Par Alice MEHEUT - Ingénieure et cogérante du BET UBAT
L’année 2014 a doté les professionnels de la ventilation des textes nécessaires à la réalisation des mesures d’étanchéité à l’air des réseaux aérauliques avec le FD E51-767 (protocole de mesure de l’étanchéité à l’air des réseaux de ventilation - sorti en Mars 2014) et la publication de l’arrêté du 11 décembre 2014. Et pourtant, aujourd’hui encore, la filière est peu documentée sur ces mesures : les maîtres d’ouvrage et AMO sont mal informés, les maîtrises d’œuvre et les bureaux de contrôle ont peu de retour d’expérience.
Reste les lots CVC et plomberie qui ont une connaissance des obligations de mesure mais souffrent d’un manque d’anticipation et de formation pour faire réaliser efficacement ces mesures.
Un nouveau Fascicule Documentaire FD E51- 767 a été publié fin juillet 2017 par l’AFNOR et impose, à compter du 1er Septembre 2017, des modifications significatives concernant les échantillons de réseaux à tester et les modes opératoires. Cette actualité réglementaire est d’importance mais reste encore relativement confidentielle.
Alors après 3 ans, sommes-nous enfin à l’heure du bilan et du retour d’expérience ou bien sommes-nous toujours aux préludes de nouvelles pratiques sur la ventilation ?
La lente diffusion des exigences réglementaires sur l’étanchéité à l’air des réseaux aérauliques est un des éléments expliquant la difficulté à dresser un bilan opérationnel aujourd’hui.
Etanchéité à l’air des réseaux aérauliques – retour d’expérience : le manque d’information
Rappel : les obligations réglementaires
Puisque la RT 2012 ne fixe pas d’objectifs en matière de performance des réseaux aérauliques pour l’étanchéité à l’air, les mesures sont donc rarement intégrées dans les démarches AMO et dans les plannings de chantiers. Pourtant, il est bien obligatoire, en RT 2012, de justifier la classe d’étanchéité à l’air du bâtiment (A, B, C ou D) lorsque la valeur par défaut n’a pas été retenue dans le calcul thermique.
De plus, dans le cadre de la RT2012, un avis technique ne permet pas de justifier une classe d’étanchéité des réseaux. Il en est de même lorsqu’un label impose un contrôle de la performance : la mesure des réseaux aérauliques devient obligatoire avec les labels EFFINERGIE.
Les nouveaux labels EFFINERGIE, publiés en 2017, maintiennent l’exigence de contrôle sur la performance des systèmes de ventilation comme cela avait déjà été instauré en 2013 et mentionnent spécifiquement l’obligation de faire des mesures d’étanchéité à l’air des réseaux aérauliques sur les logements collectif et le tertiaire :
Maison individuelle | Logement collectif | Tertiaire | ||
---|---|---|---|---|
PROMEVENT | PROMEVENT | Protocole énergie | ||
Contrôle des réseaux de ventilation | - Pré-inspection - Vérifications fonctionnelles - Mesures fonctionnelles aux bouches |
- Pré-inspection - Vérifications fonctionnelles - Mesures fonctionnelles aux bouches - Mesures d'étanchéité à l'air des réseaux aérauliques ou démarche qualité |
- Contrôle visuel - Vérification mesures fonctionnelles aux bouches - Mesure étanchéité à l'air des réseaux aérauliques ou démarche qualité |
|
Comme indiqué dans le tableau ci-dessus pour le résidentiel, EFFINERGIE a construit son référentiel de contrôle des réseaux de ventilation sur la base du Protocole PROMEVENT.
Ce protocole PROMEVENT, ainsi que son guide associé, sont datés d’Octobre 2016.
Ils décrivent comment diagnostiquer les installations de ventilation mécanique en résidentiel et ont vocation à remplacer le DIAGVENT et à améliorer les pratiques dans le domaine de la ventilation selon un mode opératoire bien défini :
Figure 1 : Organisation générale d'un diagnostic d'une installation de ventilation
Le protocole PROMEVENT ayant uniquement traité les questions des installations de ventilation mécanique en résidentiel, l’Association EFFINERGIE a donc introduit un autre protocole appelé « Protocole de contrôle Effinergie » pour répondre aux besoins du Tertiaire.
Sa dernière version à jour est datée du 12 Juillet 2017.
