Par Florence MOULINS - IFFI - INM
Avec la publication de la RT2012, les fondamentaux concernant le bâtiment, issus des lois Grenelle 1 et 2, sont en place. Quelles sont les conséquences en termes d’appréhension des projets et de responsabilité pour les acteurs de la construction quels qu’ils soient ?
Avec le passage de 150 à 50 kWh/m².an de consommation moyenne en énergie primaire dans les bâtiments et le respect des moyens assortis, l'ensemble des métiers de la construction et de l'équipement du bâtiment est à l'aube d'une modification organisationnelle voire structurelle. En effet, c'est sur un mode de pensée systémique que le bâtiment doit être désormais abordé. C'est non seulement le cas à cause des complémentarités de compétences qui doivent s'associer mais aussi dans la place que le bâtiment se voit donner au sein de l'environnement, en tant qu'élément vivant répondant à des critères de bioconception.
1°/ Nouveaux comportements et nouvelles responsabilités des acteurs
Comme l’indique le Contrôle du respect des Règles la Construction (CRC) : «Chacun des acteurs de la construction, de la commande à la réalisation d’un bâtiment en passant par sa conception, est concerné et responsable de la qualité de la construction : le maître d’ouvrage à l’origine du projet, le maître d’œuvre concevant le bâtiment, l’entrepreneur réalisant les travaux, le contrôleur technique vérifiant certaines dispositions, l’assureur proposant une protection adaptée, l’industriel fabricant les produits de construction».
En tant qu’acteur premier, c’est au maître d’ouvrage qu’échoue la responsabilité de ce qui va se réaliser. Le Grenelle 2 stipule l’obligation pour un permis de construire d’accepter les dispositifs énergétiques et matériaux à faible émission de gaz à effet de serre et constitue un engagement de la maîtrise d’ouvrage à suivre les règles décrites plus précisément dans l’arrêté du 26 octobre 2010.
Pour autant, c’est une cascade de responsabilité qui se met en place avec l’obligation de résultats puisque les données d’entrées devront être vérifiables, conduisant le maître d’ouvrage à justifier de la cohérence entre les produits utilisés lors de la construction et les caractéristiques de produits utilisées lors des calculs initiaux.
La production par le maître d’ouvrage du récapitulatif standardisé de l’étude thermique accroît de fait la responsabilité de la maîtrise d’œuvre et/ou du bureau d’études thermique associé, au travers de la justification de l’application des exigences. Ce document dont le rôle est entre autres la création de l’attestation obligatoire vérifiant la prise en compte des normes énergétiques et acoustiques à la fin des travaux décline bien cette chaîne.
Ce qui découle de tout ceci est de 2 ordres : la mise en communion des compétences des uns et des autres aux fins de produire un bâtiment d’une efficience cohérente, et d’assumer à chaque niveau les responsabilités inhérentes à chacun pour répondre et respecter les réglementations.
Le premier point renforce le changement de culture déjà amorcé avec la réglementation RT2005 dans l’étude du projet au sens large. Il va consolider le rapprochement inévitable de la maîtrise d’œuvre, architectes et bureaux d’études, pour associer d’un côté urbanisme et environnement, et d’un autre, modèles de constructions et moyens énergétiques utilisables.
2°/ Les entreprises, partie prenantes du résultat
Si l’on garde à l’esprit l’approche systémique induite, il peut sembler tout aussi pertinent d’inclure dans son champ les entreprises en tant que parties prenantes dans le résultat. Les échanges conséquents à une mise en commun d’expériences ne pourraient qu’aller dans le bon sens, permettant à chacun d’encore mieux appréhender les contraintes nouvelles pour l’autre.
Ce mode d’approche reste toutefois à dissocier de la conduite du projet proprement dit, puisque, comme le souligne Olivier Pinos, du bureau d’étude Clim’Adéquat intervenant autant à titre de bureau d’études que de MOE, « la MOE et les entreprises ne fonctionnent pas sur la même échelle de temps, et entre l’établissement d’un DCE et un début de réalisation, plusieurs mois voire plusieurs années peuvent s’écouler. »
Pendant cette période, les uns et les autres ne sont pas confrontés à la même réalité. La maîtrise d’œuvre peut se voir - pour répondre à un concept de bâtiment, proposer des solutions innovantes, mais encore relativement peu voire pas utilisées, mais qui seront connues à terme. Parallèlement, le retour des entreprises sur l’utilisation de telle ou telle autre solution permet d’ajuster l’étude.
