Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
28 Juin 2010
Au-delà des querelles à la mode, et si l’on veut vraiment mener une « politique du futur », je pense qu’il y a - pour l’essentiel et dans les discours actuels plus ou moins complets - quatre « risques» à prendre en compte. Or, sur ce sujet et à mon avis, nous sommes de plus en plus souvent victimes d’erreurs profondes.
Expliquez-vous ?
Prenons le premier « risque », celui de manquer d’énergie. Après bien des tergiversations ma conclusion est que c’est un très mauvais choix que d’axer notre politique sur les économies d’énergie. Le vrai progrès sera de fournir à chacun toute l’énergie dont il peut avoir besoin – sans gaspillage bien sûr. Mais cette énergie devra se faire sans toucher significativement à l’effet de serre. Et sans altérer significativement les ressources. « Faire des économies d’énergie » est donc un très mauvais thème. Voyons donc, plutôt, les autres « risques » …
Quels sont-ils ?
Le deuxième est celui du réchauffement climatique, en abandonnant les querelles actuelles, vaines et inutiles, sur le sujet. Il est à peu près certain que le dégagement de carbone vers l’atmosphère provoque un développement de l’effet de serre. Ce qui me parait délicat c’est de chiffrer ce réchauffement, car les prévisions ne peuvent guère être que statistiques, et régionalisées. Sans que nous soyons capables - au contraire de ce que certains veulent nous faire croire - de pouvoir quantifier, ici ou là, en France ou non, le niveau de réchauffement éventuel en °C. Il n’en reste pas moins que le risque existe, et que les incertitudes ne font qu’en exagérer l’importance. Il me parait donc logique qu’on veuille se prémunir contre ce risque, mais je regrette qu’on en spécifie souvent très mal (et sans nécessité) les conséquences. De toute façon, pour décider valablement des mesures à rendre, il devrait y avoir au moins un troisième risque à prendre en compte : le risque financier.
Croyez-vous vraiment qu’on peut le chiffrer ?
Il y a un certain nombre de Lundis j’ai souligné le caractère aberrant du tarif obligatoire de rachat de l’énergie électrique issue du photovoltaïque. A cette époque nous étions (si je puis dire) à peu près à égalité avec l’Espagne, qui vient d’ailleurs de faire machine arrière. Ce que j’avais souligné c’est que le tarif aberrant pouvait provoquer des mises en place destinées à vendre du courant à partir de panneaux photovoltaïques installés sur des bâtiments ne jouant que le rôle de support. Je ne savais pas si bien dire : fin 2009 un déferlement des demandes de ce type est venu perturber le monde administratif, qui s’est alors mis à crier au scandale. A mon sens, et comme je l’avais déjà souligné bien avant qu’il ne se produise, c’est l’Administration qui était responsable : les protagonistes des installations dites abusivement « scandaleuses » ont tout simplement répondu à un texte officiel, et n’ont en aucune façon réalisé une opération rédhibitoire. Il serait temps, que l’Administration arrête de mettre sur le dos des français ses propres erreurs ou imprudences.
Vous parliez de risque financier, que voulez-vous dire hors de ce cas particulier ?
Je voudrais d’abord qu’on mette sur la table les coûts que représente la nouvelle réglementation thermique. Les promoteurs immobiliers insistent de plus en plus sur la vente de bâtiments basse consommation (BBC). Ils reconnaissent que le passage à cette norme entraîne une augmentation de 8 à 12 % des coûts de construction, ce qui fait en réalité 10 à 15 % par rapport aux constructions traditionnelles. Et tout cela alors que nous connaissons actuellement un rythme de construction de logements très largement déficitaire. Cela ne peut pas durer et, tôt ou tard ce gouvernement ou un autre devra répondre à ce défi financier de plus en plus lourd.
Est-ce à dire qu’il va falloir abandonner les efforts sur la qualité énergétique des bâtiments ?
Absolument pas sous cette forme simpliste, mais ce qui devient plus que jamais essentiel c’est d’optimiser les choix. De mettre par exemple, en concurrence financière, les fortes isolations de bâtiments avec d’autres techniques. A ma connaissance les mesures que je dis « Grenelle de l’Environnement » sont celles de personnes insouciantes des coûts : il faudrait revoir complètement tous les choix dans une étude globale d’optimisation. Ce qui me paraît effarent c’est que ce comportement logique et raisonnable nous le tenions jadis à la Commission du Plan il y aura bientôt cinquante ans : aujourd’hui tout se passe comme si le sujet était sans intérêt. Nous allons pourtant vers un blocage financier qui surviendra bien plus vite que le réchauffement climatique. Je ne veux pas dire qu’il ne faut pas agir : je veux dire qu’il ne faut pas agir n’importe comment. J’y reviendrai la semaine prochaine, avec l’examen du quatrième « risque ».
Roger CADIERGUES