Le moment du mesurage
Le manque d’information sur ces exigences réglementaires et sur l’obligation de mesurer l’étanchéité à l’air des réseaux aérauliques lorsqu’une classe est prise en compte dans le calcul thermique conduit donc certaines Maîtrise d’Ouvrage et MOE à ne pas traiter le sujet avant la réception du bâtiment et à se faire « surprendre » par des contre-performances « inattendues » à la livraison du chantier.
Le moment du mesurage est un élément clé du process. Le mesurage à la réception du bâtiment est tout à fait conforme aux exigences du FD E51-767 mais il présente une prise de risque. En effet, si les mesures à réception n’ont pas été précédées d’auto-contrôles et de formation des équipes d’installation alors les corrections, à postériori des éventuels défauts de mise en œuvre, peuvent être compromise une fois les gaines techniques fermées et faux-plafonds ou faux planchers terminés.
Un certain nombre d’équipes de maîtrise d’œuvre et de lots techniques CVC ont pu expérimenter ces situations délicates, à la livraison d’une opération, lorsque l’opérateur de mesure QUALIBAT 8721 annonce un résultat « hors classe » concernant le test d’étanchéité à l’air des réseaux alors que le label EFFINERGIE, requis pour ce chantier, exige une classe A !
Il devient alors compliqué d’envisager les démontages des gaines techniques, des faux-plafonds ou des faux-planchers pour rechercher les causes des fuites et les corriger au stade de la livraison du bâtiment !
Un premier effort doit donc être consenti dans la rédaction des DCE pour mentionner clairement dans les CCTP des lots CVC / Plomberie qu’une classe est à justifier sur l’étanchéité à l’air des réseaux aérauliques et que cela entraîne :
- Une obligation de formation des équipes et des sous-traitants
- Un contrôle qualité des installations en cours de chantier
- Une obligation de mesure des réseaux aérauliques conformément au FD E51-767 applicable au 1er septembre 2017 par un opérateur autorisé QUALIBAT 8721
De nombreux Bureaux d’Etudes Fluides se posent la question d’exiger dans les CCTP l’utilisation de matériels spécifiques permettant ainsi de garantir la classe d’étanchéité à l’air du bâtiment. Certes les accessoires à joint utilisés pour les raccords des gaines, les réductions, les coudes…garantissent une meilleure performance globale de l’installation mais l’expérience montre clairement cependant que la vraie variable d’ajustement sur l’obtention d’une classe A, B ou C est le facteur humain.
Des essais ont montré, par exemple sur un bâtiment de bureaux, qu’un échantillon de réseaux de ventilation strictement identique mais posé par 3 équipes sous-traitantes distinctes sur 3 niveaux différents (R+5, R+6 et R+7) peut donner des résultats totalement différents et cela malgré la similitude des plans d’installation et du matériel installé. C’est donc plutôt une bonne nouvelle d’apprendre qu’il est possible d’obtenir une très bonne performance sur l’étanchéité à l’air des réseaux aérauliques sans surcoût lié au matériel utilisé, uniquement en améliorant la qualité de mise en œuvre !
L’information de l’ensemble des acteurs de la filière est donc le premier facteur clé de succès.
Étanchéité à l’air des réseaux aérauliques – retour d’expérience : le manque de formation des professionnels
Le déroulement des essais de perméabilité à l’air des réseaux aérauliques est maintenant bien compris des lots CVC et plomberie. Les réseaux de soufflage et de reprise sont mesurés séparément, l’un en surpression et l’autre en dépression au moyen d’un ventilateur qui stabilise la pression pendant 5 minutes à la pression d’essai et permet de quantifier le débit de fuite sur le tronçon mesuré.
En revanche, directement corrélée au manque d’information, la préparation des mesures de réseaux aérauliques est souvent mal anticipée par les entreprises concernées.
En effet, le FD E51-767 décrit précisément les règles d’échantillonnage des réseaux à mesurer par type de bâtiment, les conditions de mesurage et les modes opératoires à respecter. Ces règles sont souvent aussi méconnues.
Les règles du nouveau FD E51-767 applicable au 1er Septembre 2017 : exemple pour les logements collectifs et bâtiment tertiaire
Certaines règles peuvent « bouleverser » le plan de mesures imaginé par la MOE ou le lot technique concerné car elles exigent le respect d’un nombre de critères relativement conséquent et complexes.
