Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
13 Octobre 2011
Voici, maintenant, la réponse à une question qui peut sembler plus embarrassante puisqu’il s’agit de se demander si, dans une lettre récente, je n’ai pas fait une erreur de calcul … tant le résultat final parait à certains aberrant.
De quoi s’agissait-il ?
Il s’agissait d’abord, dans cette lettre, de l’importance du carbone investi dans les bilans. Mais il s’agissait aussi des positions apparemment contradictoires entre deux structures officielles, et ce à quelques mois de distance. Reprenons d’abord le deuxième aspect, celui des positions officielles.
Quelles sont donc ces positions contradictoires ?
Il s’agit de deux positions traduites par deux articles publiés dans le même quotidien. Le premier article, qui date des premiers mois de 2010, possède le titre suivant : « Forte diminution de la consommation d’énergie en 2010 ». Avec un sous-titre qui ne manque pas de sel au regard de ce que nous verrons plus loin : « Ce résultat est en partie lié à la crise économique, et le fort essor des énergies renouvelables permettent au moins à la France d’afficher un bilan très positif en matière de réduction de CO2 ». Le deuxième article, publié en Août dans le même quotidien, s’intitule, lui : « Emissions de CO2 : la France stagne ». Avec la remarque suivante : « Vingt ans d’efforts pour rien ou presque », l’émission française de CO2 estimée ayant été de 4,39 Mt/an en 2009 pour 4,38 Mt/an en 1990. Tous ces résultats émanent d’informations officielles accompagnées de discours gênés aux entournures.
Quelles sont donc les sources de ces discours officiels ?
Le premier article se basait sur les informations issues du ministère de l’Ecologie, qui se flattait du succès des demandes de classement en basse consommation (BBC) de 45000 bâtiments en 2010, le ministre affirmant de ce fait qu’« en deux ans on effectue un saut technique supérieur à celui effectué au cours des trente dernières années » … ce qui est d’ailleurs complètement faux. Le deuxième article se basait, lui, sur les études du commissariat au développement durable.
Qu’y a-t-il de commun avec le carbone investi ?
Il y a le fait que tous les raisonnements habituels se basent sur le carbone opérationnel (celui des consommations d’énergie), et négligent le carbone investi (celui de l’amélioration énergétique, par exemple l’épaisseur d’isolant en chauffage). Je ne prétends pas que le rôle du carbone investi explique les divergences officielles constatées … mais nous n’en sommes pas loin.
Est-ce vraiment si important ?
Je vais reprendre un exemple, celui de l’amélioration de l’isolation thermique d’un mur de bâtiment, mur comportant au départ 5 cm d’isolant, épaisseur que nous allons accroître progressivement. Avec l’hypothèse que, dans le carbone investi, nous ne tenions compte que de l’isolant : sa manufacture, son transport, sa pose. Et en supposant qu’il ne s’agit pas d’isolants d’importation, sinon le carbone investi serait à la «charge» du pays d’origine. Voici quelle est la répartition « carbone opérationnel – carbone investi » selon l’épaisseur de l’isolant :
. Epaisseur de 5 cm (point de départ) : carbone opérationnel = 97, investi = 3 (le carbone investi ne compte alors que pour 3%).
. Epaisseur de 10 cm : opérationnel de 69, investi de 6 (l’investi compte alors pour un peu moins de 9%) ;
. Epaisseur de 15 cm : opérationnel de 45, investi de 9 (l’investi compte alors pour 20%) ;
. Epaisseur de 20 cm : opérationnel de 39, investi de 12 (l’investi compte alors pour 30%).
C’est dire qu’en améliorant l’isolation, l’investi est de plus en plus important, un aspect que la réglementation thermique française oublie totalement. Et surtout un aspect relativement bizarre : si nous poussons très loin l’isolation (et que nous la fabriquions en France) nous allons émettre, dans l’immédiat, beaucoup de CO2 (l’investi), alors que les réductions (grâce à l’opérationnel) n’apparaîtront, elles, que des années plus tard. Aux premières années le bilan CO2 sera donc négatif.
Tout ceci veut dire, en clair, que les améliorations énergétiques poussées (vedettes du Grenelle de l’environnement), outre qu’elles se traduisent par des surcoûts financiers non négligeables, se traduisent souvent par une augmentation immédiate du CO2 émis. Ce qui veut dire également, et en clair, que les réductions immédiates de CO2 émis ces prochaines années risquent tout simplement d’être totalement illusoires.
Roger CADIERGUES