Par Nathalie TCHANG - Directrice du BET TRIBU ENERGIE
L’ère des 50kWh a suscité ces dernières années une effervescence dans le monde du bâtiment positionnant le thermicien dans un rôle clé au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre.
Les premiers suivis de consommations de ces bâtiments montrent que les consommations réelles sont différentes des 50kWh/m².an indiqués dans les études thermiques.
Les assureurs redoutent des litiges et demandent aux bureaux d'études de rajouter des clauses dans leurs devis et rendus, indiquant que ce chiffre est purement théorique.
Les maîtres d'ouvrage souhaitent que les bureaux d’études s’engagent vers de la garantie de performance énergétique.
La confusion est totale entre les chiffres de consommation annoncés : réels ; prévisionnels ; conventionnels ?
Il est important de ne pas céder à la panique ou à l’accusation et de comprendre les raisons de ces écarts.
Les voitures aussi affichent des consommations de carburant de type 5 litres/100 km, mais personne n'irait attaquer le fabricant car tout le monde sait que la consommation du véhicule dépend de la vitesse et du mode de conduite.
Or un bâtiment comporte encore plus de données aléatoires qu’un simple véhicule fait en usine :
- occupants multiples
- modèle de calcul et marge d’erreur
- rigueur climatique
- défauts de mise en œuvre
Surtout que le bâtiment n’est pas un élément industriel, il a regroupé de nombreux acteurs pour sa réalisation.
- Les consommations conventionnelles s'obtiennent par les outils réglementaires de type DPE (méthode 3CL DPE, méthode au pas de temps annuel) ou RT2012 (méthode THBCE au pas de temps horaire) ou RTexglobale (méthode THCEex au pas de temps horaire).
- Les consommations conventionnelles s'expriment souvent en énergie primaire (on multiplie par 2,58 les consommations finales électriques et par 1 les consommations finales des autres énergies).
- Les usages concernés sont limités à un périmètre bien défini dans les arrêtés :
DPE : chauffage / ECS et climatisation (en logement) RT2012 et RTexglobale : chauffage / ECS / climatisation / Eclairage et auxiliaires de ventilation et hydrauliques.
- Pour 2 bâtiments identiques les résultats obtenus doivent être strictement identiques puisqu'ils sont indépendants des conditions d'usage. Les occupants sont considérés comme ayant des usages "conventionnels". Les données figées sont :
* horaires d'occupation
* la température intérieure d'occupation et d'inoccupation ;
* les périodes de vacances ;
* les apports internes ;
* les quantités d'ECS ;
Une petite remarque néanmoins car il est souvent rapporté à tort, que le calcul est réglementaire est réalisé pour une température de consigne de 19°C. Or, lorsque sont ajoutés les classes de variation spatio-temporelle à la température de base de 19°C dans le modèle, la température utilisée pour les calculs est le plus souvent comprise entre 20 et 21°C.
- Les fichiers météorologiques sont figés.
* pour le DPE, ils sont départementaux et basés sur des données trentenaires.
* pour la RT2012 et la Rtexglobale, ils sont découpés par zone climatique (8 en France) et basés sur des années type qui se veulent représentatives, pour chaque paramètre, des valeurs moyennes ainsi que des extrêmes, à minima sur une base mensuelle.
L’objectif d’évaluer des consommations conventionnelles est de pouvoir comparer des bâtiments entre eux et de définir un indicateur qui ne dépend pas des conditions d’usage en se concentrant sur les qualités intrinsèques performantielles des prescriptions.
Ces consommations prévisionnelles peuvent être obtenues à partir d'outils de type Simulation Thermique Dynamique pour les postes chauffage et climatisation. Certains outils permettent de traiter des postes complémentaires comme l'éclairage, l'ECS ou les auxiliaires, sinon il faut avoir recours à des outils "internes" de post-traitement.
Certaines données vont pouvoir être adaptées selon le futur comportement des occupants : température de consigne ; horaires d'occupation ; apports internes ; vacances ; besoins d'ECS.
Le fichier météorologique peut correspondre à la ville du projet mais il reste incertain étant donné les variations climatiques d'une année sur l'autre.
L’objectif de réaliser un calcul de consommations prévisionnelles est de se rapprocher des futures consommations du bâtiment selon des conditions d’utilisation pressenties pour un fichier météo donné.
