Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
18 Mai 2009
Dès qu'il s'agit de sujets sensibles - le nucléaire par exemple - nous assistons à une double déformation de l'information que, personnellement, je regrette : d'une part l'information d'origine publique (gouvernementale) toujours pleine de " pudeur ", d'autre part l'information qui se veut écologique (les " verts "). Le grand défi du nucléaire c'est la gestion des déchets. En fait, il y a souvent mélange des problèmes alors qu'il ne faudrait pas confondre les risques : le sol contient presque partout des produits radioactifs, et nous-mêmes le sommes un peu. Comment peut-on faire face à cette situation ? Y a-t-il urgence ?, telles sont les vraies questions auxquelles ne répondent pas vraiment les deux interlocuteurs dont je viens de parler.
Quelle est votre réponse ?
Examinons d'abord, sereinement, le problème. Il existe, dans le sous-sol naturel, hors de certaines zones géologiques beaucoup plus rares qu'on ne le dit, de nombreux minéraux contenant un peu d'uranium ou d'autres éléments radioactifs. Dans la pratique, et sauf cas très particulier, la conséquence en est, non pas cette présence de roches émettrices mais le dégagement de gaz radioactif se propageant vers la surface : le radon. Etant bien entendu que je mets de côté la pollution radioactive des eaux souterraines, et les précautions qu'il faut naturellement prendre dans les distributions d'eau. Si nous nous limitons au cas de la pollution de l'air, et au radon, la situation est assez complexe, en ce sens que les dégagements de ce gaz sont très variés géographiquement, ce qui est dû aux hasards géologiques locaux (à quelques décamètres près) plus encore qu'aux situations géologiques globales.
Sur quelles bases repose votre affirmation ?
Dans de nombreux cas que j'ai pu examiner - sans prétendre qu'il s'agit là d'une règle universelle - le dégagement de radon semble fortement atténué par la présence, en surface, de terre végétale. Ce qui expliquerait, d'ailleurs, que les taux de dégagement soient très variables en quelques mètres seulement. D'autant que des roches, probablement à l'origine plus profondes, se retrouvent parfois en surface ou proches. Il y a plus d'une quarantaine d'années, face aux annonces euphoriques sur le prix des minerais d'uranium, bien des " chercheurs de trésor " ont commencé à travailler au compteur Jaeger, les roches radioactives devant leur apporter la fortune. Hélas il fallut souvent déchanter, mais les pierres testées sont restées en place, en surface. Je ne serais pas surpris que ces roches inutilisables aient été prises récemment pour des déchets nucléaires.
Mais on ne peut pas confondre les deux ?
Détrompez-vous, et je vais prendre un exemple du genre de confusions qui nous guette. Il y a quelques années j'ai reçu un coup de téléphone d'un directeur de centrale nucléaire. Ce directeur était très inquiet, pour ne pas dire un peu paniqué. Il avait fait contrôler - et re-contrôler - tous les équipements de la centrale, et constaté qu'ils étaient bien confinés, sans aucune émanation apparente. Et pourtant on constatait une certaine radioactivité dans la centrale. Face à cette demande j'ai simplement indiqué qu'il fallait se pencher sur les émanations de radon venant du sous-sol, et ce indépendamment de tous les équipements nucléaires de la centrale. C'était très simple, mais n'avait pas été indiqué au responsable. Après contrôle je n'ai plus eu ce directeur au téléphone.
Est-ce tout sur le nucléaire ?
Absolument pas. Il se trouve que j'ai été concerné, au début des années 1950, par " l'atomique ", ayant eu l'idée (un peu saugrenue) de faire appel à des traceurs radioactifs pour les mesures de renouvellement d'air (au lieu de l'hydrogène et de l'hélium alors utilisés). Le Commissariat à l'Energie Atomique m'a accompagné dans cette démarche et permis des faire les premiers essais sur la première pile atomique française (celle de Châtillon). La méthode était bonne, mais son application bien trop dangereuse pour être utile. Ce n'était pas mes dernières déconvenues sur l'atomique (qui n'était pas encore le " nucléaire ").
Quoi encore ?
Quelques années plus tard les grandes entreprises du génie climatique
alertées par l'information américaine d'un " très
proche " développement du chauffage urbain nucléaire, m'ont
demandé de suivre cette information de près, en liaison avec le
CEA. Il m'a fallu reprendre mes études, comme auditeur libre au sein
de l'Institut des Etudes Nucléaires. Avec, bien entendu, un constat d'échec
final : le chauffage urbain nucléaire doit être désormais
oublié. Ceci dit, je vais - la semaine prochaine - abandonner le nucléaire
pour me consacrer au "remède miracle" : le solaire.
Roger CADIERGUES