Par Nathalie TCHANG - Directrice du BET TRIBU ENERGIE
Le 20 Novembre 2014, le premier ministre Manuel Valls a annoncé la prolongation jusqu'au 1er Janvier 2018 de la dérogation permettant une consommation maximale de 57,5 kWhep/m².an en logements collectifs au lieu des 50 kWhep/m².an qui devaient entrer en application au 1er Janvier 2015.
Suite à cette annonce, de nombreuses réactions ont eu lieu qualifiant cette mesure de retour en arrière.
Qu'en est-il exactement ?
Rappelons tout d'abord la raison pour laquelle cette dérogation avait été mise en place en 2010 au moment de la publication de l'arrêté de la RT2012.
Evolutions des consommations d’énergie primaire selon les 5 usages RT de la RT2005 à la RT2012
En vert consommations en chauffage et ECS gaz
En jaune consommations en chauffage et ECS électriques
L'exigence Cep max de la RT2012 s'exprime en énergie primaire multipliant les énergies finales électriques par 2,58 et autres combustibles par 1.
Le passage de la RT2005 à la RT2012 a donc induit une réelle rupture technologique pour la filière électrique puisque ce passage a nécessité de diviser par 5 les consommations d'énergie.
L'objectif d'une exigence de consommation unique pour toutes les énergies était de rééquilibrer les approvisionnements en énergie dans les logements neufs puisqu'en 2010 les immeubles collectifs recourraient massivement à du chauffage effet joule / ballon électrique.
Si le chauffage effet joule (type panneaux rayonnants) n'est pas condamné par la RT2012, le ballon électrique l'est et de nombreuses solutions de remplacement existent désormais en chauffe-eau thermodynamiques individuels ou collectifs.
Si une exigence à 57,5 kWh permet d'être respectée avec une solution panneaux rayonnants + chauffe-eau thermodynamiques individuels, cela n'est plus possible avec une exigence à 50 kWh !
Voici pour cela un exemple comparatif sur un immeuble collectif en fonction des différentes zones climatiques. Les prestations d’isolation thermique pour atteindre les niveaux visés 57,5 et 50 kWhep/m².an sont les suivantes :
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Les carrés bleus représentent la surface de PV nécessaire pour atteindre le niveau RT2012.
Dans le cas d’un objectif de 57.5 kWhep/m².an, il est possible d’atteindre le niveau RT2012 avec une isolation renforcée et du PV.
Dans le cas d’un objectif de 50 kWhep/m².an, même les niveaux d’isolation très poussés ne permettent pas de respecter la règle Cephors prod élec ≤ Cepmax + 12 kWhep/m².an en H1 et H2.
En H3 le niveau RT2012 est atteint avec du PV mais cela conduit à des prestations d’enveloppe démesurées.
Nous voyons bien la difficulté du passage de 57.5 à 50 kWhep/m².an pour maintenir à l’heure actuelle un équilibre énergétique gaz et électricité. Certains disent que ce n'est pas un problème et que le gaz naturel est une bonne énergie, certes mais comment faire dans les communes qui ne sont pas raccordées ? Quid de l'équilibre énergétique qui était visé?
Certes, il existe d'autres solutions de chauffe-eau collectifs avec des récupérations de chaleur sur eaux usées, sur air extrait, certaines sont encore coûteuses dans un contexte économique difficile avec un objectif de construire 500.000 logements par an à prix abordables !
Ces 3 ans de dérogation supplémentaires sont plus une nécessité qu’autre chose. Ils devraient permettre aux techniques de production d'ECS thermodynamique individuelle de persévérer dans l'amélioration de leurs performances énergétiques et aux solutions collectives de réduire leur coût d'investissement afin qu’en 2018 le passage inéluctable à 50 puisse continuer à offrir le choix entre les différentes énergies.
Par Nathalie TCHANG
Nathalie TCHANG est Ingénieur et Directrice du bureau d'études « Energie et Développement Durable »
TRIBU ENERGIE. Elle est également membre de l’association ICO et coordinatrice
du groupe de travail des applicateurs de la RT 2012.
SOURCES ET LIENS
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