Décarbonation dans le tertiaire via l’hybridation

Par Pierre Murie, Responsable Efficacité Energétique chez Cegibat

Dans le tertiaire neuf ou existant, les solutions de pompes à chaleur hybrides collectives prennent une longueur d’avance en réponse aux récentes réglementations. Il reste à en connaître les principes et les performances avant d’opter pour la plus appropriée.

Caractéristiques et avantages des solutions hybrides

Une solution dite hybride associe deux ou plusieurs énergies – de préférence renouvelables – pour couvrir les besoins en chauffage ou en eau chaude sanitaire. Il pourra s’agir de l’association bois-énergie et gaz, solaire et gaz, ou encore électrique et gaz. Souvent plébiscitée, la PAC hybride collective s’appuie sur deux technologies éprouvées : la PAC et la chaudière à gaz – souvent à condensation – au rendement optimisé par une régulation.

Par leurs performances, ces modèles hybrides sont tout désignés pour remplacer d’anciens systèmes de chauffage. Les maîtres d’ouvrage peuvent ainsi réaliser d’importants gains énergétiques et satisfaire aux exigences des différentes réglementations, en rénovation comme en construction neuve – avec la RE 2020/2025. Un tel équipement bénéficie en outre d’une étiquette énergétique et environnementale élevée dans le cadre du DPE.

Adopter une stratégie comme préalable

Avant d’opter pour une solution, le maître d’ouvrage doit définir sa stratégie énergétique. Le choix en faveur de systèmes hybrides PAC et chaudières gaz pourra être guidé par un objectif de réduction de la consommation en énergie primaire ou finale et/ou d’augmentation de la part d’énergies renouvelables dans le mix. Comme le résume Pierre Murie, responsable efficacité énergétique, Cegibat, « Les arbitrages en faveur de plus ou moins d’émissions de CO2 sont d’ordre économique ».

Il convient ensuite de tenir compte de trois critères, selon Baptiste Voisin, cogérant du BET Alturan. Tout d’abord la disponibilité électrique sur le réseau, liée au branchement électrique et au type d’abonnement. L’emplacement des unités extérieures joue aussi un rôle pour des raisons de rendement et d’acceptabilité par le voisinage. Enfin, la zone climatique hivernale est déterminante pour la gamme de PAC envisageables – en fonction des besoins de rafraîchissement par exemple.

Le dimensionnement

« Bien dimensionner son système hybride implique de bien connaître la puissance utile du bâtiment », souligne le consultant ingénieur fluides Michel Lefevre. Celle-ci est étroitement liée à l’usage : certains bâtiments nécessitent en effet un chauffage continu, d’autres un fonctionnement intermittent. Fort de ces connaissances et en fonction de sa stratégie – effacement en énergie finale, recherche de performance ou simplicité d’usage –, le maître d’ouvrage a le choix entre trois configurations d’hybridation :

Dans la première, dite « Maxi », la PAC fonctionne en base avec l’appui de deux générateurs après atteinte du point de bivalence – lié à la température extérieure. Dans ce cas, la PAC fonctionne tout au long de l’année avec un taux de couverture de 50%, d’où un faible besoin de puissance.

La seconde configuration, dite « Performante », privilégiée pour le neuf, favorise une diminution de la consommation en énergie primaire. L’objectif consiste à optimiser le rendement de la PAC, malgré un fonctionnement simultané des deux systèmes. Dans ce cas de figure, la PAC est mise à l’arrêt.

La troisième configuration, dite «Simple», repose sur un fonctionnement on/off de chaque générateur. D’une puissance supérieure, notamment en cas de besoins en rafraîchissement, la PAC fonctionne en base en cas de dépassement d’un certain plafond par les températures extérieures.

Une régulation mesurée et progressive

L’autre élément décisif en matière d’efficacité énergétique est le système de régulation, capable d'intégrer plusieurs paramètres, comme le prix du kWh électrique ou gaz en temps réel. Sans atteindre un degré de sophistication trop élevé, il est recommandé – en attendant l’évolution de la réglementation, notamment avec l'arrivée du décret BACS – de privilégier une approche simple axée sur la maîtrise du taux de couverture de la PAC et de son Cop saisonnier, lié à la température extérieure. Par exemple, connaître précisément le taux de couverture de la PAC permet d’optimiser le fonctionnement des systèmes en temps réel. Une PAC avec un taux de couverture de 50 % dans une solution hybride permettrait de réduire les émissions de CO2 de 45 %, tandis qu'une solution 100 % PAC réduirait ces émissions de 88 %. Cependant, cette dernière option peut s'avérer de 2,5 à 5 fois plus coûteuse qu'une solution hybride.

L’étape suivante consisterait à optimiser les systèmes énergétiques en fonction du coût de l’énergie. En adaptant le fonctionnement des installations selon la tarification de l’électricité en temps réel, il sera possible de mieux gérer les pics de consommation et de minimiser les coûts énergétiques. Enfin, pour un investissement comparable, l’hybridation de plusieurs chaufferies permettrait de rénover entre deux et cinq installations, contre une seule pour une solution 100 % PAC, ce qui offre un effet de levier significatif en termes de réduction des émissions de CO2. En optant pour l’hybridation, il serait possible de réduire les émissions de CO2 d’un parc de chaufferies de 112 % à 125 %, notamment en intégrant du biogaz, tout en maximisant la rentabilité du kW installé.

En conclusion, à investissement égal dans une démarche de décarbonation, les solutions hybrides, surtout si elles intègrent du biogaz, se révèlent plus pertinentes que des solutions 100 % thermodynamiques.