Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 22 Décembre 2023
On se rassure comme on peut. Au lendemain de la conférence de presse trimestrielle de la Fédération Française du Bâtiment (FFB), l’Insee présentait la prospective pour le 1ᵉʳ semestre 2024. Information principale : la désinflation. Important, mais les mois à venir réservent des moments moins réconfortants.
La conférence de presse trimestrielle de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) de la mi-décembre présentait un bilan en droite ligne avec les annonces des mois précédents, avec un profil de perspective négative bien accentuée pour l’année 2024, et même 2025.
On reprend à grands traits les informations parues dans la presse économique et généraliste – la situation est vécue comme assez grave pour la construction neuve et a intéressé pratiquement tous les médias.
Construction neuve, un marché prévu difficile par rapport à la rénovation
Baisse de la construction neuve
Ainsi, permis de construire, mis en chantier et volume global de production chutent nettement dans les premières estimations à fin 2023. De 490 000 en 2022, les autorisations de logements (individuels et collectifs) ont atterri à 370 000 en 2023. Les ouvertures de chantiers, qui avaient commencé a chuté en 2022 par rapport à 2021, passent de quelques 370 000 à 280 000.
Les projections pour 2024 sont de 380 000 autorisations et un peu plus de 240 000 ouvertures de chantiers. On passerait ainsi en-dessous du niveau d’activité des plus mauvaises années du début de la décennie 90. Le chiffre d’affaires du logement est à l’avenant : après une baisse de 43 Mds€ en 2022 à moins de 40 Mds€ estimé en 2023, ce CA devrait être d’un peu plus de 30 Mds€ en 2024.
La situation est un peu moins déprimée sur les chantiers non résidentiels. La baisse de permis de construire est relativement stable et devrait se maintenir autour de 38 à 40 Mm², mais le nombre de chantiers diminue de 26 à 22 Mm², et le chiffre d’affaires, stable à environ 30 Mds€ en 2022 et 2023, devrait chuter à 28 Mds€ en 2024.
Si elle présente un profil de hausse, l’activité d’amélioration-entretien est loin d’être en mesure d’inverser les plateaux de la balance. D’un peu moins de 90 Mds€ en 2022, elle devrait atteindre 92 Mds€ en 2023 et dépasser les 93 Mds€ en 2024.
Le bilan provisoire de l’activité 2023 s’établit à environ 163 Mds€, un peu en retrait et au niveau du creux du milieu des années 2010. Mais les économistes de la FFB laissent entrevoir une année 2024 bien plus en recul, à moins de 155 Mds€.
Aux conditions de marché très dégradées depuis quelques années – baisse du volume de crédit, augmentation des coûts de construction liée à l’inflation du prix des matériaux et au renforcement des normes de construction, rareté du foncier – s’ajoute l’application prochaine d’une aide MaPrimRénov sous condition de changement du générateur à énergie fossile, notamment gaz. Ce qui, malgré le relèvement de l’enveloppe MaPrime Rénov à 4 Mds€, pourrait faire refluer le marché.
La FFB avait aussi l’espoir de voir revenir le dispositif Pinel jusque fin 2024 et d’avoir convaincu de la nécessité de modifier l’application trop restrictive du prêt à taux zéro (PTZ). La conclusion des débats sur la loi de finances par un 49,3 a douché ces attentes et déclenché une protestation des constructeurs et des promoteurs. Avant même ces événements de dernière minute, la FFB considérait 2025 comme compromise, prévoyant un chiffre d’affaires inférieur à 150 Mds€.
2024, une désinflation marquée par la récession
Le lendemain de la conférence de presse de la FFB, l’Insee présentait sa note de conjoncture et ses prévisions pour le premier semestre 2024. Si le statisticien national table sur un atterrissage de l’inflation, il souligne que l’année prochaine devrait être marquée par une baisse importante et généralisée de la croissance en Europe.
Côté inflation, la France devrait revenir à un rythme de 2,6% à la fin du premier semestre, essentiellement tiré par l’augmentation des prix des services et de l’énergie ; contrairement aux années 2022 et 2023, l’alimentation voit son inflation refluer. Pour autant, la hausse globale des prix depuis 2019-2021 affiche un cumul 16%. On se console en se comparant : aux USA, cet acquis d’inflation est de 20%, en Allemagne, de 20,5% et au Royaume-Uni, de 22%.
Côté croissance, après +2,5 en 2022, le PIB devrait augmenter de +0,8% cette année, et l’acquis de croissance mi-2024 ne devrait pas dépasser +0,5%. Des resserrements de progression identiques devraient se rencontrer en Allemagne (-0,1% en 2023, 0,3 en 2024), en Italie (+0,7 en 2023, +0,3 en 2024) et en Espagne (+2,4% en 2023, 1% en 2024).
Les simulations produites par l’Insee montrent aussi une très faible variation du pouvoir d’achat des ménages. Ce qui se traduirait, après un dernier trimestre 2023 stable, par une reprise de la consommation des ménages au premier semestre. Pour ce qui concerne l’investissement des ménages, le recul entamé depuis pratiquement deux ans se poursuivrait, notamment en raison des taux d’intérêt. À ce titre, l’Insee livre une étude menée auprès des ménages sur leur capacité d’épargne depuis 2015.
L’échantillon réparti en quatre quartiles de revenus exprime l’état de crise financière vécu par les deux premiers. Ce qui amende les réflexions sur les raisons du désinvestissement des ménages en matière de logement ... Et qui milite aussi pour l’aide à la rénovation énergétique.
Dans ce contexte, l’Insee prévoit un recul du secteur de la construction « mais à un rythme de plus en plus modéré ». Par ailleurs, l’institut indique que la courbe du chômage devrait s’inverser en repassant à 7,6%.
Pour sa part, la FFB indique que 2024 pourrait se solder par une réduction de 90 000 postes. En clair, des visions très contrastées.
Lecture recommandée
La note de conjoncture de l’Insee de Décembre 2023 - Cliquez ici
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.