le malaise et l’inquiétude qu’éprouvent une partie d’entre eux ne se transforme en agressivité.
Dans les écoles, à tous les niveaux, de nombreuses études portant sur la lumière, l'acoustique ou la qualité de l'air montrent l'impact des locaux sur la capacité de concentration des élèves. La sérénité offerte permet des relations apaisées. Elle diminue la fatigue et le stress, et par suite l'agressivité, pour le bonheur des élèves et des professeurs. La question posée aujourd'hui sur les violences à l'école ne trouvera pas de réponse uniquement par une action sur les locaux, pour les rendre plus accueillants, plus calmes, et baignés de la lumière du jour. Mais c'est un facteur important qui mérite d'être valorisé.
3 - C'est de la bonne pédagogie, et de la bonne économie
Bonne pédagogie car l’école est en elle-même une leçon de chose et un support pour l’enseignement ; bonne économie, car de meilleurs locaux seront moins dégradés, les résultats scolaires seront plus favorables, les enseignants et le personnel technique seront moins fatigués et moins malades : autant d'avantages qui justifient largement les investissements nécessaires pour assurer cette qualité.
Le double dividende n'est pas loin, surtout si on ajoute les économies d'énergie qui feront aussi du bien à la planète. Le durable est rentable, qu’on se le dise !
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...