Crise de la construction : quelques signes d’un changement en profondeur

Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 08 Avril 2024

La crise du bâtiment se poursuit, et malgré les contraintes financières et budgétaires, les acteurs montrent leur adaptabilité.

Mi-mars, dans sa présentation de la conjoncture de l’économie, l’Insee soulignait, d’une part, une Europe à la traîne de l’économie mondiale, et, d’autre part, la France dans le peloton de queue. Dans les derniers jours de Mars, les annonces relatives « au mauvais bilan de l'économie » ont été plus précises.


rénover transformer bâtiment

Crise du bâtiment : Rénover et transformer plutôt que de construire des bâtiments


Pour ce qui concerne les statistiques de la construction …

Le statisticien national relève que depuis 2021, l’investissement se réduit de façon régulière ; il met en parallèle le cas de l’Italie où l’évolution de l’investissement s’est très nettement redressée depuis 2019, avec depuis cette date une envolée de près de 44%.

L’Insee pointe surtout une situation économique des ménages très marquée par une inflation toujours relativement élevée, même si elle a été divisée par trois depuis fin 2022, et une progression des salaires, donc du pouvoir d’achat, plutôt très modeste (environ 1%). En clair, de quoi gérer à court terme, mais rien pour envisager un projet.

En témoignent deux informations. En premier lieu, le taux d’épargne qui, de 14 à 16% du revenu disponible brut avant la crise liée au Covid, se stabilise depuis 2021-2022 autour de 18%. En second lieu, le solde d’opinion sur l’investissement des ménages qui reste positif pour ce qui concerne l’entretien-amélioration et est en pleine dégringolade depuis 2022 ; début 2024, ce dernier est proche de -40%.


olivier salleron




Fin Mars, les estimations des économistes de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) présentées lors de la conférence trimestrielle d’Olivier Salleron, président de la FFB - photo ci-contre - quelques jours plus tôt étaient confirmées.

Fin Février, le nombre d’ouvertures de chantiers a baissé de 29% par rapport à la moyenne annuelle d’avant Covid.

Soit 23 000 logements entrepris. Les permis de construire sont eux aussi sur une pente raide : -20% par rapport à l’avant Covid



Rénover et transformer plutôt que de construire des bâtiments

Le message adressé depuis des mois au secteur de la construction est des plus clairs : il va falloir réorienter la production de logements sur la base de la rénovation, de la réhabilitation et du changement d’affectation des bâtiments plutôt sur la construction neuve.


émetteur carbone

Rénover plutôt que construire, moins émetteur de Carbone


Les signaux sont lisibles. Les pouvoirs publics ont accompagné le sujet sur le zéro artificialisation nette (Zan), notion bien comprise, voire parfois surinterprétée par les collectivités comme une incitation à moins ouvrir de foncier à la construction de logements.

Même après un coup de rabot, le budget accordé à MaPrimeRénov a été augmenté, et l’accompagnement des chantiers de rénovation thermique, encore balbutiante, devrait amplifier la demande. Cependant, ce choix d’orientation perçu avec intérêt en termes financiers et environnementaux - ce serait moins coûteux et moins émetteur de carbone de rénover que de construire neuf - semble encore prématuré pour la filière construction. Car, si l’entretien-rénovation compte pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires, son économie globale - innovation industrielle, marchés des majors … - est tirée par le neuf.

Par ailleurs, l’activité législative a été marquée par deux moments importants en matière de production de logements. D’abord l’adoption, le 7 Mars dernier, d’un texte intégré au Code de l’urbanisme (articles R-421-14 et R-421-17) pour simplifier le changement de destination des bâtiments.


bureaux logements

Transformation de bureaux en logements « Hôtel des Postes Chavant » à Grenoble
Source Architectes ECDM – Présenté à EnerJ-meeting Lyon 2022


Autrement dit, la transformation des immeubles de bureaux en logements et la création d’un permis de construire réversible. Un sujet de tests récurrent par des promoteurs et des architectes au cours des dernières années et la fin du débat sur un « serpent de mer » évoqué depuis plus de vingt ans …

En second lieu, l’adoption fin Mars d’un texte sur l’habitat dégradé. Ces dispositions visent en particulier à aider les propriétaires et copropriétaires pris dans de multiples difficultés (financières, indivisions, ...) pour rénover leurs biens rapidement selon les standards techniques des constructions.


La filière de l’immobilier s’adapte !

En attendant de sortir de cette tenaille, la pression a été relâchée. Déjà, les banques commencent à réduire les taux d’emprunts : ils sont en train de repasser le seuil de 4%. Ce qui permet au marché de l’immobilier de retrouver un peu d’air. D’ailleurs, certains acteurs, tel Guy Hoquet, soulignent que les prix repartent à la hausse dans le logement individuel et collectif … Sauf en région parisienne où là, ils continuent de chuter. Cela étant dit, le profil du marché change : les prix montent, mais les budgets des acheteurs se réduisent d’environ 1% et les surfaces achetées sont à l’avenant : de l’ordre de -3 à -4%.

Quand on parle d’adaptation du secteur de la construction, il faut aussi évoquer les stratégies des clients. Fin Mars, le site « SeLoger.com » faisait état du bilan des annonces immobilières publiées ces derniers mois sous l’angle des performances énergétiques des biens. Le résultat de l’analyse des données est éclairant. Il souligne que désormais la « valeur verte » des constructions, sujet lancé il y a déjà une vingtaine d’années, est bel et bien entrée dans le quotidien des acheteurs et vendeurs. Ainsi, en tenant la classe D pour valeur-pivot, les logements classés A sont en moyenne surcotés de 17% (soit environ 540 €/m²) et que ceux classés G sont dépréciés de 14% (-458 €/m²) ; c’était seulement -7% en 2021.

Autre enseignement important : le classement en F ou G n’a rien de repoussoir, tout au contraire. Ainsi, toujours en comparaison d’un bien immobilier classé D, un appartement classé G produira 56% de contacts en plus en agence. Et inversement pour un bien classé A – plutôt rares, il faut dire, puisqu’ils forment 2% du parc - : ils sont 35% moins demandés. Parmi les explications, on trouve l’attractivité du prix et les possibilités techniques et financières désormais proposées pour remettre son achat à niveau, par mono-gestes ou opérations de rénovation lourdes. Les analystes de SeLoger précisent par ailleurs que ce phénomène de décote des biens aux plus mauvais DPE n’en est qu’à ses débuts.

De même, après avoir remué tout le Landerneau, le rassemblement des acteurs de la construction a obtenu quelques concessions. Un milliard a été annoncé par le gouvernement pour lancer un programme sur trois ans de 75 000 logements intermédiaires. Ce qui a été vivement remis en perspective par les militants du logement social qui soulignent le déphasage avec les 2,5 millions de ménages en attente.

Les difficultés rencontrées sur la construction neuve conduisent aussi des promoteurs à s’adapter. Ainsi le montpelliérain Urbat, présent dans tout le sud-est, de Pau à Fréjus, propose aux acheteurs d’appartements ses « flexi’plans ».

Les logements des immeubles sont proposés avec quatre types de distribution de pièces afin de s’adapter au style de vie : classique, avec grande cuisine, avec une ou deux chambres pour enfants, avec chambre d’ami.
S’y ajoute le placard transformable en bureau, la disponibilité d’un rangement adapté aux vélos, la récupération d’eau de pluie, un soin particulier pour l’intégration paysagère et la biodiversité.

L’adage se vérifie une fois encore : des contraintes émergent des solutions !


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