Bon à savoir : 3 règles
1. Tous les réseaux installés sur une opération (soufflage, reprise, VMC) ne sont pas forcément mesurés
- Pour une opération comptant jusqu’à 5 réseaux : tous les réseaux* sont mesurés par échantillonnage ou en entier
- Pour les opérations comptant plus de 5 réseaux, une formule décrite dans le FD E51-767 permet de déterminer le nombre de réseaux* à tester par échantillonnage : 5+40%*(N-5)
1 ventilateur = 1 réseau aéraulique
Cas général : les réseaux sont mesurés sans prendre en compte les caissons, les CTA et les échangeurs.
2. Pour les systèmes de ventilation desservant plusieurs logements ou pour les bâtiments tertiaires : 3 règles de sélection d’une section de réseau peuvent être utilisées (au choix)
Pour une parfaite compréhension, les termes suivants signifient :
Aj (m²) : Aire de la surface du réseau soumis à l’essai
L : Somme totale des périmètres de jonctions incluse dans la partie de réseau soumise à l’essai
L/ Aj : longueur totale de jonction / Aire de la surface du conduit « j »
Règle 1 : Pour tout type de réseau
- Aj ≥ 10% de la surface développée totale et au moins 10m²
- Et la section inclut au moins un té souche s’il existe sur le réseau
- Et L/Aj ≥ 1 obligatoire
Règle 2 : Pour les distributions par étage (en général en Tertiaire)
- La section comprend un étage complet jusqu’au caisson de ventilation
- Et Aj ≥ 20% de la surface développée totale et au moins 10m²
- Et le rapport d’essai mentionne pour information la valeur L/Aj
Règle 3 : pour les distributions par colonne (en général en Collectif)
- La section comprend une colonne complète jusqu’au caisson de ventilation
- Et Aj ≥ 20% de la surface développée totale et au moins 10m²
- Et le rapport d’essai mentionne pour information la valeur L/Aj
3. Les coefficients de pénalité
Le nouveau FD E51-767 reprend l’idée, déjà introduite dans le précédent fascicule de 2014, d’appliquer des pénalités sur la mesure du débit de fuite d’un réseau en fonction de la présence ou non de certains équipements ou accessoires sur ce réseau au moment du mesurage.
Ainsi, il est demandé que la mesure soit faite en présence :
- Des plenums lorsque ceux-ci sont prévus sur l’installation
- Des Unités de Traitement d’Air (UTA) lorsque celles-ci sont prévues sur l’installation
- Des manchettes de raccordement à chaque caisson
Ces coefficients de pénalité peuvent avoir un impact significatif sur le débit de fuite effectivement retenu pour classer le réseau puisque le cumul des pénalités, en fonction de la présence ou de l’absence de chaque élément, peut atteindre 50% du débit de fuite réel mesuré !
Détail des coefficients de pénalités par élément :
Manchette | UTA | Plénum | Pénalité | |
---|---|---|---|---|
Intégré | Intégré | Intégré | 1 | |
Non intégré | Intégré | Intégré | 1,3 | |
Intégré | Non intégré | Intégré | ||
Intégré | Intégré | Non intégré | ||
Non intégré | Non intégré | Intégré | 1,4 | |
Intégré | Non intégré | Non intégré | ||
Non intégré | Intégré | Non intégré | ||
Non intégré | Non intégré | Non intégré | 1,5 |
Ces 3 exemples de règles applicables aux logements collectifs et bâtiments tertiaire montrent à quel point la formation des professionnels est essentielle pour mesurer la performance des réseaux aérauliques en conformité avec les attentes.
Le manque de formation des professionnels de la filière n’impacte pas seulement la préparation de ces derniers aux bonnes pratiques pour le déroulement des mesures mais également le taux d’échec, encore élevé, après la 1ère mesure et donc le niveau de correctifs à faire et le taux de retour.
Pourquoi un taux d’échec encore élevé après la 1ère mesure ?
Il peut paraître aujourd’hui « incongrue » aux opérateurs qualifiés pour faire les mesures d’étanchéité à l’air des réseaux (autorisés QUALIBAT 8721 – liste consultable sur le site www.rt-batiment.fr) de constater toujours les mêmes défauts lors de leurs interventions et voir même de pouvoir les lister avant même la mesure, comme si aucun processus d’acquisition de compétences et savoir-faire ne pouvait s’appliquer à ce domaine.
