Par Hervé GRATON, gérant du BET Kypseli
Une rénovation énergétique et environnementale exigeante, mais pas que …
Ce retour d’expérience propose une réhabilitation de l’école Saint Exupéry à Doué La Fontaine (49) avec comme objectif de concilier confort, santé des enfants et empreinte carbone.
La ville de Doué-la-Fontaine a décidé en 2016 de rénover une école permettant de rassembler les élèves de deux écoles sur un même site.
Rénovation de l’école Saint Exupéry à Doué La Fontaine (49)
Bien que le programme soit épuré, les intentions étaient pragmatiques et fortes :
- Regrouper 2 écoles sur un seul site,
- Améliorer les conditions éducatives des enfants,
- Restructurer sans démolir, travaux en site occupé
- Engager des économies d’énergies tenant compte des enjeux de développement durable.
Cette rénovation fait l’objet de contraintes fortes puisque le chantier s’est déroulé en site occupé en 5 phases d’intervention. La réfection de la chaufferie a été réalisée en temps masqué pour assurer la saison de chauffe 2017/2018.
Coûts : 2 068m² pour 2,49 M€HT soit 1 210 €HT/m²
Ce défi a été relevé par une équipe pluridisciplinaire avec comme mandataire l’agence d’Architecture DRODELOT architectes à Nantes. Il a été proposé de réduire les surfaces neuves à construire en utilisant les circulations généreuses pour en faire des ateliers. Les circulations sont reportées à l’extérieur par des coursives translucides formant préau sans dégrader l’accès à la lumière naturelle dans les classes.
Réglementation RT rénovation
- Ubat 0,621 – Ubat max 0,815 – Gain 20,41 %
- Cep 67,34 kWh/m² – Cep max 108,48 kWh/m² – 37,92 %
Evaluation du confort par simulation thermique dynamique (STD) : Surchauffe : T°>28°C inférieur 0,15 % du temps d’occupation
- Remplacement des chaufferies fioul par une chaufferie bois
- Radiateurs à eau chaude en lieu et place de radiateurs électriques
- Ventilation double flux
- Eclairage sur détection d’absence avec variation du flux en fonction de l’apport de lumière naturelle
- Accès facilité aux équipements
Le maître d’ouvrage a fait faire un diagnostic énergétique en amont pour définir les axes de travail. C’est ainsi qu’il a été donné comme orientation de rassembler les 2 écoles sur un même site et d’envisager une chaufferie collective au bois pour l’école, le restaurant scolaire puis en dernier lieu l’accueil périscolaire adjacent.
Des simulations très en amont et un travail collaboratif ont permis la mise en œuvre d’installations optimisées dans une enveloppe existante conservée.
Dès l’esquisse, les échanges avec l’architecte mandataire et le maître d’ouvrage a permis de faire un tour d’horizon des enjeux fonctionnels et environnementaux.
La rénovation thermique de l’école a été l’occasion d’améliorer les conforts hygrothermique, visuel et acoustique et de recourir à une énergie renouvelable locale.
La rénovation a permis de diviser par deux la puissance installée. Il a été fait le choix d’une chaufferie bois en remplacement des chaufferies fioul et de radiateurs électriques.
Deux chaudières automatiques à granulés de bois de 300 kW et 2 silos textiles (capacité de 2*4 tonnes) et système de transfert par aspiration a été mise en œuvre. 4 ravitaillements/an sont nécessaires pour couvrir une consommation annuelle équivalente à 14 tonnes.
Réseaux de chauffages existants 675kW
Réseau de chauffage bois 300kW
Maîtrise des ambiances intérieures
La volumétrie et la largeur entre façade sud et façade nord ont permis de reconfigurer des espaces généreux et confortable. L’ambiance visuelle a été retravaillée avec des châssis vitrés toute hauteur, un second jour pour les ateliers (ex-circulation), les colorimétries de parois, et des puits de lumières par tubes solaires.
Etudes pour concilier confort visuel, thermique et acoustique
L’éclairage artificiel vient en complément sur détection d’occupation et s’adapte à la luminosité naturelle. Pour améliorer la distribution de la lumière naturelle, des conduits de lumière ont été mis en fond de classe.
Le confort acoustique est traité du fait des volumétries de plafond et des parois perforées.
Les systèmes techniques habituels des fluides ne sont pas l’unique préoccupation de nos conceptions. L’analyse croisée des enjeux énergétiques et la santé des plus jeunes ne vont pas forcément dans le même sens. Que disent les textes réglementaires ? Que font nos voisins européens ? Quelles marges de manœuvre peut-on se donner pour augmenter la qualité d’usage et de service tout en réduisant nos émissions polluantes ?
Confort hygrothermique
Le confort hygrothermique dépend de 3 facteurs : températures des parois, vitesse de déplacement de l’air et de l’humidité relative. Les enfants disposent de capacités de régulation thermorégulation plus faibles que les adultes.
