le 25 Juin 2024
Par Tony LEROY, Président de Walterre
L’entreprise Walterre se définit comme un AMEx, soit un « assistant à la maîtrise d’exploitation » des systèmes énergétiques. Forte d’une 100aine de missions réalisées au cours de ces 4 dernières années, son expérience prouve qu’il est en général possible dans le tertiaire de gagner au minimum 10 points de rendement sur une installation sans aucuns travaux, par de simples réglages, et souvent beaucoup plus en intervenant a minima. Illustration avec ce retour d’expérience de l’EHPAD la Bartavelle de Meythet, en Haute-Savoie.
"Si les chaufferies fonctionnaient correctement, notre métier n'existerait pas", affirme Tony Leroy, président de Walterre, une entreprise lyonnaise spécialisée dans l'assistance à la maîtrise d'exploitation (AMEx) des systèmes énergétiques créée en 2019. "Cependant, notre équipe est passée de 2 à 15 personnes en 4 ans, et nous visons désormais un développement national, preuve que ce nouveau métier répond à un réel besoin des maîtres d'ouvrage." Selon lui, ce besoin provient principalement de l'absence de contrôle d'efficacité obligatoire par des organismes indépendants dans les chaufferies. En pratique, débordés, les exploitants laissent les systèmes dériver et sont souvent confrontés à un surdimensionnement. "Même si les chaufferies fonctionnent correctement à leur réception, ce qui n'est pas toujours le cas, les premiers dysfonctionnements apparaissent rapidement en raison du manque d'accompagnement par le bureau d'études techniques (BET), d'un suivi des performances insuffisant, et d'une maintenance inadaptée souvent due à un cahier des charges inapproprié ou à une incompétence technique." D'où l'importance cruciale de l'AMEx.
Jusqu’à 12% à 20% d’économies sans investissement
L’AMEx combine des aspects de bureau de contrôle, de BET et de technicien pour se spécialiser dans l’optimisation énergétique. Walterre a développé une méthodologie, concrétisée dans le logiciel WaltApp®. « Cet outil nous permet de produire des diagnostics de performance chauffage (DPC) en deux rapports : un technique pour guider l’exploitant et un financier pour le maître d’ouvrage. » Ces services coûtent en moyenne 1500 euros pour l’évaluation d’un bâtiment tertiaire de 1000 m², avec un coût annuel supplémentaire de 300 à 1000 euros pour l’assistance. « Cette assistance inclut la mise au point avec l’exploitant et le suivi des consommations, avec un partage des économies réalisées, jusqu’à un certain plafond. »
Tony Leroy affirme qu’il est généralement facile de réaliser 12 % d’économies sans perte de confort, voire plus de 20 % en optimisant l’utilisation, grâce à de simples ajustements. Pour dépasser 40 %, il faut souvent investir dans l’isolation, les énergies renouvelables et l’intelligence du bâtiment. « Mais la première étape pour économiser l’énergie reste d’optimiser l’existant. »
Non-conformités et dysfonctionnements
Parmi la centaine de chaufferies suivies par Walterre, la majorité présentait diverses anomalies, plus ou moins graves :
- 90 % avaient des régulations mal paramétrées ou mal raccordées,
- 70 % montraient des réglages de combustion non optimisés,
- 65 % avaient des régimes primaires dépassant de 5°C la température recommandée.
- 45 % des productions d'ECS pouvaient être réduites d'au moins 2 °C
21% d'économies réalisées dans une chaufferie d'EHPAD grâce à un simple tournevis
L'EHPAD la Bartavelle, situé à Meythet dans l'agglomération d'Annecy en Haute-Savoie, a été ouvert en fin 2010. Nicolas Dumaz, responsable technique chez Walterre, souligne que cet établissement reflète la génération de bâtiments bien isolés, où l'optimisation énergétique se concentre sur les systèmes. Un diagnostic de performance de la chaufferie effectué par l'entreprise a rapidement révélé un potentiel d'économies significatif sur le chauffage et l'eau chaude sanitaire, en raison notamment d'un surdimensionnement évident du dispositif.
Il note notamment que la chaudière bois la plus puissante, malgré son arrêt, entraîne des pertes thermiques au niveau de deux ballons tampons de 5000 litres, maintenus inutilement en température par les deux autres chaudières gaz en service. Il souligne également le manque de maintenance sur l'installation solaire thermique, censée couvrir "gratuitement" 40% de la production d'eau chaude sanitaire, qui a cessé de fonctionner faute d'une maintenance adéquate, comme c'est souvent le cas.
Deux des trois chaudières étaient opérationnelles
En pratique, les deux chaudières gaz de marque Viessmann, d'une puissance totale de 760 kW, couvrent tous les besoins thermiques de l'EHPAD, mais avec plusieurs dysfonctionnements. Suite à un diagnostic, Walterre a effectué une journée de mise au point en présence de l'exploitant, permettant des économies de gaz de 21% par an. Cette intervention a coûté environ 2000 euros, mais a généré des économies annuelles de 17000 euros à l'établissement. Fort de ce succès, le projet a été étendu à d'autres bâtiments, avec l'objectif d'économiser 15% d'énergie globalement, et un retour sur investissement rapide.