Ces mêmes opérateurs ont pourtant constaté une courbe d’apprentissage sur l’étanchéité à l’air assez rapide concernant l’enveloppe des bâtiments avec le lancement du label BBC puis leur généralisation avec la RT 2012. Alors pourquoi cette résistance dans le domaine de l’étanchéité à l’air des réseaux aérauliques ?
L’analyse des causes des fuites les plus souvent observées ne permet pas d’expliquer ce phénomène car les principales fuites sont prévisibles : elles concernent majoritairement les jonctions entre les conduits et les accessoires et les liaisons entre parties de réseaux, l’assemblage des parties entre elles.
Quelques exemples de fuites
La recherche de fuites est relativement aisée lorsque les parties du réseau testées sont totalement visibles et accessibles. L’utilisation de fumigène permet de mettre en évidence rapidement les causes des débits de fuite élevés.
Cet apprentissage des défauts récurrents, par la recherche de fuites sur des réseaux visibles et accessibles, permet donc aux professionnels de comprendre que les performances sont liées au traitement qualitatif de ces jonctions sensibles.
L’explication sur le taux d’échec encore significatif après la 1ère mesure vient donc du manque de formation des équipes intervenant pour faire ce traitement qualitatif des jonctions. L’organisation de la filière avec sa multitude de sous-traitants rend complexe la capitalisation des connaissances et savoir-faire et surtout la pratique des auto-contrôles.
Former tous les professionnels de la filière à identifier les défauts récurrents et à pratiquer des auto-contrôles en cours de chantier
La montée en compétences des professionnels du bâtiment au moment du lancement des mesures de perméabilité à l’air de l’enveloppe des bâtiments avec le label BBC et ensuite avec la RT 2012 s’est souvent accompagnée d’exigences de formation demandées :
- Soit par les certificateurs eux-mêmes comme EFFINERGIE qui exigeait, pour ses labels 2013, une formation des artisans en sus de la mesure de perméabilité à l’air en maison individuelle
- Soit par le législateur dans le cadre des démarches qualité sur la perméabilité à l’air qui ont été lancées avec l’annexe VII de la RT 2012
- Soit par le Maître d’Ouvrage lui-même qui, voulant s’assurer de la bonne exécution de son ouvrage, demandait des réunions de sensibilisation à la perméabilité à l’air du bâtiment au démarrage du chantier
Il est donc regrettable de ne pas connaître la généralisation de ces mêmes démarches sur l’étanchéité à l’air des réseaux. L’annexe VII de la RT 2012 évoquée plus haut mentionne la possibilité de faire des démarches qualité sur l’étanchéité à l’air des réseaux mais elle n’a pas connu le succès des démarches qualité sur l’enveloppe.
Aujourd’hui les descriptifs communiqués aux professionnels de la ventilation n’insistent pas sur la méthode pour vérifier la qualité d’exécution et atteindre l’objectif de classe A, B, C ou D. La terminologie requise pour mener à bien des démarches qualité, avec des auto-contrôles notamment, n’a pas encore suffisamment sa place dans les CCTP : ne sont pas évoquées les check-lists de contrôle, les gammes de travail, les points de vigilance, les solutions de traitement spécifiques, etc.
En conclusion, ...
Notre challenge est bien de réussir à avoir des systèmes de ventilation performants pour faire face aux exigences de nos bâtiments du futur (BEPOS, etc.) et aux exigences de nos bâtiments anciens avec notamment l’enjeu sur la rénovation énergétique des bâtiments. La complexité ne réside pas dans l’absence de textes ou de protocoles réglementaires, ni même dans le manque de labels pour porter les performances. Comme souvent, elle se cache plutôt dans notre difficulté à s’informer, se former et à changer nos habitudes !
Par Alice MEHEUT
Ingénieure et cogérante du BET UBAT Paris spécialisé dans les mesures de perméabilité à l'air et l'infiltrométrie du bâtiment – alice.meheut(at)ubat.fr
Entièrement d'accord avec toi Gérard !
Le point le plus important est la formation des monteurs de réseaux et l'obligation d'utilisation des éléments de réseaux classés; ce n'ai plus possible d'arriver sur un chantier avec une demande classe C, des éléments de réseaux classé A et des flexibles acoustiques raccordés sans aucun soin. Cela n'est pas compatible.
Re2018.fr