Source : Bar-Or, O. (1983). Médecine sportive pédiatrique pour le praticien (manuel complet en pédiatrie). New York: Springer-Verlag.
Aucun texte réglementaire ne fixe actuellement la valeur minimale et maximale de température intérieure pour les locaux d’enseignement.
Notre rénovation thermique, s’attache à concilier tant le confort d’hiver que le confort de mi-saison voire d’été (juin, fin août septembre).
Schéma extrait « Bâtir pour la santé des enfants » ; Suzanne Déoux, Médieco Editions 2010
Les préaux, les brise-soleil à lames, la végétalisation du patio, l’ouverture possible des fenêtres, le balayage de la ventilation sont autant d’éléments contribuant au confort hygrothermique d’été. Une simulation thermique dynamique a été faite et a permis d’évaluer les températures intérieures. Les salles de classe restent toutes à des températures intérieures inférieures à 25°C.
Santé et maîtrise de l’énergie avec un public d’enfant
L’activité des enfants augmente la fréquence et le volume de leur respiration. Leur métabolisme leur fait consommer 2 fois plus d’oxygène qu’un adulte. Le rejet en vapeur d’eau est également quasiment le double pour un adulte et pose donc la question de la gestion de la vapeur d’eau dans un bâtiment qu’on vient réisolé et rendre plus étanché à l’air.
Nota : il n’a pas été fait de test d’étanchéité à l’air du fait des 5 phases de chantier, des contraintes de site occupé et de délais.
Schémas réalisés à partir des données compilées « Action Collaborative Européennes, la qualité d’air intérieur et son impact sur l’homme » dans Bâtir pour la santé des enfants, Suzanne Déoux, Médieco éditions, 2010.
Notre réglementation actuelle est très insuffisante et prévoit un renouvellement d’air pour les bâtiments destinés à la petite enfance de 15m³/h/pers (RSDT, règlement sanitaire départemental type). La norme NF/EN 15 251 peut-être retenue pour concevoir la ventilation avec un taux de renouvellement d’air plus important. Une étude européenne de 2016 fournit un regard croisé sur les réglementations relatives au renouvellement d’air en vigueur dans 16 pays européens.
Un bon compromis est à 20 m³/h/pers
Dans le cas présent, nous avons retenu un compromis de 20 m³/h/pers pour concilier qualité sanitaire et économie d’énergie.
La valeur limite recommandée par l'organisation mondiale de la santé (OMS) pour les pièces d'habitation est fixée à 1000 ppm soit 0,10%. En France, l'article 64.1 du règlement sanitaire départemental type (RSDT) stipule que la teneur en dioxyde de carbone ne doit pas dépasser 1300 ppm dans les locaux à pollution non spécifique.
En régime permanent, le débit d’air neuf nécessaire pour maintenir la concentration d’un polluant donné en -dessous d’une certaine limité est donnée par la relation suivante :
Par exemple, une personne en activité sédentaire produit en moyenne 18 litres de CO2 par heure. Pour maintenir une concentration limite inférieure à 1300 ppm quand la concentration moyenne est de l’ordre de 400 ppm, le débit d’air doit être de 20 m³/h.
La vapeur d’eau dégagée par les enfants est quasi le double de celle des adultes. Le taux d’humidité de l’air influe sur la qualité de l’ambiance dans le ressenti de chaleur. D’autre part, il est plus difficile et énergivore de chauffer un air chargé d’eau. Par ailleurs, un air trop humide peut entrainer l’apparition de moisissures si l’isolation des parois n’est pas continue. D’où la nécessité d’avoir une rénovation globale des locaux d’enseignements.
La qualité sanitaire de l’air est enjeux de santé et de réussite éducative. Une mauvaise ventilation est sources de symptômes plus ou moins bénins : assèchement des muqueuses, transmissions des maladies respiratoires, augmentation du syndrome asthmatique, maux de têtes, troubles de la concentration…
Calculons les consommations d’énergie associées à l’augmentation du débit mais aussi à la réduction de la durée de ventilation
La programmation horaire de la ventilation double flux permet largement de compenser l’augmentation des débits hygiéniques.
Si on ventilait en double flux en permanence avec un taux de renouvellement d'air de 20 m³/h/pers. au lieu du débit réglementaire (15m³h/pers.) on engendrerait une augmentation des consommations d'énergie de 33%. Mais en ventilant à 20m³/h/pers. uniquement pendant une place d'occupation élargie à 10h/jour d’école2, on réduit les consommations d'énergie de 78% par rapport à un renouvellement d'air permanent sur un débit réglementaire de 15m³/h.pers.
La ventilation hygiénique est permanente. Toutefois, dissociant la ventilation simple flux pour les pièces humides de la ventilation double flux des salles de classes, il est possible de couper la ventilation hors occupation pour les salles de classes soit 84% du temps annuel (vacances, weekends, nuits).
