Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
12 Octobre 2009
Pour la conception et l'étude des projets de notre secteur l'emploi de l'informatique s'est, dans tous les pays, fortement répandu. Souvent, hélas, avec des risques sérieux, d'autant plus graves qu'ils sont fréquemment méconnus. Tant il est vrai que l'informatique dissimule facilement - sans que ce soit forcément volontaire - bien des défauts.
De quels risques voulez-vous parler ?
Des trois risques importants qui sont les suivants :
- D'une part il arrive que les logiciels recourent à des démarches peu valables au fond par suite de leur complexité, plus ou moins cachée par l'informatique.
- D'autre part il peut arriver que les méthodes de base utilisées ne permettent pas - sans qu'on le signale - de traiter convenablement tous les cas : je pense en particulier, malgré la conformité à une norme confirmée, au calcul de panneaux chauffants à fort écartement de tubes ou de câbles.
- Et, finalement, sous une forme plus sournoise et difficile à déceler, de pures et simples erreurs de programmation.
Pouvez-vous préciser ?
Le cas de démarches de base non valables est particulièrement net pour ce qui concerne les régimes variés de transmission de chaleur dans les bâtiments, élément important dans les calculs de climatisation et ceux de température intérieure d'été hors climatisation. Un utilisateur de compétence moyenne peut croire y trouver la solution en appliquant la norme " NF EN ISO 13786 (Juillet 2008). Performance thermique des composants de bâtiment. Caractéristiques thermiques dynamiques. Méthodes de calcul ". Cette norme essaie de vous prouver qu'on peut caractériser l'inertie thermique des bâtiments par la réponse harmonique. Dans ce cas, pour toute personne assez compétente, il est facile de déceler (ne serait-ce que par la bibliographie de la norme en question) les insuffisances du rédacteur de la norme. Défaillance ahurissante :
- André Nessi et Léon Nisolle (en France, dès la fin des années 1920), après avoir essayé cette procédure, ont constaté qu'elle conduisait à des résultats erronés, et proposé une méthode différente (les courbes d'influence) ;
- GP Mitalas et DG Stephenson (au Canada, à la fin des années 1960), n'ayant pas eu accès aux travaux de Nessi et Nisolle, ont constaté laborieusement les mêmes défaillances de la méthode harmonique, et proposé une méthode différente, méthode adoptée par la suite aux USA pour les calculs de charge de climatisation
- J. Masuch, en Allemagne, durant les années 1970, après avoir utilisé la méthode harmonique, s'est finalement converti à une méthode différente, inspirée en partie par René Gilles (France), utilisateur des méthodes de Mitalas et Stephenson légèrement modifiées. Etc ...
Face à cette situation navrante le hasard (?) fait qu'une autre norme internationale (ISO), sans référence aucune à la précédente, opère très différemment, et se rapproche des démarches de Mitalas et Stephenson, mais - hélas - avec beaucoup de complications. Il s'agit de la norme " NF EN ISO 13791 (Juillet 2005) : Performance thermique des bâtiments - Température intérieure en été d'un local non climatisé - Critères généraux et méthodes de calcul " dont je déconseille pourtant l'emploi pour des raisons de complexité, et ce même si les erreurs de la première norme sont effacées.
Est-ce un cas isolé ?
L'emploi de l'informatique étant devenu quasi-automatique c'est le moment, pour certains " spécialistes " aux bases plus ou moins théoriques, de répondre à l'évolution des esprits en proposant de nouvelles recettes de calcul à la place des recettes plus anciennes. Les intentions sont peut-être louables ... mais les résultats souvent regrettables, pour ne pas dire plus. L'exemple le plus saillant est celui des règles RT2000 ou RT2005 dont l'énumération des faiblesses est effarante. De telles méthodes, se voulant "savantes", peuvent non seulement conduire à des démarches très lourdes, mais aussi à des résultats complètement à côté de la plaque. Les erreurs (inconscientes) sont alors plus ou moins cachées par l'informatique, qui devient le nouveau gourou auquel vous êtes prié de croire sans pouvoir protester. Si vous doutez qu'il puisse en être ainsi voyez les accrocs des règles RT, et de leur prétendu moteur de calcul (de plus en révision quasi-permanente). Voyez également l'incapacité de ces outils à traiter valablement de la climatisation (exemple : chiffres totalement faux pour les climatiseurs). Dans tous ces cas le vice fondamental provient souvent d'une démarche déjà ancienne : la simulation numérique, où le fonctionnement des systèmes est représenté heure par heure. La méthode de base a été développée au Canada par Mitalas et Stephenson, puis perfectionnée et adaptée en France (Outre-mer compris) par René Gilles. Tous ces auteurs, malheureusement, ne sont plus là pour mettre en garde les débutants européens qui manquent encore d'expérience, et peuvent développer des produits nouveaux sans en déceler les pièges et les failles multiples.
Roger CADIERGUES