Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 24 Juin 2022
Le secteur de la construction subit actuellement les assauts des événements aussi distincts et perturbants que la mise en place de la RE2020, la crise ukrainienne et son cortège de conséquences économiques. Les économistes de la Fédération française du bâtiment (FFB) dressent un panorama qui laisse présager d’une année 2022 sans dynamisme.
Le secteur du bâtiment dynamique mais soumis aux crises
L’ensemble de l’économie française est soumis aux vents contraires provoqués par une fin d’année 2021 relativement dynamique et un début d’année marquée par le début du conflit Russie-Ukraine auquel s’ajoute la confirmation de l’envolée de l’inflation après le desserrement de l’étau de la crise sanitaire.
Après deux années chaotique, la filière bâtiment a dû encaisser ce mur de la conjoncture – notamment la hausse des prix des matières premières – avec quelques handicaps supplémentaires.
En premier lieu, l’application au 1ᵉʳ Janvier dernier de la réglementation environnementale 2020 (RE2020) qui modifie fortement la conception des bâtiments concernés et les choix techniques de construction. De fait, le mois de Décembre a connu un encombrement des dossiers de permis de construire digne d’un départ des juillettistes vers la Côte d’Azur.
Pour les constructeurs, ce texte s’ajoute à d’autres : la Responsabilité environnementale des producteurs (REP) pour l’élimination des déchets de bâtiment ; l’objectif « zéro artificialisation nette » pour limiter le grignotage des bonnes terres agricoles et éviter le saccage de la biodiversité ; la Stratégie française climat et énergie (SFEC) qui interdit le renouvellement des équipements au fioul dans l’ancien … Toutes mesures décrites par la Fédération française du bâtiment (FFB) comme génératrices de surcoûts.
Autre événement cumulatif tout aussi perturbant pour le secteur de la construction : l’application, au 1ᵉʳ Janvier dernier, de la décision du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) prise fin Septembre dernier de fixer de nouvelles conditions d’octroi de crédits aux ménages pour réduire le risque de surendettement. Le taux d’effort des emprunteurs ne doit plus excéder 35% des revenus, et la durée de remboursement des prêts est limitée à 25 ans. Certes, des dérogations sont permises, notamment pour les primo-accédants, mais la mesure vient stopper net des pratiques de financement risquées depuis quelques années.
Le logement collectif en repli, le non résidentiel leader d’activités
Le bilan du premier trimestre 2022 est marqué par ce contexte. Dans une économie globale en repli, la comparaison des niveaux de ventes annuelles de logements neufs (sur 12 mois) montre un fléchissement de -0,3% ; sur le premier quadrimestre 2022, les chiffres de l’Insee sur la promotion immobilière montrent une baisse de -25,5% des ventes de maisons individuelles et de -9,2% des logements en collectif.
Les chiffres de la construction neuve ne donnent pas le change. En comparant les quatre premiers mois de l’année, l’individuel tire les mises en chantier au premier trimestre en affichant +7,2%, et le collectif vient remettre la balle au centre avec -8,6% : soit un recul global de -1,5%.
L’activité est nettement plus positive en construction neuve non résidentielle : +11,6% de mises en chantier sur un an, et +19,6% sur le dernier quadrimestre. La palme revient aux locaux industriels (+31,2% sur un an, +67,8% sur le premier quadrimestre).
Face à cela, les autres marchés de la rénovation ne sont pas d’un grand secours pour relever les résultats. Celui de l’entretien-rénovation – 54% de l’activité – croît au premier trimestre de +1,4%, tiré par le non résidentiel à +2,9%. Les chantiers spécifiques de transition énergétique augmentent de +1,1%, et sur ce segment aussi, le non résidentiel est orienté à +2,9%.
Le recueil de l’opinion des entrepreneurs ne vient pas renverser cet état des lieux pour les mois à venir : la perspective d’activités en entretien-rénovation sur le second trimestre de l’année serait en recul.
Le secteur du bâtiment fortement soutenu
Pour autant, comment se porte le secteur du bâtiment ? Malgré le constat dressé, les indicateurs classiques conservent une allure avenante. La hausse de la création d’entreprises se poursuit depuis 2017-2018 et les défaillances d’entreprises sont en baisse. Les entreprises annoncent des carnets de commandes relativement élevés (9 à 10 mois pour les plus de 10 salariés) voire stables (4,6 mois pour les artisans). Même si le recrutement reste un point dur, les effectifs salariés et intérimaires sont au plus haut.
Par ailleurs, le niveau stable de l’amélioration-entretien doit aussi beaucoup aux nouvelles mesures MaPrimeRénov’ développées depuis le début de l’année 2021. Fin Avril, les chiffres fournis par l’Anah et le ministère de l’Économie indiquaient une hausse de 19% du volume distribué avec pour effet d’augmenter le montant moyen des travaux de 9 800 € à 11 200 € (+14%) (se référer à la figure ci-dessous).
Le secteur de la construction reconnaît les efforts des pouvoirs publics pour soutenir son activité, qu’il s’agisse de l’accompagnement de la trésorerie des entreprises avec l’allongement des plans garantis par l’État ou les réflexions en cours sur l’indexation des aides sur l’inflation.
Lors des assises du BTP qui se sont tenues le 14 Juin dernier, la FFB a demandé de compléter les mesures. Parmi elles : remplacer les régimes fiscaux développés depuis des décennies par un mécanisme d’amortissement du locatif privé ; une simplification du marché du neuf par une dématérialisation de l’instruction des permis et la création d’un permis déclaratif … Y figure aussi une demande de mesure de l’impact de la transition énergétique et digitale que ce soit en termes de marchés, d’emploi, de formation, de structure d’entreprise et d’organisation de la filière à l’horizon 2050. L’incertitude est telle que cela semble de bon aloi.
L’avenir, c’est du passé en préparation, disait Pierre Dac.
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.