Lors de rénovation, la ventilation ne doit pas être négligée. Ceci couplé au fait de généralement sous-ventiler les locaux, en ne tenant pas compte que les enfants dégagent 2 fois plus de vapeur d’eau que les adultes, et cela peut générer des désordres sanitaires (moisissures sur les murs, condensation sur les vitres). Ceci a été souvent constaté lors d’opération de rénovation en changeant uniquement les menuiseries simple vitrage non étanches à l’air pour des menuiseries double vitrage très étanche sans mettre en place de système de ventilation.
Nos premiers retours utilisateurs sont très satisfaisants. Les locaux feront l’objet d’une campagne de surveillance réglementaire de la qualité d’air intérieur3 après la fin des travaux sur ALSH. Cette campagne de surveillance peut être l’occasion de sensibiliser les parties prenantes à la bonne gestion de la qualité d’air intérieur. La ventilation mécanique ne peut pas être la seule solution à la maîtrise de la qualité d’air : produits d’entretien, protocole de nettoyage, ouverture des fenêtres, la maintenance sont autant de paramètres à suivre pour une bonne qualité d’air intérieur.
Comment construire à moindre frais et à moindre empreinte carbone ?
A l’heure où le poids carbone devient (enfin) un critère dans l’acte de construire, il ne faut oublier la notion d’évitement par une approche en économie circulaire.
La rénovation des existants est un enjeu majeur dans la maîtrise globale de nos émissions de carbone. Le groupe de travail « BRB 2020-2050 » du plan bâtiment Durable met en avant le fait de réutiliser la structure et le gros œuvre dans le cadre d’une opération de rénovation permet d’économiser de l’ordre de 300 kgeqCO2 /m². Rénover permet pendant plusieurs dizaines d’années d’avoir un meilleur bilan carbone que de construire un bâtiment neuf, même si ce dernier consommerait, lui, moins d’énergie qu’un bâtiment bien rénové.
Ne pas construire à neuf, c’est, dans notre cas, environ 900 tonnes d’équivalent CO2 évitées sans compter la démolition éventuelle de l’existant4! Dans ce projet, cela représente l’équivalent de 18 années d’émissions de CO2 après rénovation !
Comment rénover, augmenter la qualité d’usage et accueillir plus d’enfants sans générer trop de surface chauffée supplémentaire ?
Pour réduire l’empreinte carbone, il est possible de s’en remettre au calcul RT/ACV. Ce projet datant de 2016, il n’a pas fait l’objet de calcul E+C-.
Toutefois, n’est-il pas temps de revoir nos indicateurs de référence ?
Il est proposé d’analyser les indicateurs de consommations d’énergie et de carbone (lié à la consommation d’énergie) ramené au nombre d’élèves accueillis.
Nombre de jour d’école par an (36 semaines x 4jrs), nombre d’heure par jour incluant présence de l’enseignant et la pause méridienne (8h-18h) ! 4jrs = 40h*36 semaines = 1440 h/8760=16% du temps d’occupation annuel
Un mot de conclusion
Demain nous pourrions aller plus loin et envisager d’intensifier les usages et ramener les émissions à l’heure de service rendu pour un équipement public. Mutualisation des espaces, flexibilité, partage, réutilisation, recyclage : la chronotopie5, une culture à coconstruire d’urgence !
Par Hervé GRATON, gérant du BET Kypseli
- Maître de l’ouvrage : Ville de Doué-La-Fontaine
- Agence Drodelot architectes et économistes - www.agence-drodelot.fr
- Bureau d’études fluides énergies environnement : KYPSELI - www.kypseli.fr
- Bureau d’études structure : ALS - www.als44.com
Notes :
1/ Promothing healthy and energy efficient buildings in the European Union, National implementation of requirements of the Energy Performance Buildings Directive (2010/31/EU), Stylianos Kephalopoulos, Otma Geiss, Josefa Barrero-Moreno, Delia D’Agostino, Daniele Paci, 2016.
2/ Nombre de jour d’école par an (36 semaines x 4jrs), nombre d’heure par jour incluant présence de l’enseignant et la pause méridienne (8h-18h) ! 4jrs = 40h*36 semaines = 1440 h/8760=16% du temps d’occupation annuel
3/ Le Décret n°2015-1000 du 17/08/15 relatif aux modalités de surveillance de la QAI dans certains ERP, rend obligatoire la surveillance périodique de la QAI pour les établissements d’accueil collectif d’enfants de moins de six ans, les écoles maternelles et les écoles élémentaires.
4/ Calcul fait rapidement à partir : http://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?batiments.htm
5/ L’économie circulaire, tremplin du bâtiment durable pour tous, 15 leviers pour agir, Alliance HQE GBC France, 2017, http://www.hqegbc.org/wp-content/uploads/2018/01/CadreDefEcoCircuBat-OK.pdf
Source et lien
Kypseli Bureau d’études fluides et énergies
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