Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
10 Novembre 2011
J’ai eu, l’été dernier, la mauvaise idée d’aborder le nucléaire, ce qui m’a valu bien des reproches. En fait il se trouve que la plupart d’entre eux reposaient sur de mauvaises explications de ma part : c’est ce qui justifie le fait qu’aujourd’hui j’ai décidé de revenir sur ce sujet.
Quelles précisions souhaitez-vous apporter ?
D’abord préciser que, dans la lettre du 16 Mai dernier, je tentais de tirer les conclusions d’une étude effectuée, il y a quelques années, sur la demande de la profession et en liaison avec le Commissariat à l’Energie Atomique, l’objectif étant alors de déterminer l’intérêt éventuel de centrales nucléaires de chauffage urbain. Disons, tout de suite, que le nucléaire n’est pas adapté aux variations de charge du chauffage et que l’étude a finalement tourné court sur ce point. Mais il m’a semblé qu’un certain nombre de conclusions de l’étude étaient intéressantes pour les querelles actuelles du nucléaire. En tentant d’éviter de tomber dans le piège du tout ou rien, les batailles des pro- et des anti-nucléaires dont j’ai souffert tant elles étaient, et restent encore, souvent excessives et inadaptées.
Pouvez-vous en dire un peu plus ?
D’abord sur l’implantation des centrales. Il existe, dans tous les pays, et en partie sur mer, des zones classées à très haut risque sismique. Ces zones n’existent pas en France métropolitaine, mais uniquement – pour ce qui nous concerne – aux Antilles (en Martinique et en Guadeloupe) : j’excluais d’installer des centrales dans ces zones. Au niveau suivant il existe également des zones un peu moins sensibles mais où le risque sismique est appréciable : de telles zones n’existent qu’en très faible nombre en France métropolitaine, et représentent de très faibles surfaces. Je conseillais d’éviter ces zones, ce qui ne crée – en France – aucune servitude significative. Restent donc les autres zones, à risques sismiques modérés ou faibles, où l’on peut réaliser – à mon avis – des centrales nucléaires. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas y prendre des précautions antisismiques.
De quelles précautions voulez-vous parler ?
Toutes les centrales nucléaires respectent en général, au moins pour les structures, les règles et les calculs antisismiques qui font l’objet de normes générales (pour tous types de bâtiments), règles européennes chez nous. Ce qui m’a frappé lors de l’étude dont j’ai parlé, c’est l’absence totale de règles antisismiques pour les équipements. J’ai eu la pleine confirmation de cette critique lors du sinistre survenu, en 1994, à une centrale américaine : la structure a magnifiquement résisté, mais à l’intérieur tout l’équipement était démoli. Cet exemple a d’ailleurs incité les ingénieurs américains à mettre au point un guide (pour centrales nucléaires) exclusivement consacré aux équipements – en particulier hydrauliques et électriques - un guide qui contient un grand nombre d’illustrations pratiques sur la manière de réaliser des « équipements antisismiques ».
Est-ce tout ?
Absolument pas : il faut, selon moi et dans une centrale nucléaire (thermique ou électrique) que soient présents en permanence deux cadres compétents, l’un d’entre eux pouvant être le chef de centrale. Lorsque j’ai abordé ce problème la formation était – selon moi - trop académique. En dehors de données élémentaires sur le nucléaire, sauf sur la métrologie de la radioactivité qui est essentielle, une assez bonne connaissance des problèmes sismiques des structures et des équipements me paraissait indispensable : elle était pourtant inexistante. De plus, comme le rayonnement naturel peut perturber les mesures à l’intérieur de la centrale je proposais qu’avant toute mise en place du nucléaire proprement dit la radioactivité intérieure de la centrale soit mesurée. Si le niveau constaté – normalement faible - était susceptible de perturber les mesures ultérieures, il était souhaitable de réaliser (ce qui est extrêmement simple) une ventilation anti-radon.
Vos choix et consignes ont-ils été respectés à la centrale de Fukushima
Effectivement la centrale nucléaire japonaise de Fukushima n’est pas conforme à mes souhaits, mais le véritable obstacle tient au risque sismique du Japon : si l’on respectait ma première règle (élimination dans les zones de très haut risque sismique), on n’y construirait pratiquement pas de centrale nucléaire. Ceci dit, c’est à l’administration japonaise de choisir. Voilà tout ce que je voudrais dire sur ce sujet. Je ne suis ni pro-nucléaire ni anti-nucléaire, les uns et les autres étant trop absolus sur le sujet, et ce souvent pour des raisons très subjectives ou des raisonnements trop généraux.
N’hésitez pas, désormais, à poser vos questions ou à développer vos suggestions auprès de rc(at)xpair.com.
Roger CADIERGUES