Par Christian CARDONNEL - Président CARDONNEL Ingénierie
Dans cette période de crise et de restriction budgétaire, l’efficience énergétique du bâtiment prend tout son sens.
L’efficience, c’est l’optimisation des moyens mis en œuvre pour obtenir le meilleur résultat possible.
Dans le bâtiment résidentiel neuf, avec la RT 2012 on compte les kWhep/m².an (énergie primaire) pour un climat et comportement conventionnels et avec des performances « idylliques » des équipements.
Dans la pratique et la vraie vie, le confort souhaité par les usagers est bien différent, les données climatiques plus aléatoires et les équipements ne sont pas toujours aussi performants, bien maintenus, réglés et suivis.
On s’intéresse plus au coût d’exploitation final, au confort …. La prise en compte du rejet de CO2, des pollutions et des ressources utilisées ne sont pas souvent mis en exergue, c’est bien une autre histoire.
Dans la rénovation énergétique du bâtiment (une notion pas toujours bien comprise par le grand public), c’est la même chose et l’économie d’exploitation, l’amélioration du confort et celle indirecte de la valorisation du bien, passent bien avant ceux des gestes pour la planète d’économie d’énergie, réduction du rejet de CO2, utilisation modérée des ressources.
Pour 1 €uro, on n’a plus rien ! Mais si, on peut acheter :
- Une baguette de pain frais de 250 g et se nourrir partiellement pour la journée.
- 250 litres d’eau potable, pour la boire et l’utiliser pour son hygiène durant 2 à 3 jours.
- Un café au distributeur (tout dépend du lieu et de la qualité ….)
- Un jour de forfait box internet ou téléphone portable et communiquer.
- ¾ de litre de gas-oil, pour rouler durant 15 km avec une voiture qui consomme 5 litres aux 100 km.
- 8 kWh d’électricité pour s’éclairer (durant 400 h avec une lampe de 20 W), ou utiliser un équipement multimédia de 80 W durant 100 h, ou produire près de 250 litres d’eau chaude sanitaire à 40 °C pour se laver (4 à 5 douches), ou se chauffer durant 8 h avec un panneau rayonnant effet Joule de 1 kW, ou cuisiner, …..
- 20 kWh de gaz naturel, pour se chauffer durant 16 h avec un chauffage de 1 kW de puissance utile, ou produire près de 500 litres d’eau chaude, ou cuisiner …..
- ... mais aussi acheter un bien plus durable comme de l’isolant, par exemple 40 mm de laine de verre (R = 1 m².K/W) vaut environ 1 € TTC / m².
- Ou bien une part d’équipement technique plus performant.
Globalement, dans l’analyse économique et l’approche de l’efficience énergétique, il faut regarder la pertinence économique de chaque €uro investi et l’économie annuelle en kWh d’énergie, d’énergie primaire, de kg CO2 ou d’€uro.
Regardons ensemble quelques exemples pratiques, pour lesquels j’ai volontairement simplifié et arrondi des valeurs pour gagner en clarté.
Pour le particulier en moyenne on peut estimer :
- 1 kWh d’électricité, c’est 0.12 € TTC (hors abonnement) et 1 kWh d’énergie utile
- 2.58 kWh d’énergie primaire
- 180 g de CO2 pour l’utilisation chauffage et 40 g de CO2 pour l’eau chaude sanitaire ou les auxiliaires
- 1 kWh de gaz naturel PCI, c’est 0.06 € TTC (hors abonnement) et 1 kWh PCI d’énergie fournie (hors rendement du système)
- 234 g de CO2 pour les différentes utilisations chauffage, ECS, cuisine.
Pour la rénovation, chaque € investi par le particulier, éventuellement pondéré par les aides (Crédit d’Impôt Développement Durable CIDD, Certificat d’Economie d’Energie CEE, …) doit engendrer des économies.
La pertinence de l’investissement peut se calculer par le rapport du Coût d’Investissement en € TTC sur l’économie réalisée en kWh/an, kWhep/an, kg CO2/an, €/an.
En région Parisienne dans une maison individuelle chauffée à 19°C et avec un équipement chauffage électrique performant, pour 1 W/K de déperditions d’une paroi extérieure, on peut estimer la consommation de chaleur à 40 kWh/an par W/K (déperditions en fonction des DJU – apports gratuits récupérés et efficacité du système).
La consommation de chaleur sera de l’ordre de 50 kWh/an par W/K avec un équipement gaz naturel.
