Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
16 juin 2008
Dans ma lettre de début Juin, j'ai examiné le problème de la décentralisation des productions d'électricité basée sur les productions photovoltaïques ou éoliennes. En fait, qu'elles soient centralisées ou non les bilans sont - dans ces deux cas - inquiétants, surtout sur le plan financier.
Il y a pourtant des installations décentralisées qui fonctionnent ?
Le problème n'est pas vraiment technologique. Il existe, par exemple, des tuiles photovoltaïques très satisfaisantes que vous pouvez facilement installer en toiture, la partie photovoltaïque proprement dite étant insérée sur des caissons en matériaux de synthèse pourvus de rigoles d'évacuation de la pluie. L'ensemble est très facilement fixé sur les chevrons bois ou métal, ce qui limite les risques. Il est vrai que la situation n'est pas du tout aussi facile pour les éoliennes personnelles, beaucoup de personnes - y compris les promoteurs des études de faisabilité - sous-estimant très nettement les problèmes posés par l'éolien urbain ou suburbain.
Que voulez-vous dire par là ?
Que le vent urbain et suburbain est beaucoup mieux connu qu'on ne semble le penser dans nos milieux climatiques. La raison en est que ce sont des connaissances qu'il a fallu développer dans les études de résistance au vent des bâtiments. La structure du vent dans ces zones est donc relativement bien connue, mais ce qui nous gêne, ici, ce sont surtout les aspects climatologiques. En gros deux difficultés : des vitesses de vent souvent trop insuffisantes pour les éoliennes (plus de 85% du temps au moins), plus des incertitudes inévitables dans les zones où les constructions du voisinage ne sont pas définitivement connues. Bien sûr on peut citer des éoliennes installées au sommet de grandes tours, mais les exemples sont extrêmement rares et peu reproductibles. Sans compter l'absence de bilans. Il n'est donc pas très étonnant que l'éolien soit surtout centralisé dans des parcs éoliens spécialisés, avec des éoliennes de plus en plus hautes. Actuellement les plus "petites" (2 MW) sont installées sur des mats de 80 m de haut, les trois pales étant elles-mêmes de quelques 30 à 35 m de long, la hauteur étant un paramètre très important de l'intensité du vent. On devrait (ce qui n'est pas toujours le cas) privilégier certaines régions françaises (bien moins nombreuses que les danoises ou les allemandes du Nord). Il est relativement "absurde" de vouloir placer les éoliennes en dehors de ces zones - ce qui semble hélas devenir un cas assez fréquent en France. Il est manifeste qu'on devrait surtout privilégier l'off-shore. Mais, dans tous les cas français actuels, le bilan financier est sujet à caution. Et souvent très loin d'être favorable.
Qu'entendez-vous par bilan défavorable ?
Un bilan défavorable sous deux aspects. Le premier est le coût relativement élevé de l'électricité éolienne ou photovoltaïque, j'y reviendrai par la suite. Le second point est plus grave à échéance : l'électricité ainsi revendue aux réseaux est d'un coût élevé, lequel sera obligatoirement répercuté par les distributeurs sur les usagers qui devront, finalement, payer la facture. En clair, si l'éolien se développe, le prix de l'électricité devrait fortement augmenter. C'est effectivement beaucoup plus grave pour les pays où le prix de l'électricité est actuellement moins élevé. Ce qui, malheureusement, souligne le caractère anormal - pour ne pas dire plus - d'un certain nombre de décisions communautaires.
Les prix de l'électricité sont-ils si différents ?
De façon assez surprenante oui. Si nous prenons les tarifs domestiques, en examinant ce que coûte un kilowattheure en centime d'euro, nous trouvons : 7 à 8 en Grèce, 11 à 12 en France et en Grande-Bretagne, 19 en Allemagne, 21 aux Pays-Bas, etc. Le moins qu'on puisse dire c'est que c'est très hétérogène. Et qu'en pourcentage, les conséquences du passage à l'éolien risquent d'être très différentes financièrement d'un pays à l'autre. En particulier par suite de la multiplicité des techniques de production, dont les prix de revient sont variés. En centimes d'euro, les chiffres sont en effet, en ordre de grandeur, les suivants : moins de 3 en nucléaire et en hydraulique, de 3 à 5 en thermique … et au moins 8 en éolien.
Le même phénomène se produit-il pour le photovoltaïque ?
La réponse vient de l'Ademe : le photovoltaïque a des coûts cinq fois plus élevés que l'éolien.
Dans ces conditions comment est-il possible que personne ne réagisse ?
Il y a bien des réactions, mais il est curieux qu'elles soient souvent occultées : j'y reviendrai la semaine prochaine.
Roger CADIERGUES