Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
7 Juin 2010
C’est du moins l’idée que tendent de lancer les défenseurs de cette énergie. Suivis en cela par une foule de journalistes. Encore faut-il voir plus en détail ce dont il s’agit …
Pouvez-vous vous expliquer ?
Pour cela je pense qu’il faut prendre un peu de distance. Et voir le pourquoi des positions parlementaires : on peut en déceler l’origine dans un rapport d’excellente qualité établi par une commission d’enquête parlementaire sous le titre « L’énergie éolienne ». Ce rapport, paru très récemment (Avril 2010), résulte d’une très profonde enquête, et analyse aussi bien les aspects administratifs et juridiques que les aspects techniques. Sur le plan juridique et administratif, l’étude porte en particulier sur la réaction parfois fort négative des voisins d’éoliennes, une réaction d’ailleurs très difficile à cerner.
Qu’entendez-vous par là ?
Je vais prendre un exemple personnel. Je longe périodiquement le vaste champ d’éoliennes installé dans la Beauce près des bords de l’autoroute : j’ai toujours trouvé que ces éoliennes dispersées au milieu des champs étaient très réussies, d’autant qu’elles épargnent les habitations qui se trouvent relativement éloignées. Or, dans le rapport parlementaire cité plus haut, je lis la contribution suivante de Valéry Giscard d’Estaing à propos de ses voyages : « Le second (voyage) réalisé en TGV de Vendôme à Paris offrait le spectacle d’éoliennes réparties de manière diffuse dans la Beauce agricole ruinant ainsi la paysage ». Or il s’agit des éoliennes que je trouve personnellement « très réussies ». Comment voulez-vous arbitrer ?
N’est-ce pas un cas très particulier ?
Absolument pas, et c’est ce qu’on constate très systématiquement : impossible de mettre d’accord les réactions paysagères sur les éoliennes, même en évitant les voisinages excessifs. Il était inévitable que le Parlement constate cette situation. Et, comme le Danemark assez récemment, il est normal que le Parlement veuille limiter les insertions mal contrôlées, et privilégie la création de « zones éoliennes » de grande puissance situées dans des sites sélectionnés. Il faut bien en voir les conséquences : on ne pourra pas installer des éoliennes disparates un peu partout, même si on respecte les distances aux habitations. Tous les pays, d’ailleurs, en sont là. Et, si le Parlement, n’intervenait pas dans ce litige, il serait à craindre que des conséquences juridiques sérieuses en résultent. On les a crues longtemps négligeables, mais quelques affaires récentes démontrent qu’il n’en est rien. Les premières plaintes actuelles portent sur les pertes de valeurs (constatées) d’habitations voisines d’éoliennes. Un exemple : celui d’un vendeur ayant dissimulé l’existence d’un projet de création de parc éolien au voisinage (6 éoliennes classiques de 121 m de haut, à 1 100 mètres de l’habitation concernée). Tous ces litiges ont vu les indemnisations liées au voisinage d’éoliennes confirmées par les tribunaux.
Est-ce suffisant pour condamner l’éolien ?
D’abord il ne s’agit pas d’une condamnation, mais d’une exigence de discipline. D’autant qu’on peut éventuellement y ajouter le risque de nuisances sonores. La discipline, en cours de discussion au Parlement, est donc la bienvenue, même si elle est gênante pour les protagonistes de cette énergie. D’autant que certaines incitations indirectes vont disparaître.
De quelles incitations voulez-vous parler ?
Aujourd’hui deux « intervenants » sont financièrement concernés par l’implantation d’éolienne : le propriétaire du terrain (où l’éolienne s’installe) et la commune en dépendant (qui perçoit des impôts en conséquence). C’est d’ailleurs à ce dernier intervenant que je voulais faire allusion. Jusqu’ici chaque commune concernée percevait un impôt non négligeable (la taxe professionnelle), dont le montant atteignait facilement plus de 50 000 euros par an par éolienne. Désormais cette taxe sera supprimée, et remplacée par une taxe beaucoup moins généreuse (au maximum de l’ordre de 5 000 euros par an par éolienne). Vous comprendrez aisément les inquiétudes de ceux qui ont fondé leur espoir sur des éoliennes réparties un peu partout.
Tout cela signifie-t-il que le rapport parlementaire dont vous parliez conduira à minimiser l’éolien ?
A discipliner oui, à supprimer ou réduire drastiquement non. La qualité du rapport parlementaire dont je parle repose d’ailleurs sur un examen complet. C’est, à mon avis, d’ailleurs la première fois qu’une équipe officielle française étudie avec soin l’exemple du Danemark. Opération facilitée, dans le cas particulier, par une réception de la mission parlementaire par le ministre danois du climat et de l’énergie (Mme Lykke Friis). C’est très important, et nous reviendrons sur le Danemark la semaine prochaine.
Roger CADIERGUES