Un plafond existant très peu isolé (10 cm d’isolant en partie tassé, R = 2 au global), a donc un coefficient U de 0.5 W/m².K et sa consommation chauffage va donc être de 20 kWh/m².an en chauffage électrique.
Si l’on isole le plafond, on va donc remplacer ou ajouter un isolant du type laine de verre qui va coûter environ 1 €/m² pour un R de 1 m².K/W et environ 5 €/m² pour la pose.
Le tableau ci-dessous donne les principaux résultats :
Plus on isole le plafond, plus la résistance R augmente et le coefficient U de déperdition diminue mais proportionnellement à l’inverse de la résistance (1/R). La consommation d’énergie diminue avec le U et le coût d’investissement augmente avec la résistance R. Au niveau des ratios de pertinence économique en €/kWh.an on va de 0.9 à 0.67 et la valeur théorique optimale est obtenue pour un R ajouté de 4. C’est la même chose au niveau de €/kWhep.an entre 0.35 et 0.26 et entre 5 et 3.7 €/kg CO2 gagné par an. Au niveau économique, en € investi par € économisé annuellement, ou temps de retour sur investissement on va de 7.5 à 5.6 an, la valeur remonte doucement pour des R plus élevé comme le montre le graphique.
En fait la solution d’isolation des combles est très pertinente et économique, et un R de 6 ou plus peut être mis en œuvre sans soucis.
Dans l’existant, la mise en œuvre d’un isolant vertical est plus complexe et donc plus coûteuse. L’isolation par l’intérieur est une bonne solution, mais conduit à réduire la surface utile, l’isolation par l’extérieur permet de traiter les ponts thermiques, améliorer le rendu architectural, mais reste plus coûteux … il faut donc bien analyser les plus et les moins des différentes solutions.
Ces travaux d’isolation doivent être envisagés lors d’une rénovation importante du bâtiment ou lorsque que le manque d’isolation est flagrant.
Dans le cas d’une isolation par l’intérieur et avec un équipement chauffage gaz, le tableau ci-dessous résume les principaux résultats, mais globalement les résultats obtenus sont moins bons.
L’optimum de R est de l’ordre de 4 à 5 m².K/W.
Avec le changement d’une baie vitrée, on va réduire les déperditions avec un Uw de la baie plus faible, mais on agit également sur les facteurs Solaire Sw et Lumineux Tlw de la baie pour mieux intégrer l’apport d’énergie solaire. En fonction de l’orientation de la baie et sur la saison froide, l’apport d’énergie solaire varie : 500 kWh/m² pour une baie orientée au Sud et 100 kWh/m² pour une baie orientée au Nord.
Le tableau ci-dessous donne les principaux résultats, et l’on peut remarquer qu’une baie performante au Sud conduit à un bilan énergétique négatif, la baie apporte de l’énergie !
Le coût d’investissement et de pose est plus important et la pertinence économique moins évidente, cependant il faut intégrer les fonctions complémentaires de la baie : étanchéité à l’air, esthétique, filtre actif avec le climat extérieur.
Malgré un coût supérieur de 15 €/m², la baie avec un double vitrage avec Argon est plus pertinente que la baie équipée d’un double vitrage Air. Avec le changement des baies vitrées, il faut soigner le traitement périphérique pour limiter les ponts thermiques et bien gérer la ventilation.
La nouvelle baie est plus étanche à l’air, plus isolante, si en fonction de l’occupation l’amenée d’air neuf n’est pas maintenue, le taux d’humidité de l’air intérieur va rapidement augmenter et de la condensation va avoir lieu sur les points froids (ponts thermiques, parois moins bien isolées que la baie) et l’on risque des dégradations rapides du bâtiment.
Par rapport à une ventilation simple flux existante par exemple, la mise en œuvre d’une nouvelle ventilation plus performante va permettre de réduire la perte de chaleur, chaque m3/h d’air représente 0.34 W/K de déperditions en moins et sur la consommation du ventilateur d’extraction.
Bien souvent, le ventilateur en place est vétuste, avec une puissance importante (80 W dans l’exemple), mais 80 W électrique en marche permanente sur 8760 h (24h x 365j) c’est plus de 700 kWh électrique/an et 1800 kWh ep/an.
Que ce soit pour les solutions de chauffage électrique ou gaz naturel, les solutions Hygro A et B sont performantes, par contre le double flux reste coûteux, mais il conduit à une amélioration sensible de la qualité de l’air intérieur.
