Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
8 Juin 2009
La conception même des pompes à chaleur, en vue d'obtenir une performance satisfaisante à tous les régimes (et pas seulement aux conditions d'essai) est un vrai défi qui est beaucoup trop souvent occulté. J'ai souligné cet aspect la semaine dernière, je vais maintenant essayer de l'approfondir. La première difficulté tient à la prise en compte de la thermodynamique, un domaine globalement jugé comme académique … et pourtant essentiel. Alors que la présentation classique et scolaire en est, à mon avis, assez lamentable.
Tous les bons cours de froid commencent pourtant par là ?
C'est exact. Moyennant quoi on vous assène les deux principes fondamentaux de la thermodynamique, mais en oubliant de vous dire que ce qu'on vous raconte est très théorique, et très malcommode à appliquer dans la conception des produits. Le premier principe - celui de la conservation de l'énergie - ne pose pas de problème, mais c'est le second principe que je mets en cause, alors qu'il est le plus souvent cité. Il vaut mieux vous y prendre autrement que de chercher à l'utiliser. Cela ne date pas d'aujourd'hui, mais les démarches les plus utiles sont très souvent passées sous silence. C'est d'autant plus irritant que, pour l'essentiel, la bonne manière de faire date de 1889 et d'un article de Marcel Gouy, dans le Journal de Physique. Gouy a fort intelligemment développé le concept " d'énergie utilisable ", qu'on désigne malheureusement aujourd'hui par un terme savant, mais peu explicite : l'exergie.
Peut-on avoir une idée de la démarche que vous citez ?
Pour rester simple disons que l'énergie de tout système peut être
" coupée " en deux :
- la part utilisable (au sens de Gouy) l'exergie, transformable
en toutes formes d'energie,
- et la part complémentaire (l'anergie), correspondant
à l'énergie qu'on ne peut pas transformer.
C'est cette analyse que le concepteur doit d'abord maîtriser, et ce, aux
différents régimes de fonctionnement afin de bien définir
l'usage du matériel à l'étude. Prenons l'exemple d'une
unité qui consomme, à partir d'un moteur (donc sous forme exergétique),
l'énergie 100, et voyons quelles sont les consommations (les pertes,
qui sont des anergies) : par exemple 23 au compresseur, 11 au condenseur,
14 au détendeur, 8 à l'évaporateur. Face à ces anergies
(dont le total vaut 56) le reste (44) représente l'exergie finale.
C'est à ce type d'analyse que le concepteur doit se livrer, en essayant
de répartir toutes les consommations (toutes les anergies) au mieux.
C'est en obtenant les exergies maximales à chaque stade que les meilleurs
résultats sont obtenus. Malheureusement les résultats aux différents
stades ne sont pas indépendants les uns des autres.
N'est-ce pas un peu trop complexe pour l'utilisateur courant ?
Si, bien sûr. Et ce genre d'exercice doit être réservé au concepteur du produit : la pompe à chaleur finale. Et ce, avec une étude complète de ses performances à tous les régimes. Pour la majorité de nos intervenants il n'y a à connaître que le résultat, mais il est très important que le concepteur de la pompe à chaleur ait exactement pris conscience de l'importance des démarches, celles que nous venons de présenter très sommairement. Ceci dit les conceptions se sont beaucoup améliorées, et les pompes à chaleur connaissent un succès croissant, les livraisons ayant nettement plus que doublé entre 2007 et 2008, l'animation - en France - étant assurée par l'Association Française pour le développement des pompes à chaleur (AFPAC). Je clôturerais ici ces considérations sur les pompes à chaleur, bien qu'il y ait encore beaucoup à dire. Nous y reviendrons éventuellement.
Roger CADIERGUES