Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Laissant maintenant de côté les aspects énergétiques vus comme des sources d'incohérence, nous allons aborder une autre source de désordre, probablement la plus importante : l'instabilité normative. Dans une des lettres précédentes, j'ai essayé de fournir des éclaircissements sur le classement des normes, en insistant sur la différence entre les normes dites NF et celles dites NF DTU, ces dernières ayant pris la suite des DTU. Afin de répondre aux demandes fréquentes d'information je vous ai présenté les principes des normes NF DTU, et leur logique. En insistant sur la différence entre les spécifications concernant les composants (les normes NF) et les spécifications concernant les installations (les normes NF DTU). Malheureusement j'ai été un peu trop optimiste.
Que voulez-vous dire par là ?
Dans ma lettre j'ai indiqué : "alors que la majorité des corps d'état ont réussi à respecter la différence de principe existant entre NF et NF-DTU (différence entre produit d'une part, et conception-installation d'autre part )…". Ce faisant je pensais surtout à la plomberie et aux installations sanitaires. Hélas, là aussi, le désordre est survenu : à côté du DTU "installation" est venue récemment s'intercaler une norme européenne nouvelle pour le dimensionnement.
Que s'est-il passé ?
Il existe, depuis longtemps, pour le sanitaire, un document technique unifié le DTU 60.11, transformé en norme assez récemment (NF P 40-202) : une norme "NF-DTU". Son titre est clair : "Règles de calcul des installations de plomberie sanitaire et des installations d'évacuation des eaux pluviales". Il s'agit donc bien d'un DTU, venant en complément de normes concernant les composants. Malheureusement la normalisation vient de plonger dans une certaine confusion.
Qu'est-il arrivé ?
Il existe, au niveau européen, une norme en cours de développement (NF EN 806) concernant les installations d'eau destinée à la consommation humaine, norme devant comprendre cinq parties. La troisième partie, concernant - hélas - le dimensionnement, a été récemment publiée (Juin 2006) et vient créer quelques confusions avec le DTU 60.11. C'est, en tous cas, une contradiction manifeste aux principes de séparation entre les normes et les normes DTU que j'avais annoncée. J'ai néanmoins tenté de voir ce qu'en étaient les conséquences pratiques sur le plan du dimensionnement. Outre le désordre dans les principes - qui, déjà, me choquait - je n'étais pas encore au bout de mes peines.
Qu'entendez-vous par là ?
Cette nouvelle norme européenne comporte un sous-titre très séduisant : "dimensionnement - méthode simplifiée". Et c'est bien de cela qu'il s'agit. Avec l'introduction d'un nouveau concept, un peu fumeux, celui de "charge", que vous mesurez avec une nouvelle unité : le "LU". Chaque terminal sanitaire est caractérisé par ses LUs, de 1 [LU] pour les lavabos à 15 [LU] pour les robinets de chasse (DN 20). Pour chaque tronçon du réseau sanitaire vous calculez la charge en faisant la somme des LU des terminaux desservis à l'aval. C'est très simple, des tables vous indiquant, en fonction de ces LU et du type de canalisation, le diamètre à adopter. J'ai donc essayé d'appliquer cette procédure, à priori assez séduisante, en dehors de toute critique concernant les confusions juridiques éventuelles.
Quels furent vos résultats ?
Je l'ai d'abord appliquée à un service d'eau froide : la procédure est effectivement simple et rapide. Bien entendu, les résultats ne sont pas ceux que vous donne le DTU 60.11. Mais ce n'est, hélas, pas tout. Car je devais avoir d'autres surprises : d'abord que la méthode ne permettait pas de calculer les boucles d'eau chaude. Et qu'elle ne permettait pas, non plus, de calculer les réseaux d'eaux usées. En fin de compte je ne vois pas très bien à quoi cette nouvelle norme peur servir, indépendamment du désordre qu'elle institue. Sauf peut-être pour les maisons individuelles (sans boucle d'eau chaude).
Comment vivre ces restrictions ?
Conscient du caractère un peu simpliste de la méthode les auteurs de la norme européenne insistent sur le fait qu'elle ne doit être utilisée que pour certains types, très simples, d'installation. En renvoyant aux méthodes "nationales" pour les cas généraux. Soit huit règles différentes (pour huit pays), dont le DTU 60.11 pour la France. Dans ces conditions la norme européenne offre vraiment un intérêt très limité. De toutes façons vous devrez faire appel à d'autres textes pour la boucle d'eau chaude et pour les eaux usées.
Roger CADIERGUES