Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
31 Mai 2010
Je vous ai entretenu, en particulier ces derniers mois, des conditions dans lesquelles se prépare la nouvelle réglementation « thermique » dite RT 2012. En soulignant la fragilité de certaines décisions, mais en admettant – sans pouvoir rien y faire - que les décisions prises au Grenelle 1 de l’environnement soient respectées. Or la situation évolue, et il est manifestement difficile d’y voir totalement clair.
Pouvez-vous vous expliquer ?
Deux risques de retour en arrière (sans que je porte de jugement) sont à craindre. Le premier est purement matériel : lors des débats à l’Assemblée Nationale sur le Grenelle 2 un amendement a été déposé visant à reporter au 1er Juillet 2001 la date d’entrée en vigueur de la RT 2012 dans le secteur non résidentiel. Le secrétaire d’Etat au Logement, tout en acceptant le principe, souhaite que cette date soit simplement fixée par décret. C’est donc un pur et simple problème de calendrier. Qui ne change pratiquement rien aux problèmes nous concernant.
Le second désordre à craindre tient à des incertitudes plus profondes : dans son éditorial du Moniteur du 12 Mars dernier, le rédacteur en chef (Bertrand Fabre) titrait sous forme de question, avec un point d’interrogation souligné : « Grenelle durable ? ». Un éditorial qui contient des commentaires assez surprenants sur l’avenir des décisions à venir. Cela rejoint les critiques que j’ai faites ces derniers mois, mais les éléments réunis dans cette préface du Moniteur font état de plusieurs indices plus inquiétants quant aux propositions du Grenelle 1.
De quels indices voulez-vous parler ?
D’abord des difficultés rencontrées au sommet de Copenhague de Février dernier, les décisions proposées par certains pays, comme la France, ne pouvant être acceptées que si tous les pays adoptent la même discipline. Ce n’est pas encore le cas, pour la taxe carbone par exemple sur laquelle il sera manifestement difficile d’obtenir un accord international. Plus – ce qui est plus inquiétant mais qui traduit bien certaines réactions actuelles fort compréhensibles – la déclaration suivante du président de la République au Salon de l’agriculture : « l’environnement ça commence à bien faire ». En fait tout se passe comme si le volet financier et le volet social du développement durable n’avaient pas été pris en compte dans l’enthousiasme un peu puéril du Grenelle de l’environnement. Un manque sérieux qui commence à marquer les esprits. Le volet scientifique lui-même manque d’ailleurs de solidité, ce que prouve hélas l’action récente de quelques centaines de scientifiques se disant spécialistes du climat (je ne savais pas que nous avions autant de « spécialistes du sujet »). Ils ont décidé, pour arbitrer la querelle sur le réchauffement climatique, de faire appel au ministre chargé de la recherche. C’est là une novation pour le moins curieuse : désormais en cas de divergences scientifiques c’est le ministre qui arbitrera, devenant ainsi « celui qui détient la vérité ».
Est-ce à dire que vous donnez raison aux « climatosceptiques » ?
Nous n’en sommes pas du tout là, mais il faut bien reconnaître que des conclusions scientifiques un peu fragiles, alimentées par des erreurs sérieuses de certains participants du Giec, ont pu ouvrir la porte aux climatosceptiques. Les critiques de ces derniers sont sans doute abusives, mais – au-delà des querelles inutiles – reste une situation qui n’est pas très satisfaisante sur le plan des mesures à prendre. Les décisions politiques semblent un peu trop subjectives. Et souvent, ce qui est plus grave, sans que les décideurs en aient conscience.
Que voulez-vous dire ?
D’abord qu’il faut – au moins pendant quelques années – abandonner l’idée qu’il s’agit de décisions européennes. Depuis cinquante ans chaque pays a mené sa politique énergétique, aboutissant à une certaine efficacité. Exemple : la politique électrique française. Vouloir, dans ce secteur, décider « européen » c’est saboter tous les efforts passés. En fait, au plan de l’Europe, avant de prendre des décisions plus subjectives qu’objectives il eut mieux valu réfléchir. Ceci dit, nous vivons en France, subissant ses conséquences nationales … et ceci ne va pas sans importance. J’y reviendrai donc Lundi prochain.
Roger CADIERGUES