Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
25 Octobre 2010
On parle de plus en plus, du compteur électrique « intelligent ». Avec des querelles sérieuses sur son intérêt, et surtout sur son coût face aux avantages qu’on peut en attendre. Au point que le président de la Commission de régulation de l’énergie a cru bon de monter au créneau pour défendre ce nouveau compteur. Et ce pour défendre l’initiative selon laquelle 35 millions de foyers français devraient être équipés de ce compteur à 120€ l’unité (payables par le foyer concerné). La discussion telle qu’elle est engagée est souvent absurde.
Que voulez-vous dire par là ?
D’abord qu’il est inacceptable d’appeler « intelligent » un tel compteur, en particulier tel qu’il se présente actuellement : il s’agit d’un télécompteur (ouvert à l’usager) et non pas d’une entité intelligente. Le qualificatif « intelligent » qu’on nous propose emprunte en fait son nom à des démarches en cours depuis plusieurs années.
De quelles démarches voulez-vous parler ?
Depuis plusieurs années, sous l’impulsion (à ma connaissance) des USA, on parle – comme d’un miracle – des réseaux intelligents d’électricité (smart grids). A un point tel qu’il y a environ trois à quatre ans le gouvernement américain a lancé (et financé) un programme de recherches (in situ) sur ce sujet. Notons en passant que les réseaux électriques américains souffrent de nombreux défauts et que les smart grids ont surtout pour objet (aux USA) d’éliminer ces défauts, défauts qui n’existent pratiquement pas en Europe. Aux USA il s’agit d’abord d’améliorer sensiblement la prestation d’un grand nombre de fournisseurs d’électricité, souvent un peu défaillants. En s’élargissant au monde entier, la grande revendication du compteur dit intelligent est de procurer des économies finales d’énergie. En fait c’est totalement contestable.
Que voulez-vous dire par là ?
Qu’on ne voit pas très bien comment il pourrait en être autrement. Il est évidemment absurde de penser que chaque usager va, chaque minute, regarder son compteur pour voir ce qu’il consomme … en particulier quand il n’est pas là.
L’action telle qu’elle est envisagée n’est-elle pas seulement expérimentale ?
Apparemment non, et l’on ne nous parle pas des expériences déjà engagées telles que celles d’Indre-et-Loire. Ce qu’on sait un peu mieux ce sont les résultats constatés avec ces compteurs dans les pays voisins ayant déjà tenté l’expérience, et ce en particulier grâce aux études de Sarah Darby, chercheur à l’université d’Oxford. Cette dernière, très orientée « réseaux intelligents », a passé une grande partie de son temps depuis plusieurs années à sonder les résultats obtenus avec ces nouveaux compteurs en Californie, en Italie et en Suède. Ses conclusions sont claires (et on ne voit pas pourquoi il en serait autrement) : de tels compteurs sont sans influence sur le comportement des usagers et sur la consommation d’énergie : ils servent simplement à améliorer le service fourni par les distributeurs d’électricité (they are not usually used to help customers consume less energy, but as tools to provide utility suppliers with accurate bills).
Votre position, très négative, ne sonne-t-elle pas la mort des réseaux intelligents ?
Pour développer sainement cette nouvelle technique, il faut tirer un trait (au moins temporaire) sur les télécompteurs purs et simples tels qu’on tente de les implanter actuellement : il faut chercher ailleurs. En arrêtant l’opération absurde en cours, qui ne donnera rien : j’y reviendrai plus en détail la semaine prochaine. J’ajouterai, au moins pour la France, la recommandation suivante : rendons d’abord notre organisation intelligente avant de créer des réseaux dits intelligents. J’y reviendrai également la semaine prochaine.
Roger CADIERGUES