Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Dans la précédente lettre nous avons tenté d'expliquer pourquoi notre vrai critère de choix énergétique devrait être le dégagement de CO2, et non pas la consommation d'énergie primaire. Ce n'est malheureusement pas aussi facile que l'on peut penser au premier abord.
La semaine dernière vous nous aviez promis un exemple ?
De nombreux pays tentent actuellement de virer leurs spécifications ou leurs actions, vers une réduction des dégagements de CO2, abandonnant plus ou moins l'idée de se concentrer simplement sur la réduction des consommations énergétiques. Il se crée un nombre croissant d'agences plus ou moins publiques, ainsi que de méthodes d'évaluation (informatisées ou non) dont l'objectif est de parvenir à une réduction drastique des dégagements de CO2. C'est ainsi que, grâce au maire de Londres, l'Autorité du Grand Londres a créé une "Climate Change Agency" dont tous les raisonnements sont basés sur une réduction progressive, et drastique des dégagements de CO2 dans l'ensemble urbain concerné. En fait ce n'est que le prolongement, avant la lettre, de la décision du (alors futur) Premier Ministre britannique (Gordon Brown), annoncée en Décembre 2006. Décision qui est de réduire au "zéro-carbone" toutes les nouvelles constructions d'ici 2016. Je suis convaincu que ce mouvement prédominera en Europe ces cinq à dix prochaines années. A cet égard l'action londonienne n'est donc pas sans intérêt.
Peut-on en savoir un peu plus ?
Sans aucun doute, d'autant que les affirmations officielles sont parfois contrées par des affirmations contraires mais valables. C'est ce qui rend l'examen de cet exemple intéressant.
De quoi s'agit-il ?
Il y a, par exemple, la prétention de l'agence londonienne de réduire le dégagement de CO2 de 54 % en remplaçant la production d'électricité centralisée (le réseau actuel) par une production combinée (co-génération) locale. Malheureusement le dossier repose sur des données qui sont assez critiquables, la critique la plus significative, mais aussi la plus constructive, venant d'un directeur d'une des grandes firmes britanniques d'ingénierie (Arup). L'intention de ce dernier n'est évidemment pas de critiquer à tous prix, mais de remettre les données en place. Par exemple l'agence londonienne base son raisonnement sur une production centralisée d'électricité au charbon (inexact), et sur des pertes de distribution des réseaux exagérées (23 % alors que la réalité statistique est de 7,5 %). Si je prends cet exemple c'est pour bien montrer qu'il faut analyser le détail des dossiers avant de conclure, même si les conclusions sont "officielles". Mais la remise en cause ne se limite pas là..
Que voulez-vous dire ?
Sans vouloir accuser l'Agence londonienne de parti pris, comparons les conclusions
de cette agence et de l'expert extérieur. Alors que l'Agence démontre
que le système le plus efficace (sur le plan CO2) est la co-génération
locale à partir de gaz naturel, l'expert (sur la base de données
statistiques officielles en ce qui concerne le réseau électrique) démontre :
- qu'une pompe à chaleur sur le réseau rejette moins de CO2 qu'une
co-génération locale,
- que si l'on utilise pour source de chaleur la biomasse et le solaire on produit
encore moins de CO2.
Mais ce n'est pas tout, car reste la " tri-génération ".
Que voulez-vous dire par là ?
Convaincue que l'accroissement de l'effet de serre, combiné avec d'autres éléments, conduira à fournir à la fois, de l'électricité, du chauffage et du rafraîchissement, l'Agence londonienne a étudié le montage consistant à coupler une co-génération avec une machine frigorifique à absorption : la "tri-génération" (électricité + chaleur + froid). Le résultat de l'Agence londonienne (en CO2) est très favorable à la cogénération locale. Or, les résultats de l'expert sont exactement contraires.
Est-ce si important ?
Absolument, puisque les résultats sont les suivants : selon les calculs
justifiés de l'expert, avec la génération locale (pourtant
prônée par l'Agence) on rejette 23 % de plus de CO2 que si on utilisait
le réseau général de distribution électrique. Si
je donne ces chiffres ce n'est pas pour prendre une position générale,
mais pour montrer à quel point il faut être prudent dans les calculs
de CO2. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas les poursuivre, bien au contraire.
Roger CADIERGUES