Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Les textes, volontairement ou involontairement lénifiants, que propage la presse à partir d'informations plus ou moins officielles, risquent de créer des situations délicates. Avec, en plus, l'inconvénient de dévaluer complètement des messages qui étaient pourtant valables à l'origine.
Que voulez-vous dire par là ?
Quand on parle de "maisons passives" ou de "maisons positives", la plupart des lecteurs imaginent vite qu'il n'y a plus besoin de combustibles pour se chauffer, ou plus besoin d'électricité facturée pour faire marcher l'éclairage, la télévision ou tout autre appareil du même genre. C'est un peu le rêve de tout journaliste en quête de miracle que de citer de telles réalisations. Surtout si elles viennent d'Allemagne, réputée pour être très en avance. Qu'en est-il réellement ? Si les avantages sont surfaits que se passera-t-il ? La réponse dépend de la question posée : "puis-je me passer de chauffage ? ", ou bien "puis-je fabriquer mon électricité moi-même ?".
Prenons donc la première question : puis-je me passer de chauffage ?
Pour y répondre je vais prendre l'exemple d'une publicité parue
en Décembre dernier en Angleterre. Cette publicité est celle de
maisons livrables rapidement, composées de modules assemblables très
simplement. Constituées de cellules fortement isolées, elles "évitent les déperditions de chaleur".
De ce fait la réalisation, bien ensoleillée à priori, peut
être dite "maison passive". Dans le cas que je cite le seul
chauffage prévu (supposé quasi-inutile) est celui d'une cheminée
centrale. Partant de là, tout peut arriver :
- que l'occupant soit finalement obligé de consentir des dépenses
non négligeables en bois de chauffage,
- que, pourtant, la maison risque - dans certaines pièces - d'être
mal chauffée, surtout par grands froids,
- que l'occupant risque finalement, tôt ou tard, d'être induit à
introduire des convecteurs électriques, une situation que nous avons
déjà connue dans le cas d'insuffisance réglementée
du chauffage.
Notez bien que je ne critique pas l'idée du montage modulaire, j'indique
seulement qu'il y aura sans doute quelques surprises pour les acheteurs si les
opérations se déroulent dans le cadre que j'ai décrit.
Vous aviez soulevé une deuxième question : puis-je fabriquer mon électricité moi-même ?
Il s'agit surtout, dans ce cas, des "maisons positives", dans lesquelles l'énergie électrique produite (par du photovoltaïque en général) équilibre numériquement tous les besoins de la maison. Dans beaucoup de pays européens cette possibilité de se fabriquer son électricité soi-même est devenue une "vérité universelle". En fait, de quoi s'agit-il ? En général d'une production locale d'électricité revendue aux fournisseurs habituels par l'intermédiaire du réseau public, l'opération bénéficiant par ailleurs de plus ou moins fortes subventions. Cette production locale d'électricité est le thème favori de certains pays, mais d'autres positions peuvent être adoptées. Selon les pays c'est d'ailleurs le localisé ou le centralisé qui l'emporte, mais on ne voit jamais très bien pourquoi. L'exemple récent le plus caricatural à cet égard est celui de la Grande-Bretagne.
De quel exemple voulez-vous parler ?
De trois démarches complètement contradictoires. Voyons d'abord la première, celle défendue en Grande-Bretagne par l'organisation regroupant les structures intéressées par le développement des énergies renouvelables, le RAB (Renewables Advisory Board). En se basant sur la décision gouvernementale selon laquelle la Grande-Bretagne devrait être "zéro-carbone" en 2016, le RAB considère que les productions combinées à base de biomasse et le solaire photovoltaïque seront alors inévitables. Pour ce faire, dans la foulée, le RAB demande : que l'Etat encourage les autorités locales à stimuler l'usage des énergies renouvelables localisées, que l'Etat limite impérativement la production centralisée d'électricité, et que l'Etat aide à accélérer le développement technique et commercial des productions combinées locales à base de biomasse, Vous noterez que tout ce qui est prévu à la charge de l'Etat, y compris financièrement. Petit miracle : dans le cas de réponse gouvernementale positive le RAB prévoit que le chiffre d'affaires annuel de l'activité "énergies renouvelables" atteindra alors, après quelques années, 3 milliards de livres (soit plus de 4,5 milliards d'euros) par an. Vous comprendrez aisément que l'Etat anglais n'ait toujours pas répondu positivement
Vous parliez également de d'autres démarches contradictoires de la précédente ?
Effectivement. L'une concerne le retour à un équipement nucléaire (en cours en Grande-Bretagne). L'autre prévoit un recours très important à l'éolien : je reviendrai sur le second la semaine prochaine.
Roger CADIERGUES