Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Quand vous examinez ce qu'exige la réglementation énergétique française, la britannique, l'allemande, ou toutes autres, vous ne pouvez qu'être frappé par certaines divergences des modes d'expression et de calcul, y compris d'ailleurs en France entre la RT et les diagnostics (DPE).
Tous ces règlements sont pourtant issus de la même directive européenne
Absolument, mais ils n'expriment pas tous les objectifs de la même façon. Regardez la RT 2005 : les objectifs sont exprimés en énergie primaire, avec des coefficients de calcul dont je reparlerai plus loin. Regardez le DPE (le diagnostic) : les coefficients sont différents, et le CO2 apparaît.
Cela mérite des explications …
Reprenons d'abord les règles RT. Elles expriment les objectifs en consommation
d'énergie primaire par an. Pour ce faire les consommations physiques
probables sont multipliées par ce que la RT appelle le "coefficient
de transformation en énergie primaire". Avec les valeurs suivantes
:
- 2,58 pour l'électricité, photovoltaïque inclus ( ??),
- 1,00 pour les autres sources : bois, charbon, fioul et même réseaux.
Si vous vous aventurez hors de France vous allez trouver des coefficients différents,
par exemple en Angleterre :
- 3,82 pour l'électricité,
- 1,03 pour le charbon, 1,07 pour le gaz naturel, 1,09 pour le fioul, 1,38 pour
les combustibles solides "manufacturés", 1,42 pour le gaz de
ville.
Pourquoi de tels chiffres ?
Dans la plupart des cas - en excluant pour le moment l'électricité - l'explication des chiffres autres que ceux de la RT tient à la prise en compte de ce que nous allons appeler les énergies grises, celles qui sont consommées en préparation, transport et livraison des énergies. Dans le cas de l'électricité il est, en plus, tenu compte du caractère "indirect" de cette énergie et de la consommation au niveau des centrales (en combustion). Dans ce cas il n'est évidemment pas étonnant que le chiffre soit différent selon les pays. De toutes façons, et dans tous les cas, c'est un peu court comme caractéristique d'émission de CO2, une émission qu'il vaudrait mieux évaluer directement et correctement, la part due aux énergies grises étant bien entendu comprise. Ceci dit les coefficients de transformation peuvent manquer. L'une des techniques les plus simples consiste à faire usage des données adoptées pour le Diagnostic de Performance Energétique (DPE), figées par arrêté, lequel indique les coefficients de conversion à utiliser pour passer du kilowattheure d'énergie primaire au kilogramme de CO2 émis … mais sans tenir compte (à mon avis) des énergies grises.
Cela résout-il votre problème ?
Oui et non, car il reste un manque dans le bilan, manque curieusement passé sous silence un peu partout et dans tous les pays, sans doute parce qu'il est assez difficile d'en tenir compte. Je m'explique. Lorsqu'on rédige des obligations en matière d'isolation thermique, il est bien évident que le contenu énergétique des isolants est passé sous silence. Dans ces conditions, est-ce que le dernier centimètre d'isolant est bien énergétiquement rentable. La difficulté est analogue à celle ayant conduit à la procédure d'actualisation dans les calculs financiers. L'isolant étant un investissement, et non pas une consommation, il faut convenir d'une durée d'amortissement, 30 ans par exemple.
Cela peut-il avoir des répercussions pratiques ?
Supposons qu'il soit possible d'intégrer l'amortissement, reste le fait qu'il soit souvent assez difficile de déterminer le contenu énergétique de tel ou tel matériau, transport et pose compris. J'avoue que nous manquons de données, les quelques évaluations que j'ai pu faire sur les vitrages isolants montrant toutefois clairement qu'il faudrait s'expliquer sur ce sujet, le contenu énergétique à amortir semblant très significatif, au moins pour les (triples) vitrages isolants, les plus performants. Malheureusement les données me manquent pour être plus précis. Quoi qu'il en soit nous pourrons revenir aux émissions elles-mêmes : c'est ce que je ferai la semaine prochaine.
Roger CADIERGUES