Etanchéité d'une sortie de câbles électrique pour répondre à l'obligation de résultat
en termes de perméabilité à l'air (RT 2012)
Avec la performance énergétique comme obligation de résultat, les entreprises doivent veiller plus que jamais à la cohérence de la mise en œuvre. La sensibilisation de tous est nécessaire afin que l’engagement préalable soit respecté et la réception du bâtiment par le maître d’ouvrage et le bureau de contrôle réalisable sans risque de pénaliser la performance énergétique et les responsabilités de chacun. Il devient par exemple impossible qu’un équipement ou un moyen prévu au niveau de l’étude s’avérant non disponible au moment de son utilisation puisse être remplacé par un autre équivalent dans la fonction mais pas dans le résultat.
Car, deuxième point, n’oublions pas qu’autant le concept se doit d’être partagé pour l’atteinte de l’objectif, autant les responsabilités restent fractionnées.
3°/ Responsabilité de la performance énergétique et assurances
De l’ensemble de ces termes de responsabilité découle la notion d’assurance. Dès lors qu’une activité est réglementée en termes de résultat, la couverture correspondant à la modification de son champ de responsabilité devrait suivre. À ce jour, l’offre produit évolue et des formules diverses, plus ou moins étendues voient le jour. Le domaine reste cependant complexe. En effet, si l’approche de l’existant est aisée dans ce sens où elle possède une antériorité, comment peut-on parier sur l’à venir ?
Le contrôle à réception portera factuellement sur la perméabilité à l’air, par le contrôle d’étanchéité, mais les autres données restent a priori conventionnelles.
Nombres d’éléments restent à définir quant aux conséquences qui pourraient découler de dérives ou non respect.
4°/ Nouveaux comportements et formation transverse
De même, cela sous-tend l’information et la prise de conscience du résultat du maître d’ouvrage à l’ouvrier le plus éloigné du concept. Cela peut générer pour les entreprises de nouveaux modes d’organisation. L’interface entre entreprises prend une importance nouvelle, en ce sens où c’est de cette nouvelle forme de coordination que va résulter le respect de l’objectif en termes pratiques. Ainsi, au résultat attendu s’associe la notion d’adhésion de tous, à chaque niveau.
Pour ce faire, les outils et moyens d’information et de formation doivent suivre ; ils existent déjà. C’est dans ce domaine aussi un nouveau défi à relever ; car il ne s’agit plus de former au métier, mais à l’interaction entre métiers, et dont le but est une synergie à créer entre les corps de métiers et les corps d’état.
En attendant peut-être de futurs profils n’existant pas encore aujourd’hui, et dans lesquels on pourra mêler les connaissances et compétences en regard des attentes qu’induit non seulement la RT2012 mais également la future RT2020, les formations doivent répondre à la mise en place de cette approche systémique requise par la philosophie globale et pluridisciplinaire de la RT2012.
Mais plus pratiquement aussi, les nouveaux procédés existants et à venir vont demander une nécessaire appropriation par les intervenants qui dès lors deviennent multiples. Ceci sous-tend à une mise à jour des connaissances et compétences régulière.
La conséquence en est qu’une collaboration étroite entre les différentes parties intervenantes est non seulement nécessaire mais incontournable pour garantir les résultats.
C’est donc à une association simultanée de compétences que l’on doit s’attendre, et non plus à une succession tranche par tranche. Ce qui veut dire de façon pragmatique que chacun ne doit pas être seulement maître de sa compétence mais avoir une vision suffisante des contraintes des autres.
5°/ En résumé
Au-delà de la responsabilité de chacun telle que décrites dans les textes, il s’agit bien avant tout de d’atteindre une performance énergétique globale et réduire de façon drastique les consommations d’énergie dans le bâtiment pour la préservation de l’environnement. Ce seul élément met en exergue la nécessité d’un travail pointu quant à la définition/programmation, les études de conception et la mise en œuvre du bâtiment. Le but étant d’aboutir à une réalisation à une seule voix, le tout dans un seul et unique objectif, le bâtiment à performance durable.
Par Florence MOULINS, IFFI - INM, qui intervient au travers de son expérience de plus de 20 ans dans les métiers du froid, du génie climatique et énergétique.
flomoulins(at)yahoo.fr
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très bon article mais en tant que maitre d’œuvre je suis atterré de voir le peu de motivation de beaucoup de mes confrères pour le BBC (ne parlons pas du passif !!!) alors qu'il y la une formidable opportunité pour relancer l'ensemble de la filière du bâtiment !!! et par c temps de crise l'occasion est trop belle ... les entreprises ne sont pas non plus trés motivées ( il y en a mais trop peu ) et combien essais de faire du pseudo BBC !!! à commencer par le DPE souvent fait en dépit du bon sens et pire de complaisance !!!!
le BBC est un formidable outil mais il faut qu'il soit très bien encadré et par des acteurs
formés et totalement impartiaux .... bonne réception