Les consommations réelles donnent lieu à des factures qui seront payées in fine par l’occupant.
Il n’est pas toujours facile de comparer les factures réelles aux consommations prévisionnelles surtout s’il n’y a pas de comptage séparé pour chaque usage.
Les raisons qui peuvent expliquer les écarts entre la réalité et ce qui avait été calcul sont multiples, en voici quelques unes :
CONCEPTION |
Exemples … |
Erreurs de saisie dans les modèles |
Ex : oubli de saisie des ponts thermiques structurels d’une isolation fixée mécaniquement |
Produits prescrits non adaptés ou mal dimensionnés |
Ex : pompe à chaleur surdimensionnée |
Conception hydraulique non adaptée |
Ex : retours chauffage et/ou ECS dont la température empêche la condensation dans les chaudières |
PRODUITS |
Performances variables…. |
Valeurs de performance thermique annoncées par les industriels trop optimistes |
D’où l’interêt d’exiger des produits certifiés ! |
Performance des systèmes connus pour un point de fonctionnement uniquement (exemples, les pompes à chaleur) |
Conditions d’utilisation différente de ce point de mesure, donc dérive au niveau des performances |
MISE EN OEUVRE |
Installation et dérives … |
Produit installé non conforme à ce qui a été prescrit par la maitrise d’oeuvre |
L’installateur a posé un produit « qui lui semble » équivalent sans approbation de la maitrise d’oeuvre |
Sondes de température intérieure et/ou extérieure mal placée |
|
Mauvaise mise en œuvre |
Ex : isolants non jointifs |
Mauvais paramétrages |
Ex : seuil de déclenchement des sondes de luminosité, by-pass de la VMC double flux non-programmé (voire inversé) |
Dimensionnement définitif des équipements suite aux études des entreprises |
Ex : circulateurs plus puissants ; longueurs de réseau plus importantes ; … |
USAGES |
Et modes d’utilisation différents, …. |
Rigueur climatique |
|
Températures de consigne |
Dans un bâtiment BBC +1°C = +20% de consommations de chauffage |
Horaires d’occupation |
Différents selon personne au foyer, travail à domicile, … |
Périodes de vacances |
Famille, enfants, …. |
Besoins d’ECS |
Pour un même appartement, selon le nombre, l’âge et les habitudes des occupants les besoins d’ECS peuvent varier de 1 à 3. |
Les apports internes : |
Nombre d’occupants ; matériel électrique en fonctionnement … |
Comportement : |
Ouverture des fenêtres ; encastrement des émetteurs ; opacification des garde-corps des balcons au sud ; utilisation aléatoire des protections solaires …… |
Le fonctionnement des systèmes d’ECS |
Ex : fonctionnement permanent qui implique une production au moment des puisages conventionnels et qui peuvent intervenir à des moments différents de la journée par rapport à un système réel en particulier pour les PAC sur air extérieur. |
Il est quasiment impossible de prévoir exactement les consommations énergétiques d’un bâtiment, car elles dépendantes de la qualité de la conception, des produits et équipements techniques, de la mise en œuvre d’installation et des usages différents des utilisateurs.
En revanche, il est possible d’évaluer une tendance en fixant certains paramètres de fonctionnement et surtout en prévoyant un suivi de chantier rigoureux.
Par Nathalie TCHANG
Nathalie TCHANG est Ingénieur et Directrice du bureau d'études « Energie et Développement Durable » TRIBU ENERGIE. Elle est également membre de l’association ICO et coordinatrice du groupe de travail des applicateurs de la RT 2012.
SOURCES ET LIENS
AUTRES CHRONIQUES de Nathalie TCHANG
Les consommations énergétiques d’un bâtiment dépendent de la qualité de
1. la conception,
2. des produits et équipements techniques,
3. de la mise en œuvre d’installation
Ces 3 points sont de la responsabilité de la maîtrise d’œuvre à partir des objectifs fixé par le maître d’ouvrage.
4. des usages différents des utilisateurs.
Ce dernier de la maîtrise d'ouvrage (utilisateurs)
4. la qualité de l'exploitation maintenance.
Ce dernier point est de la responsabilité de l’entreprise à partir des objectifs fixé par le maître d’ouvrage.
Dans tous les cas c’est le maître de l’ouvrage qui assume la responsabilité en dernier ressort. Il doit se donner les moyens. La mesure et vérification est un de ces moyens.