Réhabilitation énergétique: point réglementaire

Par Alban LAPIERRE (Directeur) et Jérémie ROBERT (Chef de projet) – Sté ALTEREA

Réhabilitation énergétique globale des bâtiments : un concept prometteur mais un démarrage lent et difficile

Dans le domaine de la réhabilitation énergétique globale des bâtiments, identifiés comme « le principal gisement d’économies d’énergie exploitable immédiatement », la direction est donnée et les objectifs définis : rénovation des 800 000 logements sociaux les plus consommateurs, réduction de 38% des consommations du parc existant pour 2020, rénovation complète de 400 000 logements chaque année d’ici 2013, recours aux énergies renouvelables…

Voici un état des lieux de ce chantier qui démarre lentement et qui représente pourtant une véritable opportunité pour faire évoluer les pratiques traditionnelles de la rénovation vers des objectifs performanciels.

  • Le plan Grenelle et réhabilitation énergétique des bâtiments

Le dispositif du Grenelle accorde une place privilégiée à la réhabilitation énergétique des bâtiments. L’article 3 mentionne notamment que « le secteur du bâtiment représente le principal gisement d’économies d’énergie exploitable immédiatement ». Les objectifs nationaux étant posés, les mesures réglementaires associées s’inscrivent dans la ligne de ces engagements.

Dans ce contexte, la Réglementation Thermique appliquée aux bâtiments existants (RT Ex.) a été créée de manière à faire évoluer les pratiques traditionnelles de la rénovation vers des objectifs performanciels qui se rapprochent de la Réglementation Thermique des bâtiments neufs, sans toutefois en identifier précisément toutes les subtilités :

* L’arrêté du 3 mai 2007, aussi appelé RT Existant « élément par élément », définit le cadre réglementaire pour des rénovations légères.
* L’arrêté du 13 juin 2008, dit RT Existant « globale », s’attache à donner un cadre dédié aux réhabilitations lourdes.

En parallèle, la mise en application des « études de faisabilité des approvisionnements en énergie » est un outil intéressant pour le développement d’un mix énergétique diversifié et l’intégration des énergies renouvelables.

Malgré ce nouvel arsenal réglementaire, les opérations de réhabilitation énergétique lourde tardent à voir le jour, en dehors des initiatives de maîtres d’ouvrage innovants et des expérimentations liées aux appels à projets.

Réhabilitation et travaux d'isolation par extérieur d'un immeuble de bureaux

  • La direction est donnée…

La direction est donnée et les objectifs définis : rénovation des 800 000 logements sociaux les plus consommateurs, réduction de 38% des consommations du parc existant pour 2020, rénovation complète de 400 000 logements chaque année d’ici 2013, recours aux énergies renouvelables…

Au-delà du soutien à la filière du bâtiment, qui serait un dommage collatéral positif en ces temps de crise, les discours sont ambitieux et la politique actuelle se veut progressive. Les engagements ne dissipent toutefois pas la difficulté d’appliquer la réglementation dans l’existant. Si les objectifs consensuels semblent acquis pour la plupart des acteurs du secteur, les méthodes et les moyens financiers à mobiliser semblent toujours incertains.

Jugée trop complexe par les maîtres d’ouvrage et souvent inadaptée par les bureaux d’études au regard des contraintes dans l’existant, la RT Ex. semble difficile à appliquer pour atteindre les objectifs. Scindée en deux volets, elle tente de donner une liberté d’action aux maîtres d’ouvrage dans le choix des actions de maîtrise de l’énergie.

La RT Ex. « élément par élément » est plus adaptée à des opérations de rénovation partielle alors que la RT Ex.
« globale » se définit comme l’expression performancielle d’une rénovation énergétique forte.

En pratique, le seuil fixé pour le passage de la RT Ex. « élément par élément » à la RT Ex. « globale » est trop élevé.
(La RT globale s’applique lorsque le coût des travaux de rénovation « thermique » décidés par le maître d'ouvrage est supérieur à 25% de la valeur conventionnelle hors foncier du bâtiment, ce qui correspond à 322 € HT /m² pour les logements et 275 € HT/m² pour locaux non résidentiels).

C’est pourquoi cette dernière est jusqu’à présent rarement utilisée, au grand soulagement de l’ensemble des acteurs, pour qui la RT Ex. « élément par élément » permet de se raccrocher à des pratiques usuelles. Et c’est bien là qu’est le problème, la rénovation lourde fait peur.

Les contraintes sont multiples et complexes, la connaissance n’est pas encore confortée et les traditions du métier vont à l’encontre d’un changement de fond.

Au-delà des outils, l’application du « Grenelle dans le bâtiment existant » est un grand saut dans le vide pour beaucoup d’acteurs. Les pratiques du BTP, des bureaux d’études et des maîtres d’ouvrage ne se sont pas encore suffisamment structurées pour garantir le bon déroulement de la démarche. Le manque de connaissances et de compétences est encore conséquent, et les nouveaux mécanismes de financement ne sont pas mis en œuvre.

Le changement serait-il trop brutal et trop rapide pour le secteur du bâtiment alors que les fondamentaux ne sont pas consolidés ? La charrue réglementaire n’a-t’elle pas été mise avant les bœufs ? Le discours sur l’application du Grenelle serait-il en décalage avec la réalité ?

  • … il faut désormais avancer

Mais les faits sont là et, si l’on avance encore doucement, les progrès sont notables au quotidien lors de la programmation des travaux. La RT Ex. « globale » n’est pas encore correctement appliquée mais elle définit des outils et des indicateurs communs. Bien qu’ils puissent être améliorés, ils contribuent déjà à définir un référentiel unique pour l’ensemble des acteurs.
Les « règles du jeu » étant ainsi formalisées, financeurs, maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre n’ont plus qu’à se doter des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. A cet égard, la définition des labels dans l’existant va sans doute changer la donne et contribuer à définir de nouveaux paradigmes.

Plus que tout, l’Etat s’est engagé à mettre en place les structures de financement et à favoriser l’établissement de la connaissance et des méthodes requises par ce contexte nouveau. Il s’agit encore des premiers pas, mais, d’appels à projets régionaux en formations professionnelles, un courant nouveau semble s’installer.

Plus ambitieuse que l’application de la RT Ex. « élément par élément », la rénovation lourde conforme à la RT Ex.
« globale » doit frapper de manière forte et définitive afin de produire des bâtiments performants pour les 20 à 30 prochaines années. Les travaux ainsi réalisés devront ensuite être scrupuleusement réceptionnés et les performances des bâtiments devront être monitorées. Sinon, même conformes à la réglementation sur le papier, les résultats risquent fort de ne jamais être atteints.

Dernier écueil à éviter et non des moindres : le concept ne doit pas se préoccuper uniquement de l’énergie et doit intégrer l’ensemble des leviers de l’éco-réhabilitation : accessibilité aux personnes à mobilité réduite, qualité de l’air intérieur, confort thermique et acoustique, performance environnementale des matériaux…

La route est encore longue et tout n’est pas encore défini. Malgré cela, il faut garder le cap et rester ambitieux. Le temps des dissertations et des discours sur le « développement durable » et « la croissance verte » est révolu, celui de l’action est venu.

Alban LAPIERRE (Directeur) et Jérémie ROBERT (Chef de projet) – de la société d’ingénierie ALTEREA société indépendante d’ingénierie énergétique se distingue par la maîtrise d’œuvre de projets de réhabilitation énergétique, et la mise en place d’outils d’évaluation et de suivi des résultats.
www.alterea.fr

Diffusé également dans CLER Infos n° 73, publication du Comité de Liaison Energies Renouvelables

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