Plus d'économies grâce à des interventions simples
Pour l'EHPAD la Bartavelle, d'autres interventions légères pourraient encore améliorer son efficacité énergétique, visant à dépasser les 40% d'économies d'ici 2030 selon les normes du décret tertiaire. L'arrêt de l'utilisation de la deuxième chaudière gaz, estimé à environ 2500 euros, permettrait d'économiser 12500 kWh par an, rentabilisé en 2 ans. De plus, l'ajout d'un by-pass sur les ballons de stockage de la chaudière bois pourrait engendrer un gain supplémentaire de 4% pour un investissement de 10 000 euros, avec un retour sur investissement de 3 à 4 ans. La réhabilitation de l'installation solaire thermique, pour environ 20 000 euros, pourrait apporter une économie de 20% sur la consommation totale, avec un temps de retour d'un peu plus d'un an, atteignant ainsi 46,5% d'économies sans travaux majeurs. Pour aller plus loin, d'autres actions futures sont envisagées, telles que l'équilibrage hydraulique, l'amélioration de la ventilation, voire le passage à la condensation ou à l'hybridation en remplaçant le groupe d'eau glacée par une PAC réversible.
A retenir :
- Pour les projets visant à améliorer ou rénover l'efficacité énergétique, l'assistant à la maîtrise d'exploitation (AMEx) évalue les installations existantes et propose un plan d'action en considérant les délais de récupération financière.
- En général, des économies de 12% à 20% peuvent être réalisées sans sacrifier le confort, grâce à des ajustements simples ou des réparations mineures.
- Ces améliorations sans travaux peuvent souvent être une première étape vers l'accomplissement des objectifs établis dans le décret tertiaire de 2019.
Actions
ACTION 1 - Réduction de la capacité des brûleurs
Diminution de la puissance des brûleurs (1,2)
Économies d'énergie : 6%
Le problème : sans même parler de la chaudière bois inopérante de 400 kW, les quelque 700 kW produits par l’association des deux chaudières gaz dépassent largement les besoins thermiques du bâtiment. De plus, ces deux chaudières fonctionnaient au départ simultanément du fait d’une mise en cascade dysfonctionnelle (problème lui aussi réglé par Walterre, lire « ACTION 3 »). Conséquence : des cycles de fonctionnement trop courts (à peine quelques minutes), au détriment non seulement de la consommation, mais aussi de la fiabilité.
La solution : en réglant la puissance des brûleurs à la limite basse acceptable par les chaudières, les temps de cycles ont pu être repoussés au-delà d’une heure. Cette diminution de puissance, de l’ordre de 30%, a été réalisée d’une part en réduisant le débit au niveau du bloc gaz (1) et d’autre part en ajustant le volet d’air comburant (2) .
ACTION 2 - réduction de la température programmée de la chaudière
Abaissement de la consigne de température de la chaudière (3)
Économies d'énergie : 4%
Le problème réside dans le maintien traditionnel des chaudières basse température, telles que celles utilisées à l'EHPAD Bartavelle, à une température d'environ 80 °C par les exploitants. Cette pratique est énergivore, car une température aussi élevée n'est pas nécessaire pour assurer le bon fonctionnement des systèmes de chauffage et d'eau chaude sanitaire.
La solution consiste à ajuster la consigne de production en sortie de chaudière (au niveau du primaire de l'échangeur) à 65 °C. Cette démarche, si elle est menée avec précaution, ne présente aucun risque particulier de condensation dans la chambre de combustion.
ACTION 3 - activation du mode cascade pour les chaudières
Mise en route du mode cascade pour les chaudières (4,5)
Économies d'énergie : 2%
Le problème réside dans le fait que, depuis le début, les deux équipements fonctionnaient simultanément au lieu de suivre une configuration en cascade hiérarchique, avec une chaudière prioritaire et l'autre agissant en appoint. Cette méthode entraînait donc deux fois plus de pertes thermiques permanentes que la normale.
La solution a été trouvée grâce à la détection d'une erreur de montage de la vanne deux voies (V2V). Cette anomalie a été corrigée en inversant le câblage électrique de cet élément (4) et en ajustant son sens d'ouverture (5).
ACTION 4 - réduction de la consigne de température pour l'eau chaude sanitaire
Abaissement de la consigne de température d’ECS (6)
Économies d'énergie : 3%
Le problème initial était que la température de départ de l'ECS était fixée à 65 °C, ce qui dépassait de 10 °C le compromis souhaitable entre le service attendu et les pertes de chaleur acceptables dans l'échangeur et les tuyauteries.
La solution consistait à régler la régulation du préparateur pour abaisser la consigne ECS de 65 °C à 55 °C.
ACTION 5 - optimisation des réglages de température pour les départs de chauffage
Amélioration des consignes de température des départs de chauffage (7)
Économies d'énergie : 5%
Le problème : compte tenu de la qualité thermique du bâti, le réglage à 1,65 de la pente de chauffage a été jugé exagéré par les techniciens de Walterre.
La solution : cette pente a été revue à la baisse pour atteindre 1,46 (dans un premier temps), sans altération notable du confort des occupants.
ACTION 6 - optimisation de l'ajustement des pompes de circulation
Amélioration du réglage des circulateurs (8,9)
Économies d'énergie : 1%
Le problème résidait dans le fait que la configuration maximale des circulateurs ne permettait pas d'atteindre des performances hydrauliques optimales, ce qui entraînait des pertes thermiques dans les réseaux et une diminution de la durée de vie des moteurs.
La solution consistait à optimiser le réglage des circulateurs, notamment en abaissant la consigne de température de bouclage de l'eau chaude sanitaire de 60 °C à 52 °C, soit 2 °C au-dessus de la limite minimale réglementaire. Cette nouvelle configuration améliore le fonctionnement du système et réduit la consommation électrique des moteurs.
Amélioration du réglage des circulateurs (10)
DEMANDE TECHNIQUE