La modification du système de ventilation nécessite dans chaque cas un audit précis pour vérifier la perméabilité de l’enveloppe, les points froids, les risques de condensation.
Le changement d’un équipement de chauffage et ECS nécessite une approche technique et un bilan énergétique précis. Il est possible d’agir sur la régulation (thermostat d’ambiance, robinets thermostatiques et équilibrage), changer le générateur par un modèle à condensation ce qui va réduire la consommation de gaz mais également celle des auxiliaires, faire une opération combinée régulation et générateur. D’autres variantes sont possibles, en particulier une opération combinée avec l’isolation du plafond.
En fait, ces opérations combinées apportent une économie d’énergie beaucoup plus importante et donc une meilleure pertinence économique.
Bien des solutions sont possibles et les bouquets de travaux comme préconisés pour la rénovation énergétique du résidentiel sont à encourager.
Dans le bâtiment existant rénové, l’eau chaude sanitaire prend du poids et il est souvent très pertinent d’agir sur l’équipement ECS en améliorant le confort tout en réduisant la consommation d’énergie.
Il est possible d’agir sur la robinetterie (mitigeur, réducteur de débit, …), la distribution, en réduisant les longueurs et les pertes en temps d’attente, le stockage avec une meilleure isolation thermique et la génération avec bien souvent la prise en compte d’une solution à énergie renouvelable.
Bien des options sont possibles et il serait nécessaire de réaliser un article spécifique sur le sujet, mais dans certains cas, la pertinence économique n’est pas au rendez-vous.
Par exemple au niveau des solutions solaires, il est nécessaire de bien optimiser l’équipement, sa performance et surtout éviter de conserver un appoint avec un équipement vétuste.
Là aussi des opérations combinées sont plus pertinentes, même si bien choses restent à faire.
Les résultats sont sensiblement différents entre les équipements en chauffage électrique et gaz naturel.
Dans ce billet, je ne peux pas traiter tous les cas, et je donne plus des exemples et des tendances. C’est avec un outil de bilan énergétique comme Bati-Cube associé à une vraie étude de prix réalisée par le professionnel en fonction du cas réel et son environnement que l’on peut trouver la solution la plus pertinente.
Les tableaux ci-joint donnent un tri des solutions en énergie gaz naturel et électrique en fonction du ratio € investi / kWh ep économisé par an :
Tableaux donnés à titre indicatif et établis par CARDONNEL Ingénierie septembre 2013
On peut bien sûr analyser également les ratios en €/ kg CO2 gagné par an, ou en temps de retour.
Pour les solutions gaz naturel avec un ratio de 0.5 €/kWhep.an on arrive à un temps de retour de 8 ans et environ 15 ans pour un ratio de 1 €/kWh ep.an.
Pour les solutions électriques, avec le coefficient d’énergie primaire de 2.58 et le prix du kWh électrique, on arrive 10-11 ans pour 0.5 €/kWhep.an et 21 ans pour 1 €/kWhep.an.
En fait, plus l’on souhaite aboutir à un bâtiment performant, plus le ratio €/kWhep.an augmente, on part de 0.2 à 0.3 pour atteindre 1 à 3 €/kWhep.an.
Par contre, sur une période longue, de 10 à 15 ans, le coût d’exploitation diminue, mais attention les coûts de l’entretien-maintenance et celui des abonnements restent toujours présents.
La vision globale et rapide c’est l’addition des 2 courbes, ce qui va donner la pertinence des travaux réalisés.
On trouve bien sûr une solution optimale, mais tant que le coût global est inférieur au coût initial on peut investir pour gagner en confort, économiser les précieux kWh d’énergie primaire et réduire son empreinte environnementale et CO2.
Par Christian CARDONNEL
Expert en Confort Durable du Bâtiment, Christian CARDONNEL dirige CARDONNEL Ingénierie, structure spécialisée dans le confort durable du bâtiment résidentiel. Il participe au développement des réglementations thermiques, développe au sein de sa structure des outils d’aides à la conception afin d’aboutir au confort durable du bâtiment résidentiel, économe en énergie et en ressources. Il réalise chaque année un rassemblement majeur de la filière du bâtiment résidentiel, la Convention de l’Efficience Energétique du Bâtiment
Sources & liens
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Bonjour, je serai bref. Je ne vois pas d'évaluation des nouveaux SSC en solaire direct type celui de solisart qui font chuter les besoins de chauffage et d ECS de 70% sur maison RT2012
Il serait intéressant d'étudier cette technologie pour l'étalonner
cordialement